D’où vient ACAB : historique d’un slogan rageur
On voit ce slogan partout à chaque manifestation en France, mais d'où vient ACAB ? Quatre lettres simples devenues un cri de colère, un mème, un tag.
On voit ce slogan partout, dans chaque manifestation, sur les murs, les pancartes ou les réseaux. Mais d’où vient ACAB ?
L’acronyme provocateur ACAB (“All Cops Are Bastards”, littéralement « Tous les flics sont des salauds ») naît dans les années 1920, en Grande-Bretagne. Tatoué dans les prisons, il passe sur les blousons de bikers puis dans la culture skinhead. Les hooligans chantent ACAB en tribunes (le groupe punk 4-Skins en fait une chanson en 1980).
Le slogan voyage. En France, il circule via la scène punk, les ultras, puis les ZAD et les Gilets jaunes.
La dénonciation d’un système
ACAB exprime aussi une peur bien réelle : celle de la police, notamment pour les minorités souvent ciblées, comme les mineurs isolés à la Gaité Lyrique ou les rafles prônées par Bruno Retailleau. Pour le politologue Fabien Jobard (CNRS), ACAB n’est pas vraiment une insulte personnelle mais « le cri de la colère populaire contre l’institution policière ».
Du graffiti au mème : ACAB aujourd’hui
Aujourd’hui, ACAB se retrouve autant dans la rue que sur Twitter. Il devient un mème ironique, détourné sans gêne. Moins une insulte individuelle qu’un rejet global de l’autorité. Quelques exemples :
Mon collegue qui me demande une feuille acab je lui dis wtf je connais pas j ai pas de feuille acab en fait il parlait de feuille A4 mtn ca débat dans l open space pour savoir si acab inclut les feuilles A4
— jean d4rk cross bitume 🇵🇸 (@D4rkJean) June 13, 2024
Je viens d'apprendre que acab inclus également les gendarmes………. Dévasté pic.twitter.com/FoLytKO2Ha
— sero🪲 (@ProuteMaster) November 10, 2023
PHOTO | "Select all squares with bastards"#ACABpic.twitter.com/GXI1h45QqJ
— Antifa_Ultras (@ultras_antifaa) May 28, 2025
cc les amis question rapide acab inclut aussi l'inspecteur gadget???!!!¡!!!?urgent svp répondez svp
— ༺❤︎༻ (@vaporwxve) May 25, 2024
Tous ces exemples illustrent comment ACAB est devenu un mème viral, un folklore militant à la fois ironique, provocateur et souvent choquant.
Pourquoi ce slogan perdure ?
Au-delà des jeux de mots, ACAB reste surtout un cri de colère contre les violences d’État. Pour ses partisans, l’acronyme vise la police en tant qu’institution abusive, pas chaque agent individuellement. Autrement dit, c’est la violence légale de l’État, ce « système » jugé arbitraire, qui est dénoncée.
En 2023, 36 personnes sont mortes en lien avec une intervention policière.
Je voulais pas spécialement en rajouter sur le sujet puisque d'autres le font mieux que moi, mais au cas où :
– ACAB
– La p0lice est une institution raciste, sexiste, validiste et LGBTQIAphobe
– La p0lice tu€
– ACABSi c'est pas limpide pour vous je pense qu'on a rien à se dire
— 𝕃𝕚𝕩𝕚 🌿 (@lixiviatio) June 28, 2023
Le sentiment d’impunité (voire de glorification) des violences policières nourrit cette perception d’une violence d’État. Aussi longtemps que circuleront des vidéos (Gilets jaunes, Black Lives Matter, mobilisations pour la Palestine) montrant la police abuser de son pouvoir, ACAB continuera d’être un mot d’ordre pour exprimer le ras-le-bol.
La diffusion mondiale du sigle en témoigne : on l’a vu tagué lors des mobilisations contre l’assassinat de George Floyd aux États-Unis ou pendant les protestations contre la mort de Nahël, et également durant l’affaire Michel Zecler en France.
Islamophobie et racisme SYSTÉMIQUE :
– Le tueur de Nahel est toujours policier
– La justice écarte le racisme de l’agression de Michel par des policiers qui l’ont traité de “sale n*gre”
– La justice considère le tueur de Aboubakar en manque de discernement, donc irresponsable— Amine Snoussi (@amin_snoussi) June 30, 2025
On apprend également que Florian M. le policier qui a tué Nahel Merzouk le 27 juin 2023 à Nanterre perçoit depuis deux ans un salaire à taux plein, et a reçu un avis particulièrement favorable du préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, pour poursuivre sa carrière au Pays basque… pic.twitter.com/NqBm82VpKk
— Les Répliques (@Les_Repliques) July 5, 2025
Impunité et colère sociale
De 2018 à 2023, 118 policiers ont été poursuivis pour des faits criminels. La moitié de ces affaires concernaient des violences sexuelles ou conjugales envers leurs conjointes. Pourtant, très peu ont été radiés.
🔴 #ComplementDenquete dévoile des chiffres sur les violences conjugales commises par des agents de police ou de gendarmerie.
Des éléments obtenus auprès du ministère de l'Intérieur et rendus publics pour la 1ère fois.#ViolencesFaitesAuxFemmespic.twitter.com/YLZf1ZubeY
— Complément d'enquête (@Cdenquete) November 23, 2023
Groupes de policiers remplis de messages racistes
En parallèle et depuis des années, plusieurs enquêtes révèlent l’existence de groupes WhatsApp internes à la police, des groupes Facebook et Telegram où circulent des propos racistes, sexistes et homophobes.
En 2024, Mediapart a documenté des échanges ignobles allant de la moquerie de victimes de violences policières à des appels à la haine. Ces groupes incluent des agents en poste. Les autorités tardent à sanctionner. De son côté, le ministère de l’Intérieur affirme ne pas être responsable des policiers municipaux. L’opacité demeure. Nos responsables politiques préfèrent minimiser plutôt que d’assainir. Cette impunité alimente la défiance.
Darmanin garde le silence publiquement et se contente de demander la fermeture sur Telegram de ces groupes d’extrême-droite dont les membres sont policiers, gendarmes ou militaires et fomentent des attentats contre musulmans, politiques ou journalistes. https://t.co/KhrIjppOxH
— moonbee (@BMoon_bee) April 3, 2023
Pour beaucoup, ACAB ne vient donc pas de nulle part. Pour d’autres, ce sigle choque. Il divise mais résume un clivage bien réel. Une partie de la population ne croit plus à une police « neutre ». Tant que cette fracture existera, ACAB sera tagué, scandé, tweeté. Pas pour provoquer gratuitement. Mais pour dire : ça suffit.
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