Thread : d’où vient la création du numerus clausus ?
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Il y a un mois, les médecins faisaient grève en demandant la revalorisation de leurs honoraires. Mais ce n’est pas s’attaquer à la source du problème : le numerus clausus. C’est-à-dire le nombre restreint de personnes autorisées à exercer la médecine en France. Le numerus clausus est une façon pour l’État de maîtriser de près les budgets de la santé mais il a des conséquences directes sur l’accès à la santé de la population française et également sur la pénibilité du travail pour les médecins libéraux. Quand et pourquoi a-t-il été créé ?
Un thread de @dasilva_p13
L'une des origines de la souffrance des médecins libéraux est l'insuffisance de leur nombre.
Mais savez-vous d'où vient la création du numerus clausus ?
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1/20— Nicolas Da Silva (@dasilva_p13) January 1, 2023
Depuis la deuxième moitié du 19è siècle les médecins libéraux font pression auprès de l’État pour obtenir le monopole des soins médicaux.
Ils ont lutté contre les officiers de santé (interdits par une loi de 1892) et… pour la limitation du nombre de médecins en exercice. pic.twitter.com/O9vvcm945l— Nicolas Da Silva (@dasilva_p13) January 1, 2023
Comme pour justifier la suppression des officiers de santé, l'idée défendue est que le trop grand nombre de médecins par rapport à la population en capacité de payer des soins ferait pression à la baisse sur les prix et causerait la misère relative de beaucoup de confrères. pic.twitter.com/yJIlghjVtb
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Dans les années 30, à la suite de la création des assurances sociales de 1928-1930, la crainte reste la même et les médecins font toujours pression sur les pouvoirs publics pour limiter leur démographie… quitte à verser dans la xénophobie et l’antisémitisme. pic.twitter.com/joxzuoK4bn
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Les règlementations contraignantes qui émèrgent alors concernent les médecins étrangers et juifs. D’ailleurs, toute une partie de la profession sera particulièrement associée à la collaboration (le conseil de l’ordre né sous Vichy est une institution forte du régime). pic.twitter.com/AUgxPTXmTB
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Mais tout cela commence avant Vichy. Il faut la citoyenneté française (ou venir d'un protectorat) à partir de 1933 et un dîplome français pour exercer sur le territorie sauf exceptions (1892). Mêmes les médecins naturalisés sont pénalisés pour l’installation à partir de 1935. pic.twitter.com/5qYz1bpDoG
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Le politiste Marc-Olivier Déplaude interroge ainsi dans cet article l'existence d'une « xénéophobie d'Etat » qui se serait étendue jusqu'à… la fin des années 1990, période où les contraintes aux médecins étrangers sont lévées.https://t.co/qfhPOpShQr
— Nicolas Da Silva (@dasilva_p13) January 1, 2023
Malgré ces dispositions et les revendications continues de la profession depuis le 19è siècle, ce n’est qu’en 1971 qu’est instauré le numerus clausus : c’est à dire une limitation du nombre de médecin imposée au moment de la formation sur le territoire national.
— Nicolas Da Silva (@dasilva_p13) January 1, 2023
La création du numerus clausus prend ses racines dans la contestation par certains médecins du mouvement de mai 1968 dans les universités. Il s'agissait en particulier de lutter contre le syndicat SNEsup qui défendait l'ouverture des études en général, médicales notamment. pic.twitter.com/Z5UzmPJ1au
— Nicolas Da Silva (@dasilva_p13) January 1, 2023
A la demande du SNEsup et d'autres organisations étudiantes, le gouvernement supprime le concours de l'externat qui permettait de réserver aux seuls lauréats des responsabilités hospitalières (et donc une meilleure carrière).
— Nicolas Da Silva (@dasilva_p13) January 1, 2023
Face à la suppression de l'externat et à la remise en cause des institutions et hiérarchies traditionnelles du monde médical, un groupe de médecins hospitaliers conservateurs se réunit dans un syndicat dont l'objectif est explicitement "contre-révolutionnaire". pic.twitter.com/LT0GmjepJl
— Nicolas Da Silva (@dasilva_p13) January 1, 2023
Ce syndicat, le Syndicat autonome des enseignants de médecine (SAEM), veut réserver la profession à une "élite" et s'oppose à la massification de des études universitaires au nom de la qualité des soins.
Il veut distinguer les "élus" du "flot", du "troupeau" de la "masse". pic.twitter.com/gf2dT6n2rd
— Nicolas Da Silva (@dasilva_p13) January 1, 2023
En 1971, le gouvernement cède et créé le numerus clausus. Jusqu'en 1977, il reste près de deux fois plus élevé que ce que souhaitait le SAEM (9170 contre 4000). Ce n'est qu'après cette période que l'Etat diminue drastiquement le numerus clausus… pour faire des économies.
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Pourquoi ce n’est qu’en 1971 que l’État cède a une revendication de toujours de la frange la plus « libérale » de la médecine? Parce que ses intérêts s’alignent a ce moment là avec ceux des médecins : c’est à cette période que l’État accentue ses volonté de maîtrise des dépenses.
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Une note de la Direction du budget de 1969 explique avec précision en quoi le numerus clausus pourrait être un outil utile de maîtrise du budget. Comme les médecins sont de plus en plus conventionnés depuis 1960, chaque médecin supplémentaire élève le budget de la santé. pic.twitter.com/UX3MQKze9k
— Nicolas Da Silva (@dasilva_p13) January 1, 2023
Du fait du remboursement par la Sécu des consultations, la formation de médecin devient l’équivalent d’une formation de quasi-fonctionnaires pesant sur les budgets publics. Former un médecin à des conséquences budgétaires que n’a pas la formation d’un avocat ou d’un maçon.
— Nicolas Da Silva (@dasilva_p13) January 1, 2023
Or il est plus facile politiquement de limiter le nombre de médecins formés (les syndicats ne s’y opposent pas et sont mêmes d’accord car cela renforce leur pouvoir politique et économique) que de limiter les honoraires des medecins ou les remboursements aux patients. pic.twitter.com/dACv0ugsyn
— Nicolas Da Silva (@dasilva_p13) January 1, 2023
Les effets très puisant sur les budgets du numerus clausus se font ressentir à long terme, ce qui épargne les dirigeant politiques qui prennent ces décisions. A l’inverse, la non revalorisation des honoraires médicaux ou les déremboursement font l’objet de luttes immédiates.
— Nicolas Da Silva (@dasilva_p13) January 1, 2023
Au total, le numerus clausus n'est pas simplement né d'une volonté de l'Etat de maîtriser les budgets mais il est né aussi de la volonté d'une profession de préserver sa composition sociale et ses avantages économiques. Ce que Déplaude appelle "la hantise du nombre". pic.twitter.com/cOEhi3qWGf
— Nicolas Da Silva (@dasilva_p13) January 1, 2023
Voilà beaucoup de raisons qui justifieraient de retirer à l’Etat et aux médecins la seule responsabilité de la définition du numerus clausus. Plus largement, ne serait-il pas temps de démocratiser la formation médicale et la sécurité sociale elle même ?
Fin pic.twitter.com/mc2034jAZA
— Nicolas Da Silva (@dasilva_p13) January 1, 2023