Thread : comment les femmes adultes sont devenues imberbes
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Si aujourd’hui bon nombre de féministes tentent de se libérer de l’injonction à s’épiler l’intégralité du corps et que le sujet est donc en vogue, il est toujours utile de comprendre les rouages de l’Histoire, d’étudier les événements sociaux afin de déterminer comment nous en sommes arrivé·e·s là. Là, c’est à dire à une époque où quasiment toutes les femmes s’épilent les jambes, les aisselles et le maillot, au moins en été, sans autre raison généralement que la peur du regard des autres (des hommes principalement). Et si on vous disait qu’il y a un siècle ce n’était pas du tout le cas, que les femmes ne subissaient pas cet impératif ? Ce thread nous explique l’origine de la pratique et son expansion sociale dans le monde contemporain occidental. Tenez-vous bien car c’est surprenant.
Un thread signé @Bad_Sociologist
Okay bon, story time. Comment les femmes adultes sont devenues imberbes. https://t.co/FNwILVAd9e
— An Exercise in Futility (@Bad_Sociologist) April 12, 2021
Bon toute personne avec un minimum de sens est d'accord c'est quand même bizarre cette injonction a demander aux femmes de se débarrasser de qqch qui 1/ pousse naturellement 2/ sert à protéger le corps.
— An Exercise in Futility (@Bad_Sociologist) April 12, 2021
Ça n'a aucune utilité sociale au delà de renforcer le contrôle du patriarcat sur le corps des femmes mais en même temps vous me direz le patriarcat avait pas besoin de ça pour contrôler le corps des femmes (coucou les fonctionnalistes).
— An Exercise in Futility (@Bad_Sociologist) April 12, 2021
Donc d'où vient cette idée saugrenue de priver les femmes d'une barrière de protection naturelle ?Tt commence en 1918, une pandémie mondiale fait rage, l'ordre international est renversé dans ses fondements,le court XXe s vient de commencer et bien sûr la 1e GM vient de s'achever
— An Exercise in Futility (@Bad_Sociologist) April 12, 2021
L'Empire Allemand signe l'armistice, ses alliés complètement dépendant d'elles s'écroulent, les Russes sont partis il y a plus d'un an et les tranchées se vident. Les hommes rentrent chez eux progressivement, ceux qui sont encore là en tous cas.
— An Exercise in Futility (@Bad_Sociologist) April 12, 2021
Mais pourquoi vous parlé-je de soldats masculin et de front dans une histoire sur les femmes? Eh bien on y vient. Bien que le surnom très populaire de "poilus" soit répandu en France pour désigner les soldats de la Grande Guerre, vous noterez-
— An Exercise in Futility (@Bad_Sociologist) April 12, 2021
-tout de même que là où on voit des moustaches ou des barbes on voit aussi beaucoup de visages rasés de prêt. Chez les francais, mais aussi chez les anglais et les américains. Un soldat bien sûr ça peut pas aller faire ses courses au Carrefour City du coin donc-
— An Exercise in Futility (@Bad_Sociologist) April 12, 2021
-on lui fournit (en principe) ce dont il a besoin. Ces contrats de fournitures monumentaux allant des bombes jusqu'aux chaussettes (et dont Trotsky dira qu'ils sont en partis responsables de la révolution de 1917) sont négocier directement avec l'Etat et sont en général-
— An Exercise in Futility (@Bad_Sociologist) April 12, 2021
-des monopoles. Pour fournir leurs soldats, les alliés choisissent l'américain Gillette. Les français aiment bien parce qu'il a un nom français (et ils ont globalement plus d'industrie mais c'est un détail), les britanniques et les américains-
— An Exercise in Futility (@Bad_Sociologist) April 12, 2021
-parce que ça fait des pépettes aux actionnaires et parce que Gillette a l'une des plus grandes usines de production du monde et l'une des plus efficaces (qui utilisait l'eau des chutes du Niagara pour pouvoir se fournir en énergie vous irez voir vous même c'est fascinant).
— An Exercise in Futility (@Bad_Sociologist) April 12, 2021
Bref donc 1918, les hommes sont démobilisés progressivement, les contrats de guerre sont renégociés ou rompus les uns après les autres et….. Gillette se retrouve avec un surplus de rasoirs. Un ÉNORME surplus de rasoirs. Le genre à te foutre en l'air ton cashflow si ça reste en-
— An Exercise in Futility (@Bad_Sociologist) April 12, 2021
-stock. Le problème voyez vous c'est qu'il n'y a qu'un nombre limité d'hommes qui se rasent. Et bien que de retour du front beaucoup d'alliés ont adopté Gillette pour la qualité de ses produits dans la vie de tous les jours le stock ne baisse pas assez vite. –
— An Exercise in Futility (@Bad_Sociologist) April 12, 2021
-bah oui. C'est con quand on a fait un stock inutile qu'on pensait pouvoir refourguer a l'armée (qui achète même quand elle en a pas besoin) bah d'un seul coup il a plus de mal à s'écouler sur le "marché libre".
— An Exercise in Futility (@Bad_Sociologist) April 12, 2021
Pour faire face à ce type de problème en général les entreprises essaient d'élargir leur base de clients, le soucis c'est que bah y a que les hommes qui se rasent. Bah oui se raser c'est pour se retirer la barbe et la moustache quoi d'autre voyons?! Ça n'a pas de sens.
— An Exercise in Futility (@Bad_Sociologist) April 12, 2021
Et puis un jour, un gars au département des ventes de Gillette se rend compte d'un truc. Mon Dieu ! Les femmes existent ! Et en plus, des poils elles en ont aussi ! Bon pas sur le visage, mais sur les jambes !
— An Exercise in Futility (@Bad_Sociologist) April 12, 2021
Là j'imagine la gueule de ses collègues "nan mais qu'est-ce qu'elles vont foutre à se raser les jambes ?! Pour quoi faire frère ?! C'est doux en plus les poils et ça va piquer à la repousse !"
— An Exercise in Futility (@Bad_Sociologist) April 12, 2021
Mais le gars il insiste avec son idée saugrenue ! Si ils arrivent à vendre des rasoirs aux femmes ils peuvent au moins doubler leur base de clients potentiels !
— An Exercise in Futility (@Bad_Sociologist) April 12, 2021
Ses collègues restent sceptiques. A l'époque on a jamais vu les gens prendre une habitude sociale simplement parce qu'une entreprise veut bien les gens n'achètent que ce dont ils ont besoin et les femmes n'ont certainement pas besoin de se raser les jambes.
— An Exercise in Futility (@Bad_Sociologist) April 12, 2021
Oui mais voilà, les années 20 c'est aussi l'apparition de Madison Avenue et de la publicité à grande échelle. On découvre qu'en répétant un message d'une certaine manière et assez de fois on peut convaincre les gens d'adopter un comportement.
— An Exercise in Futility (@Bad_Sociologist) April 12, 2021
Bienvenue dans le monde du marketing et les débuts de la consommation de masse. Mesdames vous serez les premières cobaye, le but : vous convaincre que vos poils de jambes sont sales et qu'il faut les raser, avec du Gillette bien sûr!
— An Exercise in Futility (@Bad_Sociologist) April 12, 2021
Avec les tendances hygiénistes de l'époque (bah oui quand on a survécu à une pandémie on devient plus obsédé par l'hygiène. Can't relate.) Le message fonctionne particulièrement bien.
— An Exercise in Futility (@Bad_Sociologist) April 12, 2021
Les ventes de Gillette explosent et le message devient tellement omniprésent qu'il devient une norme sociale. "Les poils des femmes c'est sale et il faut s'en débarrasser ! Tous !"
— An Exercise in Futility (@Bad_Sociologist) April 12, 2021
Voilà, Gillette a écoulé son stock. Les femmes ont un complexe de plus. Les hommes un moyen de plus de les controler. Et la société avance.
— An Exercise in Futility (@Bad_Sociologist) April 12, 2021
Il est bien sûr intéressant de rajouter qu’à la même époque, en Europe, les jupes commençaient à raccourcir et que ce qui était jusqu’alors caché venait à se dévoiler, facilitant ainsi la campagne publicitaire de Gilette. Et si vous savez lire l’anglais, voici un article scientifique qui développe le sujet en profondeur : cliquez ici