Thread : pourquoi le gouvernement fait appel au cabinet McKinsey ?
Des millions d’euros dépensés pour des missions parfois sans résultat, des soupçons d’évasion fiscale, le cabinet McKinsey, cabinet de conseil proche d’Emmanuel Macron est dans la tourmente. De nombreuses personnes se questionnent sur le financement de ce groupe privé mais sans peut-être voir la réalité plus profonde du problème…
Un thread de @malopedia
Sur les cabinets de conseil, je suis un peu navré par l'angle "c'est pour arroser les copains des cabs". Sans doute en partie, oui… Mais pas que ! Et ce serait dommage de rater le problème systémique : c'est aussi dû aux règles budgétaires, et en l'occurrence, à deux règles. ⬇️
— François Malaussena (@malopedia) March 18, 2022
La première, c'est la règle des plafonds d'emplois, dont l'objet est de limiter de recruter des fonctionnaires, en fixant aux administrations un plafond maximum d'emplois : "vous ne pouvez pas dépasser tel nombre de postes".
— François Malaussena (@malopedia) March 18, 2022
La seconde règle, c'est la fongibilité asymétrique des crédits. Je sais ça fait peur mais respirez, vous allez comprendre, c'est simple.
— François Malaussena (@malopedia) March 18, 2022
Quand le Parlement vote les budgets, il vote des plafonds de crédits, par ligne budgétaire (on appelle ça des titres, cf image). Vous pouvez dépenser moins que le plafond (nb : c'est déconseillé, on va vous les baisser ensuite si vous le faites), mais pas plus. pic.twitter.com/hreQmzj4O2
— François Malaussena (@malopedia) March 18, 2022
Pour permettre de la flexibilité aux administrations, ces lignes sont "fongibles", c'est à dire que vous pouvez transvaser des crédits du titre 1 vers le titre 4, ou du 7 vers le 3, etcaetera, dans tous les sens que vous voulez… ou presque.
— François Malaussena (@malopedia) March 18, 2022
L'exception, c'est le titre 2. Vous pouvez transvaser du titre 2 vers les autres titres, mais pas dans l'autre sens, il est interdit de transvaser d'un autre titre vers le titre 2. La fongibilité est asymétrique.
— François Malaussena (@malopedia) March 18, 2022
Or le titre 2, c'est les crédits dédiés au dépenses de personnel.
La conjonction de ces 2 règles fait que le nombre maximum d'emploi ET l'argent dont vous disposez pour les payer, sont mécaniquement plafonnés, comme ça votre masse salariale est théoriquement maîtrisée— François Malaussena (@malopedia) March 18, 2022
Mais tout ça, c'est pour le personnel en interne. Du coup, si vous avez besoin de plus de bras… Ben votre seule solution, c'est d'utiliser les crédits des autres titres que le titre 2… pour payer des prestataires externes.
— François Malaussena (@malopedia) March 18, 2022
Et voilà comment, sans le dire, on laisse pas d'autres choix aux administrations que d'externaliser. Même en étant contre vous pouvez difficilement faire autrement, vous avez pas vraiment le choix.
— François Malaussena (@malopedia) March 18, 2022
Sachant que quand je dis "si vous avez besoin de bras", c'est dans un contexte où le gouvernement vous compresse régulièrement un peu plus le titre 2 et le plafond d'emplois.
— François Malaussena (@malopedia) March 18, 2022
Résultat des courses : les agents en interne font les trucs les moins valorisants, ont envie de crever et de partir, puisqu'ils voient des externes être mieux payés et faire la partie intéressante du boulot à leur place.
— François Malaussena (@malopedia) March 18, 2022
Le pire, c'est que c'est un cercle vicieux, parce que c'est aussi comme ça que l'Etat se désarme – ben oui, d'une part, les agents ont envie de partir être mieux payés en tant que salariés des prestataires (et franchement je vois pas comment on peut leur en vouloir), …
— François Malaussena (@malopedia) March 18, 2022
et d'autre part, qui acquiert les compétences, du coup ? Ben oui, les prestataires…
De telle sorte que, quand il y a une crise, vous devenez de fait obligés de passer par eux. Cercle vicieux o/— François Malaussena (@malopedia) March 18, 2022
Quand on sait que les deux règles citées plus haut étaient faites pour maîtriser la dépense, et qu'au final, ça amène à de la gabegie… L'enfer est pavé de "bonnes" intentions.
— François Malaussena (@malopedia) March 18, 2022
Alors soyons clairs : oui, tout en haut de l'Etat, ils peuvent s'en carrer de ces règles. S'ils passent pas des cabinets de conseils, je pense que c'est + pour échapper à l'emprise de la haute administration (en gros, comprenez : des conseillers d'Etat un peu partout).
— François Malaussena (@malopedia) March 18, 2022
Mais dans le reste des administrations, la logique qui joue, c'est celle d'échapper à cette pression constante sur les effectifs internes, qui existe à cause des règles budgétaires de droite (notamment, bien entendu il y a aussi la volonté politique lors des votes des budgets)
— François Malaussena (@malopedia) March 18, 2022
Il y a quelques années, j'avais lu un truc d'un philosophe qui plaidait pour les inefficacités, parce que certes en les chassant, on économise un peu… mais quand la corde est tendue, il n'y a pas de lest pour les jours où ça tire, et du coup ça fait mal quand elle pète.
— François Malaussena (@malopedia) March 18, 2022
NB : "quelques années" = avant mars 2020…
— François Malaussena (@malopedia) March 18, 2022
Tout ça, c'est dénoncé par le collectif nos services publics (dont le présent thread n'est qu'une répétition éhontée, parce que bis repetita placent).https://t.co/KVYI5qbIFK
— François Malaussena (@malopedia) March 18, 2022
Par ailleurs, il ne faut pas se laisser avoir par les mea culpa du gouvernement et de Macron, parce que, une fois n'est pas coutume, ils se foutent de la gueule du monde.https://t.co/khI4kEKPmd
— François Malaussena (@malopedia) March 18, 2022
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