Thread : d’où vient la tradition des 21 coups de canon ?
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En France, depuis le début de la Vème République, 21 coups de canon sont tirés (à blanc) à chaque investiture d’un nouveau Président (seuls Mitterand en 1988 et Chirac en 2002 ont refusé de se prêter à la tradition). S’il s’agit d’une tradition monarchique, son origine est encore plus lointaine.
Un thread de @Trois_Ponts
21 coups de canon. En France, le même nombre de coups sont tirés lors de l'investiture du Président de la République. De même aux États-Unis. L'origine de ce nombre est en fait lié à l'histoire de la marine, l'occasion d'écrire quelques mots au sujet du salut maritime. #thread https://t.co/rx9XklkB2C
— Nicolas M. (@Trois_Ponts) September 10, 2022
Il était de tradition, lorsqu'un vaisseau entrait dans un port, ou que deux navires ou deux escadres de nations différentes se rencontraient en mer, qu’ils se saluent…
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A l’image de deux personnes se croisant dans la rue, c’était à la fois une marque de respect et de politesse (mais pas seulement, nous le verrons plus tard).
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Le salut consistait généralement dans l’abaissement du pavillon ou dans le tir d’un certain nombre de coups de canon. (Illustration : le Coup de canon, par Willem van de Velde le Jeune, vers 1680) pic.twitter.com/IZ5A8b8XiT
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Tout cela était très codifié et non fait au hasard ! Le nombre de coups de canon était toujours impair, jamais pair. Plus il y avait de coups et plus le salut était considéré comme respectueux.
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Si un vaisseau était salué par un vaisseau de rang égal à lui, il rendait en principe le même nombre de coup. Si toutefois le vaisseau qui saluait était de rang inférieur, il lui était rendu un nombre de coups inférieur (mais toujours en nombre impair).
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Généralement, le nombre de coups de canon tirés pour un salut variait de 3 à 21 selon les cas. 21 coups de canon était donc le salut le plus significatif. (Illustration : la marine française salue la bannière étoilée américaine pour la première fois en 1778, par Edward Moran) pic.twitter.com/cdRuKYpCWV
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Le problème était qu’outre la marque de respect, le salut était également perçu comme un acte de soumission, du "faible" au "fort", pour celui qui saluait en premier. Dés lors, le salut en mer posa longtemps problème.
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Au début du XVIIe siècle, le roi d’Angleterre considérant que toutes les mers étaient britanniques, exigea que ses navires de guerre soient salués en premier.
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Cette volonté eut pour conséquence plusieurs crises diplomatiques avec les principales puissances navales européennes. D'autant plus qu'en France, le jeune roi Louis XIV eut rapidement la même exigence.
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Tout au long du XVIIe siècle, cette question fut généralement réglée par des traités bilatéraux entre les différentes puissances.
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La France et l’Angleterre finirent par exemple par s’entendre sur le fait que le vaisseau français rencontré par un vaisseau anglais devait être salué en premier s'il se trouvait plus près des côtes de France que de celles d'Angleterre. Et vice versa…
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Encore fallait-il que les deux navires s’entendent sur leur position exacte !
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Il résulta toutefois de cette question plusieurs "rixes" et combats. L'un des plus célèbres est celui ayant opposé en mer Méditerranée le comte de Tourville à l’amiral espagnol Papachino, le 2 juin 1688.
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Trois vaisseaux français, le Content, le Solide et l’Emporté, croisèrent au large d’Alicante deux navires espagnols. Les deux camps exigèrent d’être salué en premier. L’échec des négociations entraina un violent affrontement alors même que France et Espagne étaient en paix. pic.twitter.com/ercwIxRytp
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Forts de leur supériorité numérique, les Français dominèrent le combat et les Espagnols finirent par accepter de saluer en premier, "forcé par la nécessité" écrira l’amiral espagnol dans son rapport.
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Un autre exemple : le combat d’Orford Ness, le 7 août 1704. Ce jour là, un convoi suédois escorté par le vaisseau de 56 canons Öland (1681), commandé par le capitaine Gustaf von Psilander, croisa au large de Suffolk une escadre anglaise de huit vaisseaux. pic.twitter.com/I3otmu8s0c
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La flotte anglaise exigea d’être saluée par les bâtiments suédois, ce que Psilander refusa fermement, conformément aux instructions du roi de Suède.
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Le refus du capitaine suédois provoqua un violent combat au terme duquel l’Öland, seul contre huit, et les navires marchands suédois, furent capturés. pic.twitter.com/jGcLM7DfCc
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Suite aux protestations de Stockholm, l'Öland et les navires du convoi furent bientôt rendus à la Suède, et l’ensemble des prisonniers libérés, dont Psilander. Pour cette action, ce dernier fut récompensé par le roi de Suède (il finit amiral).
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