Thread : l’étonnant triangle de Yacuiba
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Si, de nos jours, la plupart des pays ont des frontières fixes et définies, il n’en a pas été tout le temps ainsi. Ce qui donne quelques tracés étonnants sur les cartes géographiques.
Un thread de @oliviermarchon
La frontière entre Bolivie et Argentine suit le 22e parallèle sud sur 115 kms. Mais en un endroit, un petit triangle zarbi de 4,5 kms de base et 6 kms de haut perturbe la belle ligne droite. C’est le « Triangle de Yacuiba ». Et il a une drôle d’histoire ! Suivez-moi pic.twitter.com/FxKff98aUZ
— Olivier Marchon (@oliviermarchon) October 11, 2022
Tout commence au début du 19e siècle, quand les empires espagnols et portugais se délitent. De 1816 à 1831, toute l’Amérique du Sud (ou presque) prend son indépendance ! Ainsi de l’Argentine en 1816, du Brésil en 1822 ou de la Bolivie en 1825. pic.twitter.com/5Yr9OevaY2
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Mais le départ des espagnols et des portugais laisse des frontières incertaines et d’immenses zones sauvages non attribuées ! Ces incertitudes, exacerbées par une soif de conquête de pays jeunes consolidant leurs identités, vont provoquer de nombreuses tensions.
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Cette carte (pas en français, désolé) présente en jaune clair les différends frontaliers que la Bolivie a avec ses voisins en 1825.
Oui, à l’époque l’Argentine s’appelle « Provinces-Unies du Rio de la Plata » et la Bolivie « République de Bolivar ». pic.twitter.com/Q52wIl1CT0— Olivier Marchon (@oliviermarchon) October 11, 2022
Vers la fin du XIXe siècle, Bolivie et Argentine cherchent un accord frontalier. Et les points de blocage les plus importants sont la zone de Tarija et la Puna de Atacama.
(je vous ai entouré les zones à l’arrache sur la carte précédente)— Olivier Marchon (@oliviermarchon) October 11, 2022
Parenthèse
La carte précédente est donc à prendre avec précaution, puisque la région de Tarija n’est pas mentionnée comme litigieuse alors qu’elle l’était. Cette carte donne néanmoins une bonne idée du nombre de problèmes qu’avait la Bolivie avec ses voisins
Fin de la parenthèse— Olivier Marchon (@oliviermarchon) October 11, 2022
Tarija est une ville de 60 000 habitants. Quand à la Puna de Atacama, et bien… c’est un désert ! Malgré tout, la Bolivie propose de donner la Puna de Atacama à l’Argentine, en échange de l’abandon des prétentions des argentins sur Tarija.
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Peut-être attirés par les promesses de cuivre de l’Atacama, les argentins acceptent !
Le 10 mai 1889, un traité précisant la frontière entre les deux pays est donc signé.
Et au sud-est de Tarija, elle suit le 22e parallèle ! (entre le Rio Itau et le Rio Palcomaya). pic.twitter.com/Mvk6jgALkX— Olivier Marchon (@oliviermarchon) October 11, 2022
Sauf que (on s’en aperçoit après, c’est ballot) la petite ville de Yacuiba, créée par des colons boliviens en 1849, se trouve à une poignée de kilomètres au sud du 22ème parallèle. En Argentine donc ! Et bien sûr, la Bolivie veut la récupérer… pic.twitter.com/aEdPvW4oz1
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Pourquoi ? Pas tant pour ses quelques centaines d’habitants que pour sa situation géographique : Yacuiba est en effet un carrefour de communication sur la route entre les deux pays.
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Il faut donc renégocier ! A partir de 1895, diplomates argentins et boliviens commencent à s’agiter. Et dès 1898, les argentins acceptent le principe de la souveraineté bolivienne sur la population de Yacuiba.
Cependant… il reste à tracer la nouvelle frontière !
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Mais les négociations sur la modification de celle-ci sont difficiles : elles échouent en 1910… puis à nouveau en 1914… en 1915… et en 1919.
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Pourtant en Bolivie, la restitution de la ville est tenue pour acquise. Et dans un document diplomatique bolivien de 1914, Yacuiba est mentionnée comme « ville argentine sous souveraineté bolivienne » (on pourrait d’ailleurs dire l’inverse ! ).
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Bref, Yacuiba est considérée comme une sorte d’enclave bolivienne en Argentine.
Une enclave sans délimitations, puisque la frontière n’est toujours pas modifiée !Yacuiba la bolivienne est, en quelque sorte, « perdue » en Argentine…
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Finalement, ce n’est qu’en 1925 qu’argentins et boliviens signent le traité de re-définition de leur frontière. Et il faut même attendre 1938 pour que les argentins ratifient ce traité !
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Et il y est écrit que le 22ème parallèle doit s’infléchir en suivant les cours d’eau qui entourent Yacuiba. Et ce « afin que la population de Yacuiba reste sous souveraineté bolivienne dans la zone triangulaire formée par les cours d’eau référencés et le 22e parallèle » (sic). pic.twitter.com/WhwGfWh83y
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C’est la définition même de notre « Triangle de Yacuiba » !
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En 1940 la limite est enfin tracée sur le terrain et Yacuiba retrouve la Bolivie !
Yacuiba la bolivienne est ainsi restée « perdue » en Argentine pendant un demi-siècle… pic.twitter.com/ladqmtbG9S— Olivier Marchon (@oliviermarchon) October 11, 2022
Question à 100 balles : pourquoi tout ce processus (renégociation et ratification) a-t-il été si long ?
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Parce que Yacuiba n’est pas l’unique erreur de 1889 : le tracé a globalement été mal décrit, et d’autres villes (Toldos, Sarcari, Sococha, Salitre…) sont en litige. Il y a donc eu plein de trucs à négocier. Mais Yacuiba est un des points qui a le plus crispé les débats !
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Aujourd’hui Yacuiba est une ville de 90 000 habitants. Elle est la capitale de la province du Gran Chaco (qui fait partie du département de Tarija) dans laquelle on trouve la deuxième réserve de gaz naturel d’Amérique du Sud. pic.twitter.com/H1wPyqe3mx
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Yacuiba forme avec sa « jumelle » argentine Salvador Mazza (fondée en 1912), une seule et même agglomération, qui est une importante plateforme d’échanges entre les deux pays. Et c’est de ces échanges avec l’Argentine que Yacuiba tire sa richesse. pic.twitter.com/UTZV6Oq5zP
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Et c’est donc un traité écrit un peu vite en 1889 qui est à l’origine de ce bout de frontière un peu chelou entre la Bolivie et l’Argentine…
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