Thread : l’affaire Zannanza
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Si l’histoire vous intéresse, que vous avez bien aimé Jules César vs Vercingétorix alors ce thread devrait également vous plaire. « Celui qui continue d’apprendre reste jeune » disait Henry Ford. Voilà de quoi passer un dimanche à rajeunir.
Un thread de @SireGoupil
Game of Thrones à l’âge du bronze, ou comment une guerre entre deux superpuissances a certainement été provoquée par l’ambition dévorante d’un seul homme. Dans ce thread, je vais vous raconter l’affaire Zannanza, qui a conduit le roi Hittite Suppiluliuma à attaquer l’Egypte 👇 pic.twitter.com/OJGifAblVa
— Pierre Le Goupil 🦊 (@SireGoupil) July 6, 2022
Pourquoi cette histoire ? Tout simplement car elle est pleine de rebondissements et qu’elle se déroule à une époque reculée peu connue du grand public : la fin de l’âge du bronze, soit le XIVe siècle avant notre ère.
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Ça s’est passé il y a un sacré bail et il y a évidemment beaucoup de zones d’ombres. Je précise que je vais tenter de simplifier les choses au maximum, on est sur Twitter. Je vais aussi essayer de pas faire trop long, mais je ne promets rien. C’est parti !
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Nous sommes au XIVe siècle avant JC. A l’époque, l’un des principaux foyers de civilisation se situe en Méditerranée orientale. On a souvent tendance à croire que l’âge du bronze est primitif, archaïque, mais il n’en est rien !
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Nous avons en réalité un monde interconnecté. Plusieurs civilisations qui commercent entre elles, qui dépendent les unes des autres, qui échangent aussi bien culturellement que matériellement. pic.twitter.com/EbehqJbxno
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Le cœur de cette mondialisation avant l’heure, c’est l’étain et le cuivre, métaux nécessaires à la conception du bronze. Mais il a aussi de nombreux échanges de produits périssables et aussi au niveau des arts. Nous avons un ensemble de civilisations florissantes.
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Plusieurs grandes civilisations prospèrent à l’époque. Les Mycéniens, les Assyriens, les Babyloniens, les Cananéens… mais surtout les deux qui nous intéressent aujourd’hui, les Hittites d’Anatolie et les Egyptiens qu’on ne présente plus.
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Les Hittites, on les a un peu oubliés aujourd’hui. Erreur ! Elle a prospéré au IIe millénaire avant JC en Anatolie, Turquie actuelle. pic.twitter.com/L0HUFYsgk9
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Ce fut une civilisation qui n’avait rien à envier à l’Egypte. Ces deux superpuissances de l’époque étaient d’ailleurs rivales sur beaucoup de plans. Voici Hattusa, la capitale de l’empire. pic.twitter.com/3SnCPu6A8C
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Maintenant que le décor est planté, il est temps de raconter l’histoire de l’affaire Zannanza. Nous sommes vers -1330. Suppiluliuma Ier est roi des Hittites depuis assez longtemps. Ce n’est pas n’importe quel roi : il est puissant. pic.twitter.com/iIQmaT5x82
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Il est puissant car il a su redresser une situation délicate pour son empire. Il a repoussé des invasions tribales et a conquis le Mitanni, son encombrant voisin. Il pèse dans le game et parle de haut à tous les autres souverains du coin.
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Un beau jour, une lettre arrive à la cour Hittite. Elle est destinée au roi et rédigée par la reine d’Egypte en personne. On n’est pas sûr de son identité, mais on pense qu’il s’agit d’Ânkhesenamon.
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Pour situer un peu, c’est la fille d’Akhenaton et de Néfertiti. C’est aussi la sœur de Toutankhamon… et sa femme. Oui, oui. Ce n’était pas choquant à l’époque pour les pharaons. pic.twitter.com/uBqsze0YTR
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Pas de bol, Toutankhamon vient de mourir alors qu’il était encore très jeune. Ânkhesenamon se cherche logiquement un nouveau mari. Elle écrit donc une lettre à Suppiluliuma.
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Elle demande au roi d’épouser un de ces fils ! Ce dernier deviendrait de ce fait automatiquement pharaon ! C’est trop beau pour être vrai. Les Egyptiens n’ont pas pour habitude de faire monter des étrangers sur le trône. Suppiluliuma ne mord pas à l’hameçon. pic.twitter.com/wyIKgy55mc
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Mais Suppi est un habile diplomate. Il ne veut pas non plus froisser la puissante reine. Il envoie alors un messager en Egypte vérifier l’authenticité de la demande.
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Le messager revient quelques temps plus tard avec une nouvelle lettre ainsi qu’un envoyé de la reine : Hani. Il confirme la requête. La reine n’a pas d’enfants, elle cherche un mari pour assurer sa dynastie. Une bonne occasion de faire alliance avec les Hittites !
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Précision : ces lettres (les actes de Suppiluliuma) sont toutes écrites en akkadien, linga franca de l’époque. La diplomatie passait automatiquement par cette langue. Bref, revenons à la demande de la reine.
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Suppi est convaincu par Hani. C’est une occasion en or de consolider sa dynastie ! Il choisit son troisième fils pour le mariage : Zannanza. Tout est paré pour concrétiser une alliance historique. Zannanza prend donc la route vers le sud. pic.twitter.com/V1MxZLHPau
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Les semaines passent et plus de nouvelles, jusqu’au jour où un messager débarque à Hattusa pour rapporter un horrible événement : la caravane de Zannanza a été prise dans une embuscade. Il n’y a aucun survivant !
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Les coupables n’ont pas été retrouvés et aujourd’hui, on ignore encore ce qu’il s’est réellement passé ce jour-là. Cependant, nous avons un suspect. Il faut pour cela se poser la question suivante : à qui profite le crime ?
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Dans cette histoire, il y a un personnage que nous n’avons pas évoqué : Aÿ. Ce Père Divin (un genre de super prêtre) est un notable important du paysage Egyptien. Il gravite autour des hautes sphères du pouvoir depuis le règne d’Akhénaton, une décennie plus tôt. pic.twitter.com/lrcheMNWLo
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Le bonhomme n’est certainement pas ravi de voir un Hittite au pouvoir, surtout qu’il convoite le poste. Zannanza mort, le trône d’Egypte lui revient. Hum hum….
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Le prétendant d’Ânkhesenamon est mort et la reine n’a plus le choix. Elle l’épouse et Aÿ devient pharaon ! Précisons qu’il est beaucoup, beaucoup plus vieux qu’elle.
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Attention, rien ne prouve que ce soit Aÿ qui ait fait le coup ! Il a très bien pu juste profiter de la situation. Mais quand même… c’est super bien tombé cette histoire… En tout cas, la culpabilité des Egyptiens ne fait aucun doute pour Suppiluliuma.
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Le roi Hittite a perdu son fils. Il est furieux et ne veut qu’une chose : se venger. pic.twitter.com/V6gUZR5wow
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Malgré un Aÿ qui lui demande de ne pas l’attaquer, Suppi lui déclare la guerre et va mettre le boxon en Syrie, province alors Egyptienne. Il remporte de nombreuses batailles. Sa campagne est clairement un succès et il rentre en Anatolie avec des milliers de prisonniers Egyptiens. pic.twitter.com/Oypip0qYo7
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L’ironie dans tout ça, c’est que les prisonniers ramenèrent la peste en Anatolie. Elle ravagea la région pendant plusieurs années et Suppi en mourut en -1322, après un règne assez long pour l’époque (environ 30 ans).
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Selon les écrits de son fils Mursili II, cette peste était une vengeance divine, non pas pour la guerre contre l’Egypte, mais pour le meurtre du frère de Suppi, à qui il avait usurpé le trône (avait-il tenu le poignard ? On ne sait pas).
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La rivalité entre l’Egypte et les Hittites ne s’est pas arrêtée là. Les deux civilisations n’ont cessé de s’affronter les décennies qui suivirent, avec comme point d’orgue la bataille de Qadesh en -1274. pic.twitter.com/mmA6Sqfwes
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Tout ça sera balayé au XIIe siècle par l’arrivée des peuples de la mer. Ces envahisseurs causeront l’effondrement des civilisations de Méditerranée orientale et de cette société mondialisée, mais c’est une autre histoire. pic.twitter.com/WGsBpVp2qs
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L’affaire Zannanza n’est qu’une péripétie dans la guerre Egypte/Hittites mais elle reste importante pour plusieurs raisons. Elle nous montre d’abord qu’un événement isolé peut faire basculer le cours du monde.
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Ce n’est pas quelque chose d’unique dans l’Histoire (demandez à François Ferdinand), mais ces cas sont toujours intéressants à étudier. pic.twitter.com/9jjq4nKMhk
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Elle nous permet ensuite d’avoir un bon panorama du contexte géopolitique de l’époque. L’âge du bronze est extrêmement complexe et loin des clichés ! Enfin, cette affaire est un bon exemple de voir comment la diplomatie fonctionnait alors.
— Pierre Le Goupil 🦊 (@SireGoupil) July 6, 2022
