La ligne D du RER.

J’aimais bien conduire sur cette ligne, mais il a eu UNE journée où j’ai totalement perdu foi en l’humanité.

Je vous raconte.

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Nous sommes en 2002, je pars de Gare de Lyon avec mon long RER vers Melun.

C’est la pointe de soirée, je charge énormément de navetteurs qui rentrent chez eux.
Les yeux fatigués, ils montent et se disputent les places assises.
Les perdants restent debout. pic.twitter.com/UwMYjOH6FT

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Après Villeneuve Saint Georges, j’égraine les gares de cette banlieue faite de maison qui jouent à touche touche.

Chaque quai voit un flot de passagers descendre.
Le fameux retour maison.
Les devoirs des gosses, et surtout, qu’est ce qu’on mange ce soir?

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Pour moi la routine s’installe. Et j’approche de la gare de Le Mée, avant dernière gare avant Melun, mon terminus.

J’observe aux caméras la foule quittant ma rame.

Quand tout à coup, ça frappe au carreau sur le côté de ma cabine. pic.twitter.com/EGO9biNKcZ

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Tiens? Quelqu’un veut me parler.

J’ouvre la fenêtre de haut en bas avec précaution.
On est toujours prudent.

D’ailleurs je garde une main posé sur la platine qui me permettrait de la refermer rapidement.

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Un jeune lycéen me parle d’un ton rapide, limite essoufflé.

« Monsieur, vous attendez juste 10 secondes avant de partir, je vais me suicider sous votre train! ».

Attends, quoi???

Et il joint immédiatement le geste à la parole, court sur le petit bout de quai devant moi.

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Il longe la voie sur 40 mètres, et se cache maladroitement dans un bosquet. Au abords de ma voie.

Je dois dire que je reste interloqué pendant quelques secondes.

« Mais? Il … me … fait quoi … ce con? »

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Premier réflexe sécu, j’appelle le régulateur pour lui exposer le problème.
J’avoue que cela fut difficile à lui faire comprendre que, non le mec n’est pas sous mon train, mais oui, le mec voudrait bien aller sous mon train.

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Les circulations des autres voies sont coupées.

Traduction: c’est la merde sur la ligne D en pleine heure de pointe.

Pas cool, pas cool, pas cool du tout.

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Cela fait 5 minutes maintenant que je suis à quai.
Je dois passer aussi une annonce voyageur.
La sécurité étant traité, passons à mes passagers.

Sauf que je fais l’erreur ÉNORME.
Je leur dis la vérité.

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J’explique que l’on est bloqué, le jeune, la tentative de suicide…
Toussa toussa.

Aussitôt, un attroupement se fait au pied de ma cabine sur le quai.
Kesskisspass, kantesskonpär, keussepasstil ?

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Les questions se transforment vite en colère.

« Vous comprenez je dois rentrer chez moi, la nounou, les gosses, mon mari, le chien, le chat, je sais pas quoi faire à manger ce soir… »
J’entends mille suppliques de voyageurs qui voudraient bien rentrer chez eux.

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Oui mais, oui mais. Il y a une vie en jeu.

Je ne connais pas les intentions du jeune homme.
Alors on attends la police car ce n’est pas moi qui vais aller le chercher.

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Et là, arrive une vieille rombière, 40 balais mais une gamelle à la Bernard Tapie, la voie d’une vendeuse de poisson sur le marché:

« Il veut mourir le petit con? Ben roulez lui dessus, moi je veux rentrer chez moi ! »

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Oui oui, elle veut littéralement que moi, je tue un gamin pour que madame rentre à temps pour mater sa série télé.

J’essaie de calmer tout ce beau monde mais ça part en sucette.

Je suis jeune (à l’époque j’étais jeune, si si), j’ai pas encore la technique pour gérer ça.

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Arrive une jeune policière en civile de la PUP (police urbaine de proximité), qui arrive à me canaliser la foule.

Pas bien grande, mais elle, elle avait la technique pour désamorcer les conflits.

Avec elle, on attends patiemment ses collègues.

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Et on empêche les plus énervés à descendre dans le ballast chercher le lycéen.

Ne rajoutons pas des problèmes au problème.

Quand je vois arriver trois casquettes du commissariat de police de Melun, je fût fort soulagé.

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Ils ont été me chercher le gamin qui attendait toujours dans son bosquet.
L’ont remonté sur le quai pour l’amener hors de la gare.

Explication du geste: une bande rivale l’attendait à la sortie de la gare, c’est tout ce qu’il a trouvé pour faire venir la police.

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Bizarrement, pas un de ceux qui étaient virulent sur le quai il y a 10 minutes n’a moufté un mot devant les policiers.

Une dernière annonce pour faire monter les voyageurs sur le quai et, avec une petite heure de retard, j’ai fini d’aller à Melun.

Y compris avec la poissonnière

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Ce jour là, j’ai compris que les personnes les plus dangereuses dans un train ne sont pas forcément celle que l’on croit.

Que l’humanité de certains ne dépasse pas le caniveau.

Et que l’expérience pour gérer des situations de merde n’attends pas le nombre des années.

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