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Je suis un tweet

Par Deem 11/07/2013

TweetTrotteur

Voilà, je viens d’éclore dans ta TL. Humour exigeant, syntaxe correcte, orthographe parfaite, un point virgule que l’on pourrait éventuellement discuter, mais ça va.

Au départ, ce n’était pas du tout gagné. Un accord de participe improbable, un s perdu dans la nature, un z qui avait comme seule explication sa proximité avec le a et un annulaire ayant raté sa cible. Mais il y avait pire : j’étais beaucoup trop grand ! Avec mes 163 caractères, point de place pour moi dans ce monde où les canons du genre sont limités à 140. J’ai donc été renvoyé en salle de travail, située quelque part dans le cerveau caustique de ma génitrice – oui, l’accord de participe que j’évoquai m’a renseigné sur son identité sexuelle.
Et que je te retourne, et que je t’ampute, et que je te coupe un substantif et son article pour mieux le recoller ailleurs ; pendant un temps, je n’avais rien à envier à un portrait cubiste de Picasso. Bref, j’abrège, me voilà enfin aussi parfait que la Joconde, et en 129 caractères.

Oh là, y a du monde ici ! Dans ce grand Twetris que je découvre, mes prédécesseurs s’évanouissent gentiment vers le bas tandis que mes successeurs s’empilent au-dessus à grande vitesse. Une breaking news ? Un LT de #CI ? Bon, on n’est pas tout seuls…

twittosphère

LA question : quel va être mon destin, maintenant ? Je n’annonce ni un hélico dans le ciel d’Abbottabad, ni une réplique de ce pauvre couple post pubère – et néanmoins déjà parents d’un Kevin – qui expose sa misère sexuelle et affective aux téléspectateurs de la Une.
Dans tout ce brouhaha, ma tortionnaire a toutefois placé de grands espoirs en moi et je dois relever le défi. Elle a des milliers de followers, est appréciée pour son esprit et son sarcasme, faut pas se louper. Je risque le delete si l’accueil qui me sera immédiatement réservé ressemble aux premiers chiffres d’entrées du dernier Max Pecas.

Ah, déjà un RT. Un deuxième. Neuf maintenant, dont un de toi, enfin, après 18 interminables secondes. Une longue carrière me semble définitivement promise, au revoir M. Pecas ! Je vole de TL en TL, virevoltant comme la bille du flipper à deux étages du troquet de ton adolescence. Parti de Saint-Ouen, je passe par Bruxelles avant de rebondir à Québec, après un rapide crochet chez un twitto helvète établi à Hobart. Je vois du pays. Et des smartphones, et des tablettes. J’ai fait trois versions de Windows en 21 secondes et 8 fuseaux horaires.

Soudain, premiers incidents : un saligot me fave sans me RT ; quand on aime, on partage, monsieur ! Et c’est quoi ce RT manuel, sans commentaire, juste pour emmerder ma mère et ses statistiques, hein ? Ce “RT @1tweetion:” dont je suis désormais affublé m’éloigne de la perfection de Léonard. Malgré tout le respect que je dois à 1tweetion, j’aime moins.

Mais c’est reparti, pour une double vie désormais. Je continue mon périple, découvre le dernier Galaxy S4, croise des milliers de semblables sans intérêt, échoue dans un Internet Explorer 6 à Annemasse, me retrouve dans un taxi de Tokyo. Je fais mon premier défilé aussi, sur le bandeau d’une émission forcément hype puisqu’elle me fait défiler sur un bandeau dans son émission.

Tiens, je pénétre à l’instant même dans une Google Glass, à New York. Petit, mais pas mal. Bel iris, mademoiselle…

Oh comme je la voyais venir celle-là ! Oui, mon succès a attiré un carnassier dont la longueur des dents est inversement proportionnelle à la taille de son zizi. Le plagieur me clone, à la virgule près. Dolly style. Sans vergogne, il balance mon sosie aux avides de la twittosphère qui le suivent comme des mouches. Mon jumeau fera sa petite carrière, avant d’être conspué car repéré, comme d’habitude. Par procuration, j’aurai quand même provoqué le crash de TweetBot sur la dernière bêta d’iOS 7 et partagé le transat d’un vacancier à Bora Bora.

 
tweet-trotteur
 

2 heures ont passé. Je voyage maintenant à un rythme beaucoup moins soutenu. Je suis d’ailleurs bloqué dans une rame du RER B en gare de Drancy, sur l’écran d’un Alcatel. Shit happens.

La Tasmanie est loin désormais, j’ai 283 minutes et 129 RT au compteur, et j’agonise doucement. Mon dernier espoir, laisser une trace en étant retenu dans une sélection de tweets, et éventuellement repartir pour un dernier round d’honneur, tel Daniel Guichard en Kangoo pour un gala à Limoges.

Au pire, je serai retweeté une ultime fois dans 437 jours, par un twitto égaré. Je verrai alors peut-être Zanzibar, ou Lille chez Maurice.

 
 
Par @Deemee3
 
 

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