Féminisme

L’Afrique a-t-elle connu un âge d’or matriarcal ?

Par Parlons Large 14/07/2025

Et si le pouvoir en Afrique avait longtemps été une affaire de femmes ?

Réécrire l’histoire au féminin

 

Et si la colonisation européenne avait effacé de l’histoire des systèmes matriarcaux africains, où les femmes détenaient un rôle central ? Pourtant, l’histoire nuance cette vision. Avant la colonisation et l’implantation du patriarcat européen, certaines sociétés africaines reposaient sur des structures matrilinéaires, où le pouvoir et l’héritage se transmettaient par les femmes.
 
Le chercheur Cheikh Anta Diop l’affirmait déjà : « Les sociétés africaines étaient essentiellement matriarcales ». Cette réalité est aujourd’hui réactivée par des mouvements décoloniaux et féministes qui revendiquent une mémoire trop longtemps étouffée.
 

 
Pour autant, les historien·nes nuancent cette vision. Il n’existait pas, en Afrique précoloniale, de sociétés gynocratiques où les femmes dominaient les hommes. Plutôt des lignées matrilinéaires, des reines-mères et des figures féminines d’autorégitimité.
 
Ces sociétés ne renversaient pas le patriarcat : elles fonctionnaient selon d’autres logiques, souvent plus égalitaires. Aujourd’hui, cette mémoire devient un outil politique. Face aux violences d’État, au patriarcat néocolonial ou aux oppressions sexistes, des militantes rappellent que l’Afrique n’a pas toujours été patriarcale.
 

 
Dès 1975, Nantenin Konaté alertait déjà sur l’absence d’émancipation réelle des femmes africaines, malgré les indépendances. Revendiquer un passé matriarcal, c’est revendiquer une autre histoire : non pas un mythe, mais une alternative à l’ordre imposé.
 

 

Reines et guerrières contre l’ordre colonial

Redonner leur place aux reines africaines, ce n’est pas simplement corriger l’histoire : c’est aussi offrir de nouvelles figures d’identification dans des sociétés où le patriarcat continue de se perpétuer. Ces reines sont la preuve que les femmes africaines n’ont pas attendu les mouvements féministes occidentaux pour diriger, combattre ou décider.
 

Amanirenas, la reine qui a tenu tête à l’Empire romain :

 
Au Ier siècle av. J.-C., Amanirenas, reine candace du royaume de Kouch (actuel Soudan), mène jusqu’à 30 000 guerriers contre l’armée d’Auguste. Oui, une femme face à Rome. Et elle ne recule pas.
Sa stratégie, son courage et sa diplomatie forcent les Romains à négocier des conditions de paix favorables.
On raconte même qu’elle enterre la tête d’une statue d’Auguste sous un temple, pour symboliquement piétiner l’empereur.
 

 

Nzinga, la reine qui fit plier l’Empire portugais

Nzinga n’a jamais plié. Reine du Ndongo et du Matamba (Angola) dès 1624, elle combat les Portugais sans relâche pendant 40 ans. Guerrière redoutable, elle mène ses troupes, hommes comme femmes, sur le champ de bataille et négocie d’égal à égal avec les colons. Elle use autant du sabre que de la stratégie politique pour défendre son peuple et son trône. À une époque où les rois tombaient face à l’Europe, elle tenait tête. Résistante, cheffe d’État et tacticienne, Nzinga est aujourd’hui un symbole panafricain.
 

 

Les sociétés matrilinéaires

Dans d’autres pays, si les femmes ne sont pas au pouvoir, elles ont des prérogatives qui leur donne un rôle important dans la société.
 

Akan : le pouvoir circule par les mères

C’est le cas par exemple chez les Akan (Ghana, Côte d’Ivoire). Elles sont la lignée et transmettent leur nom. Ici, les terres passent par la mère, pas le père. Les reines-mères (Hemenehene) conseillent les chefs et peuvent même les destituer. Leur parole pèse lourd.
 

Bijagos : quand les femmes choisissent leurs maris

Dans l’archipel des Bijagos (Guinée-Bissau), ce sont les femmes qui dirigent. Elles choisissent leurs partenaires, décident des lois et contrôlent les rituels. On parle même de société matriarcale. Ici, l’autorité a un visage féminin.
 

Touaregs : héritières du désert

Chez les Touaregs (Niger, Mali…), les femmes héritent du bétail, possèdent la tente nuptiale, et parlent au nom du clan. Leur autonomie économique et sociale est ancrée. Dans le désert, ce sont elles qui tracent la route.
 

Une mémoire plus vive que jamais

 
Non, l’Afrique n’a pas connu un « âge d’or » matriarcal au sens strict. Mais la centralité des femmes dans certains systèmes sociaux et politiques est une réalité historique. Cette mémoire inspire aujourd’hui des luttes contemporaines. Elle rappelle que les rapports de genre ne sont ni figés ni universels.

Affirmer que les femmes africaines ont dirigé, transmis, combattu, ce n’est pas fantasmer le passé. C’est réinscrire dans l’histoire ce que la colonisation a voulu invisibiliser.
 
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