Parfois, la vie d'un conducteur de train n'a rien de joyeux.
Cette soirée là je l'ai encore en souvenirs.

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— BB27000 (@BB27000) June 9, 2023

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Nous sommes en 2001, je suis conducteur de train depuis peu. Et en ce début de soir d'hiver, je suis de réserve.

La "Reserve" c'est un conducteur de train qui attends dans les bureaux.

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Il attend de remplacer un autre conducteur malade.
Il attend de rentrer ou sortir une rame du dépôt.
Il attend d'aller chercher un train en panne.

Il attend.

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Il est pas loin de 19h00 quand le GM (le collègue qui s'occupe des planning) m'informe que je dois aller chercher une rame qui a tapé.

Un train qui a tapé. La phrase que tu n'as pas envie d'entendre.

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Traduction, il y a eu un accident de personne, le conducteur doit être relever par un autre conducteur.
Et cet autre conducteur, ce sera moi.

Pour la premiere fois.

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Je vous en avais déjà parlé dans un autre thread de cette "relève".

Je me retrouve dans un taxi, il fait nuit, il bruine, on traverse la banlieue nord de Paris.
Avec le conducteur, on galère pas mal a trouver l'endroit.

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A l'époque, pas de GPS, pas de smartphone.

Mais une nuée de gyrophare nous mets sur la piste.

La rame est là, pantographe baissé, elle émet encore l'alerte lumineuse (elle fait des appels de phare seule, c'est un système de sécurité)

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Autour d'elle, beaucoup de gens. Le chef d'astreinte, des policiers, des ambulances.
Tous les voyageurs ont déjà été évacué par un passage à niveau devant la rame.

L'ambiance est irréelle. Silencieuse. Tout le monde s'affaire à sa tache.

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Le collègue conducteur est dans une des ambulance. Le signe que cela ne va pas bien.

Je laisse l'astreinte aller le voir et je m'approche du train.

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La rame n'est pas trop amoché, je la remet en route rapidement. Mais un détail me transperce.

Je vois, de ma cabine, les policiers ramasser ce qu'il reste de la pauvre victime.

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Il fait sombre, il tombe des gouttes, ils sont courbés avec leurs lampes de poches, des sacs plastiques, à aider les pompes funèbres.
Morceaux par morceaux.
Tout juste protégé par des gants fin en latex blanc.

Travail ingrats, travail de l'ombre.

La nuit pleure.

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Il me semble voir un gradé avec plusieurs autres personnes lire une lettre abandonnée près d'un poteau catenaire.
Les derniers mots d'une personne en souffrance.

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J'ai franchement du mal à retrouver mes esprits.

Mais le chef d'astreinte vient me voir, ensemble on fait le point technique.
On va devoir repartir à contre voie. Jusqu'à Paris nord.
Concentration.

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Problème, deux des trois panto des mes rames Z-6100 refuse de remonter.
Il va falloir rouler avec un seul moteur, et surtout il va falloir partir vite. Les batteries s'epuisent.

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Les policiers sont reparti à leur brigade. Les flash bleu ont disparu. La voie est libre.

Il ne reste plus qu'une rame essoufflée que l'éclairage voyageur de secours éclaire à peine.

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Nous repartons avec le train a faible allure.
Les difficultés techniques et la foultitude de règlements à respecter à fait que l'on a mis plus d'une heure pour faire à peine 30 km.

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Il est minuit. Je ne m'en suis même pas rendu compte. La relativité au temps est une notion bien particulière dans ces circonstances.

Les batteries ont rendu l'âme pile poil à l'arrivée.
elles étaient épuisées.

Moi aussi.

Thread off.

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