Thread : une comparution immédiate quelques jours après un attentat islamiste
0
Vendredi 13 octobre dernier, à Arras, Dominique Bernard, professeur de français, était poignardé à mort dans l’enceinte de son lycée par un ancien élève radicalisé. On le sait, les jours qui suivent un attentat islamiste sont souvent compliqués pour la communauté musulmane, avec notamment une augmentation des signalements pour apologie du terrorisme. En voici une illustration.
Un thread de @Mae_lcr
Depuis quelques semaines, je couvre des comparutions immédiates dans plusieurs tribunaux en Ile de France. Je vous raconte le cas de Monsieur L., un bon révélateur du climat actuel 🧵⤵️
— Maëlle Le Corre (@Mae_lcr) October 20, 2023
Il y a quelques jours, Monsieur L. est présenté dans le box des accusés pour apologie publique d'un acte de terrorisme et menaces réitérées de crime contre des personnes.
— Maëlle Le Corre (@Mae_lcr) October 20, 2023
Les faits : le 13 octobre dans la soirée, un témoin appelle la police pour signaler la présence d’un homme qui parle fort devant un lycée. Oui, ça tient à pas grand chose d’appeler la police, mais attendez la suite.
— Maëlle Le Corre (@Mae_lcr) October 20, 2023
Selon ce témoin, l’homme est au téléphone, dit « Allah Akbar » (une dizaine de fois) et aussi « Wallah, je le fais demain » ainsi que « vive la Palestine ». Et il aurait un couteau. Monsieur L. est interpellé le lendemain, placé en GAV.
— Maëlle Le Corre (@Mae_lcr) October 20, 2023
À l’audience, Monsieur L. s'explique. Déjà, il n’avait pas de couteau : et de fait, aucune arme n’a été trouvée sur lui, c’était une bouteille d’eau qu'il tenait dans sa main.
— Maëlle Le Corre (@Mae_lcr) October 20, 2023
Que faisait Monsieur L. devant un lycée à cette heure ? Il se trouve qu'il est hébergé chez de la famille, qui vit juste à côté de cet établissement scolaire.
— Maëlle Le Corre (@Mae_lcr) October 20, 2023
Monsieur L. affirme n’avoir jamais prononcé les mots « Allah Akbar » (dont on sait d'ailleurs qu’ils ne constituent pas seuls une apologie du terrorisme selon un arrêt de la cour de cassation en 2020) 👇https://t.co/wo3etcHFDN
— Maëlle Le Corre (@Mae_lcr) October 20, 2023
Au juge, Monsieur L. doit aussi expliquer qu’il parlait d'un match de foot au téléphone, il avait fait des paris sportifs et comptait parier à nouveau le lendemain… d’où le fameux « Wallah, je le fais demain » qu'il a répété.
— Maëlle Le Corre (@Mae_lcr) October 20, 2023
Il a aussi parlé de la Palestine dans un message vocal, sur un ton un peu énervé. Globalement Monsieur L. parle fort, parce que c’est comme ça qu’il parle. Un « wallah » ponctue presque toutes ses phrases. Parce que c’est juste comme ça qu’il parle.
— Maëlle Le Corre (@Mae_lcr) October 20, 2023
La garde-à-vue, la comparution immédiate pour apologie du terrorisme, tout ce qui s’est passé pour Monsieur L. est si absurde au regard de ses explications, que ça donnerait presque envie de rire, si ce n’était pas si affligeant et dangereux.
— Maëlle Le Corre (@Mae_lcr) October 20, 2023
Le parquet s’est accroché à des éléments finalement assez bancals et surtout à un contexte, celui de l'assassinat du professeur Dominique Bernard à Arras, qui s'est déroulé dans la journée qui précède les faits.
— Maëlle Le Corre (@Mae_lcr) October 20, 2023
Au bout du compte, il ne restait plus qu’à reprocher à Monsieur L. d'avoir une voix qui porte un peu trop (« vous hurlez ou vous parlez ? »), d'être devant un lycée et de dire trop souvent « wallah ».
— Maëlle Le Corre (@Mae_lcr) October 20, 2023
Il ne restait plus qu'à l’inciter à se justifier et à répéter que non, il ne soutenait pas le Hamas, ni le terrorisme, sous prétexte qu’il avait exprimé sa sympathie et son soutien au peuple palestinien.
— Maëlle Le Corre (@Mae_lcr) October 20, 2023
Téléphoner devant un lycée n’est pas un délit en soi. Mais si vous avez l'outrecuidance de parler fort et de dire « wallah », alors vous risquez peut-être qu’un voisin préoccupé appelle la police 🙃
— Maëlle Le Corre (@Mae_lcr) October 20, 2023
Cet article de @CamillePolloni pour @Mediapart montre bien comment des cas d' « apologie du terrorisme » comme celui de Monsieur L. sont liés à un contexte post-attentat où l’on observe à chaque fois une hausse des signalements 👇https://t.co/28PC3baMBw pic.twitter.com/2Z6g73BeFR
— Maëlle Le Corre (@Mae_lcr) October 20, 2023