Serveur pendant 15 ans, plus jamais ça !
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Ce twitto nous raconte son expérience de serveur pendant 15 ans (et nous invite à ne jamais le faire !)
Les établissements de restauration, de bar et d’hôtellerie recherchent des serveurs et des serveuses pour l’été qui arrive et peinent à en trouver. Cela fait plusieurs années que c’est la même rengaine. Ils disent à qui veut l’entendre que les jeunes « ne veulent plus travailler ». La réalité est toute autre. Voici pourquoi il y a une pénurie dans le monde du service. 👇
Un thread de @Super_Marabout
Près de 15 ans de métier ici 🖐️
À la louche, j'ai travaillé dans 25 établissements différents et j'ai à peu près tout fait : bar, salle, cuisine, gérance, en gastro, semi-gastro, brasserie, bistronomie, bar de nuit, club, etc.
Je vais lister ce que j'ai dû subir ⤵️ https://t.co/XSGdhl3aYB
— Mårābøüt (@Super_Marabout) May 20, 2023
– j'ai rarement été payé avant le 5 du mois. Souvent entre le 5 et le 10.
– Même après dix ans de métier, alors que j'ai des spécialisations, des connaissances très poussées dans certains domaines, on me proposait encore du 10 €/h au black.
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— Mårābøüt (@Super_Marabout) May 20, 2023
– Parlons-en du black. C'est imposé dans la plupart des établissements. Pas content ? Tu dégages. À cause du black, j'ai dix ans de retraite dans le cul et je n'ai jamais eu droit à un chômage complet.
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— Mårābøüt (@Super_Marabout) May 20, 2023
– La violence, constante. La violence des patrons. La violence des petits chefs. la violence des collègues. Le plus souvent verbale, elle réside dans les rapports de domination.
Parfois même la violence de la clientèle (le mépris de classe et le fameux « le client est roi »)
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— Mårābøüt (@Super_Marabout) May 20, 2023
– des horaires de merde + tu DOIS être volontaire pour sauver les miches de ton patron dès qu'il y a une absence (ça arrive très souvent dans la profession, on se demande bien pourquoi). Tu ne seras jamais récompensé pour. Tu enchaînes les fériés sans bonus de salaire (black)
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— Mårābøüt (@Super_Marabout) May 20, 2023
– salaires de misère. Tu bosses comme un cinglé. Que ce soient les services coupés ou les plages continues de huit à douze heures (j'ai souvent fait des shifts de quinze heures), tu trimes. En continu, tu bouffes en 15 minutes chrono. Tu rentres, t'es plié, cerveau et corps.
⤵️— Mårābøüt (@Super_Marabout) May 20, 2023
– le code du travail n'existe pas, c'est le far west. Oui, c'est dur pour beaucoup de petits patrons. Mais notre société est une fabrique à connards : les difficultés qu'ils rencontrent ruissellent sur les salarié·es, parce qu'ils essaient de les contourner à leur détriment.
⤵️— Mårābøüt (@Super_Marabout) May 20, 2023
– le savoir-faire. Très peu de vrais professionnels et professionnelles dans le métier. Ça coûte moins cher d'embaucher des étudiant·es, tu te retrouves donc souvent à faire le taf de deux ou trois personnes. Ce serait comme avoir en permanence trois stagiaires avec toi.
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— Mårābøüt (@Super_Marabout) May 20, 2023
Le Covid a seulement accéléré la chute annoncée d'un système mortifère. Le milieu de la restauration souffre en silence depuis des décennies mais le problème n'est pas nouveau. Tout se casse aujourd'hui la gueule et c'est très bien, l'occasion de faire un peu d'introspection.
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— Mårābøüt (@Super_Marabout) May 20, 2023
Ce métier, je l'ai adoré. Qu'est-ce que c'est beau, de vendre une parenthèse de kif à sa clientèle !
Mais j'ai surtout appris à le détester petit à petit. Jamais plus je ne reprendrai plateau et tablier au service d'un patron. On m'a volé mon temps pour des clopinettes.
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— Mårābøüt (@Super_Marabout) May 20, 2023
Vous n'imaginez pas les dingueries que j'ai constatées. Quels métiers de merde, du pur esclavage. De Besançon à Bruxelles en passant par Paris et Chalon sur Saône, je n'ai eu que très peu d'expériences réellement positives.
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— Mårābøüt (@Super_Marabout) May 20, 2023
La profession toute entière est malade et doit se remettre en question.
— Mårābøüt (@Super_Marabout) May 20, 2023
C'est vraiment de la synthèse à la zob, ce thread. J'oublie un paquet d'éléments, et j'ai tellement d'histoires merdiques à partager que je ne sais même pas par où commencer.
— Mårābøüt (@Super_Marabout) May 20, 2023
Ah mais purée, si ! L'acool, je n'ai pas parlé de l'alcool !
Dans ce métier, ce n'est pas rare d'être payé en alcool (c'est comme la visibilité, coucou @Pigeongratuit). Je m'explique :On bosse comme des dingues, entre 40 et 60 heures par semaine, on a un salaire de misère…
⤵️— Mårābøüt (@Super_Marabout) May 20, 2023
…mais on a des shots pour tenir le coup ! Et c'est magique l'alcool, t'as l'impression d'avoir un juste retour des choses, une « récompense » pendant ou après le service. Tu traînes, tu rigoles et gloses avec les collègues jusqu'a cinq du mat'
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— Mårābøüt (@Super_Marabout) May 20, 2023
Devinez quoi ? Travailler bourré n'aide pas à bien travailler. Mais on oublie notre condition, alors les patrons ferment les yeux quand ce n'est pas carrément encouragé de « prendre un petit shot pour tenir la soirée parce que merde nous aussi on peut rigoler quoiii…»
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— Mårābøüt (@Super_Marabout) May 20, 2023
Pendant ce moment, on compte les pourboires, encore une belle grosse blague.
Déjà, c'est souvent à peine suffisant pour combler une fraction de ce qu'on se fait enfler sur notre fiche de paie (quand y en a une)…
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— Mårābøüt (@Super_Marabout) May 20, 2023
…mais surtout, en France, ben figurez-vous que le service est compris dans le tarif depuis 1987 !
Tirez-en les conclusions que vous voulez.
Pour ma part, je partage celle-ci :
« […]ainsi ces doigts (j'écris ceci à la terrasse d'un café),…
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— Mårābøüt (@Super_Marabout) May 20, 2023
…ces doigts qui repoussent la monnaie du pourboire et les doigts du garçon qui l'agrippent, tandis que le visage des deux hommes en présence, comme soucieux de masquer l'infamie consentie, revêt les marques de la plus parfaite indifférence. »
Raoul vaneigem
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— Mårābøüt (@Super_Marabout) May 20, 2023
Ptdr, je viens de me souvenir qu'un jour, un patron avec qui j'avais passé un deal de pourcentage sur la caisse m'a diminué mon salaire parce que je venais de m'acheter un ordinateur.
Je « gagnais trop »
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— Mårābøüt (@Super_Marabout) May 20, 2023
Sorry frérot de bien avoir fait tourner ton bar 🤷
Des sales bâtards dans le genre, j'en ai connu : des tas.
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— Mårābøüt (@Super_Marabout) May 20, 2023
Ah, oui, Francis La Line, la coco, la C, la dope, la drogue de la jeunesse bien hype. Ben ouais, quand tu vas dans un bar branché, moyenne d'âge 20/35, quand c'est la nuit et qu'il y a des tournées de shots, de grandes chances que ça tape en coulisses.
⤵️https://t.co/ZI5FIZ1Yk5— Mårābøüt (@Super_Marabout) May 20, 2023
Physiquement aussi, on trinque. On prend même très cher.
— Mårābøüt (@Super_Marabout) May 21, 2023
Mentalement, surtout. J'ai le cerveau lessivé de toutes ces années de taf, même si ça fait plus de deux ans que je n'ai pas porté un plateau.
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— Mårābøüt (@Super_Marabout) May 21, 2023
L'occasion de parler un peu de santé au travail.
Sur plus de 25 postes, j'ai fait TROIS visites médicales.
Tu te crames ? Prie bien fort qu'il y ait de la biafine. En général, la trousse comporte au mieux un paracétamol et une gaze un peu fatiguée.
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— Mårābøüt (@Super_Marabout) May 21, 2023
Un jour, je me suis tranché le doigt en lavant un verre. J'ai continué le service avec un bout d'essuie-tout roulé autour et un doigt en latex.
Ma fin de shift aux urgences à me faire engueuler par le médecin parce qu'il fallait recoudre — deux centimètres de chair ballante.
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— Mårābøüt (@Super_Marabout) May 21, 2023
Je reviens sur le black.
J'ai un jour rencontré une serveuse, à BRUXELLES, dans un bar de nuit couru des bobos en fin de course, payée SIX. EUROS. DE L'HEURE. NON DÉCLARÉE.
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— Mårābøüt (@Super_Marabout) May 21, 2023