Thread : quelques remarques rapides sur l’invasion en Ukraine
Maintenant que l’on en sait un peu plus sur le conflit en Ukraine et ses origines, attardons-nous sur les visées de Vladimir Poutine. Et à ce jeu, il faut tout envisager, y compris le pire.
Un thread de @colinlebedev
Je constate en cette journée de début de la guerre que beaucoup d'entre nous se raccrochent à des catégories familières. Rassurantes, mais trompeuses. Nous avons besoin de faire basculer nos schémas interprétatifs, car la situation l'exige. Quelques remarques rapides. 1/11
— Anna Colin Lebedev (@colinlebedev) February 24, 2022
1. "Poutine est fou."
Peut-être, mais peu importe, car nous avons surtout besoin de comprendre la rationalité interne de son action. Nous avons besoin de cerner l'étendue de son projet, de voir ses points saillants (l'Ukraine, et au-delà, les Etats-Unis, l'Occident) 2/11— Anna Colin Lebedev (@colinlebedev) February 24, 2022
Nous avons besoin de prendre conscience que l'ambition du projet est globale, au-delà de l'Ukraine.
2. "Il ne va quand-même pas ?…"
Ce que l'attaque massive sur l'Ukraine nous apprend, c'est que le scénario le + radical, le + improbable, celui qu'on se refuse à voir… 3/11— Anna Colin Lebedev (@colinlebedev) February 24, 2022
… est celui qui risque d'être mis en oeuvre.
Nos cultures politiques ont une aversion pour la radicalité. Nous ne croyons pas que le pire est possible. Sur un autre continent, peut-être, mais pas chez nous.
La Russie ne va quand-même pas NOUS attaquer? 4/11— Anna Colin Lebedev (@colinlebedev) February 24, 2022
Le pouvoir russe actuel ne raisonne pas en termes de coûts et d'avantages. Il raisonne en termes de mission majeure. Voire d'ultime mission. La mission demande des sacrifices. Voire un sacrifice de soi. Attaquer un pays de l'OTAN serait suicidaire pour Poutine? 5/11
— Anna Colin Lebedev (@colinlebedev) February 24, 2022
Ne l'excluons pas pour autant. La mission-suicide fait partie de l'univers mental de cet ancien officier du KGB. Une fois de plus: jusqu'à maintenant, ce sont nos scénarios les plus catastrophistes qui se sont réalisés. 6/11
— Anna Colin Lebedev (@colinlebedev) February 24, 2022
3. "Attachement à l'Ukraine"; "nostalgie soviétique"; "volonté de reconstruire l'URSS"
Attention: écrans de fumée. La science politique nous apprend qu'en utilisant l'histoire, on parle avant tout du présent. Dire "Poutine veut reconstruire l'URSS", c'est se rassurer. 7/11— Anna Colin Lebedev (@colinlebedev) February 24, 2022
Pourquoi? Parce qu'on sous-entend: "une fois que l'URSS sera reconstruite, il s'arrêtera. On sera tranquilles derrière notre rideau de fer. Il veut l'Ukraine? Bon, donnons-lui l'Ukraine qu'il se calme."
Il faut écouter Poutine. Il est assez explicite. 8/11— Anna Colin Lebedev (@colinlebedev) February 24, 2022
Dans ses discours, il parle d'Ukraine, oui. Mais il parle beaucoup, beaucoup, beaucoup de nous. L'Occident. Les Etats-Unis. Et l'Union européenne, ce petit inféodé aux USA, ce petit qui ne compte pas et qui est une base de l'OTAN. Les USA sont l'adversaire principal. 9/11
— Anna Colin Lebedev (@colinlebedev) February 24, 2022
Mais nous, on est la cible.
Vous allez me dire: "attends, il ne va quand-même pas ?…"
Je vous renvoie au point 2.
Ce n'est pas catastrophiste aujourd'hui d'envisager le pire. C'est réaliste. Et je le dis d'autant mieux que j'étais de ceux qui temporisaient. 10/11— Anna Colin Lebedev (@colinlebedev) February 24, 2022
Il y a un petit goût effrayant de "Don't look up" dans les interviews que j'ai pu faire aujourd'hui. C'est ce qui explique ce fil.
Je vais revenir à mon job et continuer à faire ce que j'ai fait jusqu'à maintenant: expliquer, détailler, montrer d'autres angles. 11/11, end 🧶— Anna Colin Lebedev (@colinlebedev) February 24, 2022
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