Thread : les escrocs de la rénovation énergétique
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Collecte d’informations confidentielles, prélèvement de frais inventés ou tout simplement vol de l’intégralité de la somme de la prime, les escrocs savent jouer avec les primes d’État à la rénovation énergétique (et la crédulité de certain·e·s) pour s’en mettre plein les poches. Et c’est d’autant plus facile que les contrôles sont rares au regard du nombre de primes versées.
Un thread de @SocietyOfficiel
Et si on vous disait que les aides à la rénovation énergétique distribuées par l’État étaient détournées par des escrocs à hauteur de 2 à 3 milliards d’euros par an ? Notre enquête est parue dans notre dernier numéro en date, et nous vous racontons ça ci-dessous.⬇️
— Society Magazine (@SocietyOfficiel) September 12, 2023
Au départ, c’est Marco Mouly qui nous a mis la puce à l’oreille. En décembre dernier, alors qu'on le suivait pour un portrait (paru dans notre n°196), il se lançait dans les Pompes à chaleur et nous expliquait le fonctionnement de l’arnaque. pic.twitter.com/Keg4zfgdt0
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Le principe : profiter de l’inquiétude des Français sur la flambée des prix du gaz pour leur faire changer de système de chauffage. Et siphonner les primes à la rénovation (Ma Prime Renov’ et CEE) mises en place par le gouvernement (notamment pour les revenus modestes).
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Citons au passage un collaborateur de Marco Mouly : “Il faut viser le Nord et l’Est. Il fait froid et il y a que des débiles.” La classe. Alors on est allés enquêter dans l’Est. Où on a découvert beaucoup, beaucoup de victimes d’escroqueries. Quelques exemples :
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1) Coup de téléphone. Un agent “EDF” ou “du gouvernement” vous demande si votre facture de chauffage a augmenté (oui) et si vous voudriez bénéficier d’une grosse prime pour changer de chauffage.
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Vous acceptez un rendez-vous "gratuit", avec un "technicien", qui sera en réalité un commercial. Celui-ci vous propose (par exemple) une chaudière à granulés à 20 000€. Mais comme vous avez le droit à grosso modo 9000€ de primes, cela ressemble à une super affaire.
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(En réalité, une chaudière à granulés vaut moitié moins. Les 10 000€ de primes auxquelles vous aviez droit vont donc directement dans la poche des escrocs)
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Bonus : pour que vous n’avanciez pas d’argent, on vous propose de payer un petit montant mensuel équivalent à votre facture de gaz.
Sauf qu’il s’agit en réalité d’un crédit à la consommation caché, avec des taux d’intérêt avoisinant les 5%. Cadeau.
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L’entreprise dépose en votre nom un dossier Prime Renov’ auprès de l’Agence nationale pour l’habitat (Anah). Votre dossier est validé.
Des travailleurs détachés sous traités par les escrocs viennent ensuite installer votre chaudière en 2h.
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Fun fact : les ouvriers repartent parfois avec votre ancienne chaudière à gaz “pour vous débarrasser”. Ce serait en fait la “rémunération” versée par les escrocs. Pas de petit profit.
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Quelques semaines plus tard, votre chaudière à granulés ou votre pompe à chaleur ne marche plus. Mal installée, mal paramètrée, ou tout simplement défectueuse.
Évidemment, plus personne ne répond au téléphone et il fait 13 degrés dans votre salon.— Society Magazine (@SocietyOfficiel) September 12, 2023
Avec un peu de chance, vous recevrez quand même la Prime Renov’ dont les escrocs ont fait la demande pour vous.
Mais pas forcément : il est aussi possible que l’ANAH ait l’entreprise dans le viseur et dépêche un contrôle sur place.
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Si l’installation est jugée non conforme ou que la marque de la PAC (le petit nom des pompes à chaleur) ne correspond pas au devis (c’est fréquent), la prime peut alors être supprimée. Double peine.
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Interpellé sur ce sujet, voici la réponse de l’Anah : “Le maitre d’ouvrage, c’est le ménage. Il faut qu’il soit vigilant.”
Il faudrait donc que vous sachiez lire des devis parfois très complexes ou vérifier vous-même que l’installation est conforme. Bonne chance.
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2) Autre arnaque, plus simple : les escrocs récupèrent vos identifiants et revenus fiscaux via les faux sites de simulation Prime Renov’ qui pullulent, ou en les achetant sur le darkweb.
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Ils créent un dossier Ma Prime Renov’ en votre nom, font un faux devis, une fausse facture, encaissent la prime, et la transfèrent vite à l’étranger. Easy.
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3) Une dernière pour la route, et pas des moindres. Les primes dites “CEE” versées pour les rénovations globales (isolation + changement chauffage) sont censées être les mieux protégées. Mais c'est sans compter sur l'inventivité des escrocs.
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Pour ces primes, il faut passer par un auditeur énergétique en amont, et les travaux sont contrôlés à 100% en aval par des bureaux de contrôle. Pas évident à contourner, n'est-ce pas ?
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Et pourtant, pas de problème : les escrocs créent des fausses sociétés de diagnostics, des faux bureaux de contrôle. Plutôt que de contourner les obstacles, ils font comme Pablo Escobar : ils achètent la route.
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En théorie il existe des mesures censées empêcher ces arnaques. Mais elles sont souvent inefficaces ou inadaptées.
Exemple : l’interdiction du démarchage téléphonique. Respecté par les entreprises vertueuses, jamais par les escrocs, qui passent par des call-centers à l’étranger.
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Les entreprises qui ont droit de demander les Prime Renov’ doivent aussi être “certifiées RGE”. Un certificat que les sociétés frauduleuses obtiennent facilement, puisqu'il est attribué après un contrôle de 3 chantiers… choisis par l’entreprise elle-même.
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Et maintenant, la grande question: sur les 6 milliards d’euros annuels consacrés à la rénovation énergétique, combien partent en fumée ? Interrogés, ni l’Anah, ni le gouvernement n’ont de chiffres à communiquer.
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La Cour des Comptes a pourtant rappelé à plusieurs reprises au gouvernement qu’une politique publique aussi couteuse appelait des mesures d’évaluation et de contrôle importantes.
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Spekty, un bureau de contrôle des travaux financés par les CEE, a fait un bilan des 36300 contrôles menés entre avril 2021 et octobre 2022. Résultat : environ 30% de travaux non-conformes !
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Même taux de non-conformité (31%) selon le bilan 2018-21 du ministère de la Transition écologique lui-même, pour les travaux sur des combles et planchers. Le rapport a même enregistré un taux de 50% de non-conformité suite à des contrôles semi-ciblés sur tous types de travaux.
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De 30 à 50% de travaux non-conformes, donc. On vous laisse faire le calcul sur 6 milliards : cela représenterait entre 2 et 3 milliards détournés. Alors pourquoi une politique de contrôle plus ambitieuse n’est-elle pas mise en place ?
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Sans doute parce que cela serait incompatible avec l'objectif de 700 000 rénovations par an annoncé par Emmanuel Macron lui-même. Ce que résume un professionnel du secteur ainsi : “Les escrocs permettent au gouvernement de gonfler ses chiffres”.
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Les victimes qu’on a rencontrées, en général aux revenus modestes, ont perdu parfois jusqu’à 20 000€, se retrouvent aujourd’hui sans chauffage et craignent l’hiver qui arrive. Si elles en trouvent les moyens, elles feront réinstaller … une chaudière à gaz.
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Notre enquête complète est à retrouver dans le numéro 213 de Society, chez tous les marchands de presse jusque mercredi, et à la commande ou en numérique ici : https://t.co/Pc9H8eFh47 pic.twitter.com/As1U3S6rQs
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