Thread : La résilience face à l’inceste
Comment réagir face à un inceste ? Comment dire l’indicible ? Comment vivre après cela et tenter de se reconstruire ? A ces questions difficiles, le thread tente de donner quelques pistes.
Un thread signé @NormaResiliente
[THREAD] ⚠️ TW // viol, inceste, pédocriminalité
Cher Twitter, si je décide de m’exprimer ici c’est pour vous parler. Pour que vous parliez. Pour que l’on en parle.
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
J’ai été violée pendant 10 ans par mon grand-père et ça y est, après des années à dealer avec ma culpabilité, ma honte, ma peur, ça y est, j’en suis convaincue : ce n’est pas à moi d’avoir honte.
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Ce n’est pas à moi de me taire. Si je fais le choix d’en parler c’est parce que j’ai enfin réussi à sortir de ma coquille. Et il fait beau dehors ! Alors j’aimerais que toutes les personnes encoquillées puissent se décoquiller ⤵️
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
1. L’EMPRISE 🔗
Du haut de mes 3 ans, j’arrive dans ce jardin, les fleurs sentent bon, les haies sont bien taillées. Il est seulement 10h30, le poulet et les patates mijotent déjà.— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
L’enfant que je suis et qui rêve d’une stabilité, de la famille Fisher-Price que la TV s’évertue à lui vendre, est sous le charme de cette apparente quiétude.
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Ça y est, je suis dans la pub ! Enfin, ils sont là mes grands-parents ! Devant moi, dans leur bonheur parfait et aligné.
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Je vis seule avec ma mère, je ne connais pas plus mon père que les tortues connaissent le leur. Mais depuis quelques mois, ma mère fréquente un homme plein de gentillesse, d’amour et qui veut bien que je l’appelle Papa !
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Cette vie commence à sentir bon pour l’enfant que je suis et qui ne comprend pas pourquoi on ne vient jamais la chercher à 2 devant l’école.
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Je les rencontre enfin, les parents de ce papa d’adoption qui me donnent sur un plateau tout ce dont je rêve : l’amour d’un père, sa famille, une maison du dimanche et son poulet croustillant. Cette fois, je saurai quoi dessiner à l’école !
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
À languir sur ceux de mes camarades de classe, je finis par entendre le cri des enfants qui jouent et celui de la grand-mère, qui, pleine d’amour, envoie à tout le monde un « À Table ! » fédérateur. Alors là, ce dimanche, je vais pouvoir le crayonner fièrement !
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Sans le savoir, cette journée divine qui me remplit de joie n’est que le début d’un calvaire bien dissimulé.
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
J’aurais dû me douter que ce grand-père qui taille frénétiquement ses haies avec une telle maniaquerie, pendant que tout le monde partage un doux moment de bonheur, ce n’était pas clair…
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Mais l’enfant que je suis à cette époque ne voit que la haie bien taillée. Et puis, heureusement, tous les gens obsédés par leurs haies ne sont pas des pédocriminels !
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
À partir de cet instant, je vais perdre petit à petit mon être, perdre mon innocence, ma joie. Les choses vont devenir de plus en plus sordides. D’un câlin forcé, on va très vite arriver aux viols à répétition.
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
La manipulation de cet homme, la sidération qu’implique le viol, la peur d’affabuler. Très vite, tout va se mettre en place pour me faire taire et que je m’exécute. Mon consentement n’y est pas, mais l’emprise en fait son affaire.
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
L’anéantissement me laissera sans voix pendant des années.
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Puis traîner tout ce paquet qui ne m’appartient pas devient insoutenable. Après une énième crise d’angoisse, d’hystérie, de pleurs, je craque ! Je ne peux plus justifier cette colère et cette tristesse qui explosent pour tout et pour rien.
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Alors, un soir, après avoir encore pété les plombs car ma maison n’est pas assez propre, que je me sens encore sale (alors que, depuis le matin, je fais la chasse aux bactéries aussi puissamment que Mac Lesggy dans E=M6), je craque !
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Mon copain n’a pas aligné la table avec les rainures du parquet et j’explose.
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
J’explose car le contrôle que j’essaie d’avoir avec mes milliers de tocs est une course sans fin et épuisante. Mon mec me dit qu’il n’en peut plus de vivre dans une bulle de verre avec une meuf qui se lave dès qu’on la touche.
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Et je ne peux justifier le pourquoi du comment par une simple passion du ménage.
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Je craque, et je lance un : « J’ai été violée par mon grand-père, je n’en peux plus ! »
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
2. SORTIR DU DÉNI 🤯
La phrase est lancée, mon cœur bat à toute allure, j’ai peur. Peur d’avoir fait une énorme bêtise, que mon grand-père me tue comme il me l’a si souvent promis. Peur que mon copain se moque, qu’il ne me croie pas.
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Comme toute peur, elle s’estompe seulement au moment où on la dépasse.
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Mon mec me dit alors : « Quel salaud, c’est horrible de t’avoir fait ça, tu n’y es pour rien ».
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
En une seconde, je viens de perdre toute la lourdeur que je portais depuis des années. Je suis encore sonnée et apeurée par ce que je viens de lâcher, mais un soulagement intense, jamais ressenti, me laisse comprendre qu’il est temps de se délester de tout ça.
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
J’entame alors une psychothérapie, en parle à mes proches, porte plainte. Et arrive le temps de la reconstruction. Après des années d’amnésie, de phobies, de dépression, le soleil revient petit à petit. Et le sordide s’éloigne.
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Il est passé et je ne veux plus lui laisser de place. En tout cas, le moins possible.
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
3. LA RÉSILIENCE✊
Il est là le nerf de la guerre : réussir à ne plus être suivi.e par le sordide. Faire en sorte de chasser cette peine et cette douleur dont chaque cellule se souvient au plus profond d’elle-même.
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Ne vous inquiétez pas, c’est une femme qui revient de loin qui vous dit que c’est possible ! Une femme qui se levait la nuit pour nettoyer ses interrupteurs, aligner ses télécommandes et se re-re-re laver car elle trouvait qu’elle sentait le phacochère.
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Donc croyez en votre pouvoir de transformation, il est en vous. Et ça, personne n’a pu l’anéantir, il était juste abasourdi.
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Je peux vous assurer que ce travail qui vous semble herculéen ne l’est pas tant que ça !
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Ce qui est difficile, c’est de décupler une énergie folle pour garder l’horreur enfouie. Ce qui est invivable, c’est d’étouffer l’horreur, de la garder en soi, de la dissimuler. C’est ça qui vous prend le plus d’énergie et de temps.
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Alors que dès que vous allez parler, accepter, tout cela prendra beaucoup moins de place.
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Réussir à en parler m’a permis d’accéder à mon vrai moi, de retrouver la joie de la petite fille que j’étais avant tout ça. Quand on entame une reconstruction, tout votre impossible vous redevient possible.
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Vos rêves redeviennent accessibles, votre estime reprend un peu du poil de la bête.
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Avant d’entamer une psychothérapie, d’en parler à mes amis, d’oser le dire à ma mère, de porter plainte, tout me semblait insurmontable : faire 50 km en voiture, aller à une fête, reprendre ma passion du théâtre, accéder à l’orgasme. Tout me semblait MORT.
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Et il me paraissait inconcevable de croire en une possible éclaircie tant mon quotidien était sombre.
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Je me rappelle encore écouter mon psy me dire qu’avec un peu de temps, je réussirai à aller à l’autre bout de la France en voiture, que je pourrai me mélanger à une foule, que je réussirai à remonter sur scène. Je me disais clairement que ce psy était fou.
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Et puis, au fil des séances, au fil de ma réassurance, je prends conscience qu’il n’est pas si timbré. Chaque journée est faite d’une petite victoire.
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Je commence par faire 50 km sans transpirer à grosses gouttes, je réussis à aller à une fête sans partir à 21h30, et toutes ces petites victoires me galvanisent. La balance se renverse et j’ai enfin ENVIE !
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Je pars alors dans une course effrénée à voir tout ce que je vais pouvoir être capable d’entreprendre.
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
De fil en aiguille, J’OSE. J’ose reprendre le cours de ma vie, là où mon grand-père a cru m’avoir laissée pour morte.
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
C’est alors que je me mets à entreprendre. Je m’inscris dans cette école de théâtre que je lorgne depuis des années. Je quitte mon petit patelin pour PARIS ! Je prends le métro. Même pas peur ! Je rencontre des gens. Même pas peur !
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Je remonte sur scène, même pas peur ! (euh, enfin si, un peu… mais cette fois c’est normal).
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Et c’est exactement ça : vos peurs redeviennent NORMALES. Elles ne régissent plus votre vie. J’ai alors créé un spectacle pour en parler, et ça y est, la boucle est bouclée. Le rêve que j’avais à 3 ans redevient mien.
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Ça n’a pas été simple mais ça n’a pas été plus compliqué que de se taire et de pleurer seule, pétrifiée à l’idée de ne jamais réussir à se reconnecter à soi-même.
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Rappelez-vous bien que tenir le silence est beaucoup plus difficile que d’ouvrir la parole. Donc vous avez fait le plus dur mes petits escargots !
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Certes, votre corps et votre âme se souviennent de chaque cellule qu’on lui a amochée mais chaque cellule se souvient aussi de l’être qu’elle constituait avant.
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Et quand vous découvrez que le combat va être long, mais qu’il est possible de récupérer l’être que vous avez été, vous avez déjà réussi à faire un bon pied de nez à votre sidération. One point baby !
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
C’est comme un bon mojito : il y a des ingrédients à respecter et d’autres à ne pas mettre (toi-même tu sais, le tabasco c’est dégueulasse).
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Donc on dégage sa honte, sa culpabilité et sa peur de son verre ! Il va vous falloir du courage, de la parole, de la combativité, et ça tombe bien, vous en êtes rempli.e.s !
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Allez, je te laisse transformer ta soupe Liébig infâme et tu me changes tout ça pour un délicieux mojito fort en résilience.
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
PS : Avant de sortir de votre coquille, munissez-vous d’une bonne paire de lunettes. La vie va vous éblouir !
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
Kiss, love et vinaigre blanc, c’est mieux pour les océans 😉
— NORMA (@NormaResiliente) August 24, 2020
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