C’était en 2012, j’étais à la gare d’Agen.
Cette histoire va être difficile à écrire.
Mais c’est important de la dire.

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A l’époque j’étais au dépôt de Perigueux pour un an.

Et j’ai conduit mon TER sur la petite ligne de Perigueux à Agen. La journée était bien remplie.

Au TER, on fait peu de km, mais pas mal d’heures. Des coupures en journée, souvent. pic.twitter.com/DLw36jDo4P

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A la gare d’Agen, j’attends 3 autres collègues et on mange ensemble au resto.

Mais bizarrement j’ai peu d’appétit.
Ça me ressemble pas trop. Mais bon.

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Le soir je suis allé dormir à l’hôtel.

Mais cette nuit là, pas de sommeil.
Je tourne en rond. Et petit à petit, une sale sensation envahie ma poitrine.

Cette sensation, d’écrasement, de manque de souffle.

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Bref, je le sent pas. La poitrine c’est la région du cœur.

Sauf que dilemme. Avoir un problème cardiaque, quand tu es conducteur de train, c’est le Game Over assuré.

La fin d’un métier bien souvent.

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Alors tu hésites. Tu hésites, et tu hésites.
Et tu tournes encore en rond.

Demain y’a le réveil à 5h00 du mat, il est 1h00, t’as toujours pas dormi. C’est la merde.

Et cette putain de douleur.

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Au bout d’un moment, tu mets ta vie dans la balance.
Toute ta vie.

J’ai des gosses, une femme, ça vaux mille fois mieux qu’un métier.
Même si c’est le métier que j’ai choisi et que j’aime.

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Alors je file à l’hôpital.

Les urgences d’Agen sont top. Et en pleine nuit, pas grand monde.
Je passe un scan, on me branche, on m’ausculte de partout.

Infirmière et tout le tralala.

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Le docteur arrive. Regarde les bilans.

Et il me pose des questions. « Vous êtes fatigué en ce moment? »

« Bah non pas spécifiquement ».

Et là il me demande de lui raconter ma semaine.

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6 jours calendaire de conduite. Du lundi au samedi.
10 heures par jour, coupure comprise. Des km au compteur, des aller retour partout en Aquitaine.

Et en plus, la construction de la maison. Avec son lot d’artisans et de petits et gros soucis.

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Et là il me sort une phrase que j’oublierai jamais de ma vie.

« Monsieur, vous n’avez aucun problème cardiaque, aucun.
Par contre, votre vie, vous roulez avec la caravane attachée, et le frein à main serré »

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« Vous êtes épuisé, mais vous ne vous en rendez pas compte ».

Et moi, sur cette table d’examen, de lui répondre de façon candide: « mais je ne fais pas un métier difficile, je suis assis tout le temps, on dit même que mon métier, c’est un métier pour feignant »

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J’étais tellement à plat que j’ai vraiment dit cette phrase comme ça…

Il reprend « Alors non, ce n’est pas parce que vous êtes assis que vous ne faites rien. Si je reprend votre semaine, vous avez environ 55 heures de présence au taf »

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« Vous avez la caravane attachée, et le frein à main serré.» (bis).

Rien qu’avec cet échange, la douleur a totalement disparu.

Et surtout, surtout, j’ai pris conscience de plusieurs choses.

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1) Quelque soit le métier que tu fais, prof, conducteur de train, fonctionnaire, etc etc…, si quelqu’un te traite de feignant, ben il faut bien le renvoyer chier.
Soit il fait ton boulot, soit il la ferme.

Je suis devenu moins souple sur ce sujet.

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Et j’ai appris à respecter les métiers des autres.

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2) il faut toujours savoir dire stop à un moment.
Ne pas attendre de franchir la frontière.

Perso j’ai eu 5 jours d’arrêt dans la foulée.
Le premier jour j’ai dormi 12 heures d’affilée.

Et il m’a bien fallut les 5 jours pour me remettre d’équerre.

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3) Toujours faire attention au mix entre le boulot et la vie privée.
Si pour les deux c’est difficile en même temps, c’est un signe.

C’est plus facile à écrire qu’à faire. Évidement.

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4) Même si tu aimes ton métier.

Même si tu t’éclate au taf, ne jamais oublier de se ménager du repos, loin du boulot justement.

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5) A mes collègues. Ne jamais hésiter à dire stop.

Même en plein au milieu d’une journée de taf.
Savoir s’arrêter, quand ça va pas.

Aucun déshonneur à cela. Au contraire.

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Conducteur de train est un métier exigeant avec son corps et son esprit.
Avec ses horaires extrêmement contraignant.

C’est un équilibre à trouver.

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Ce jour là, j’ai vu ma limite, j’espère ne jamais la revoir.

Mon cœur va bien. Ma famille aussi, ma maison.
Et j’aime toujours autant mon métier.

❤️

Thread Off.

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