Thread : la mort dont on se réjouit
0
Pour les victimes directes ou collatérales des violences conjugales, l’emprisonnement ou parfois même la mort de l’agresseur est la seule issue pour tenter de recommencer à vivre « normalement ».
Un thread de @siamspencer
#TW Violences conjugales
Aujourd’hui est un grand jour. J’ai appris au réveil, que le père de ma soeur était décédé. 56 ans. 1m95 de pure violence.
De mes 6 à mes 9 ans, il a tabassé ma mère. Aléatoirement, de nuit, de jour. Puis un jour c’est allé plus loin.
— Siam Spencer (@siamspencer) October 9, 2023
J’ai pensé qu’elle allait y passer. Elle s’en est sortie. Quelques heures plus tard, elle trouvait le courage de fuir pour de bon.
L’hôpital, les jours d’ITT, le dépôt de plainte. 7 jours en chambre d’hôtel et des centaines d’appels et messages vocaux, gravé dans ma mémoire.
— Siam Spencer (@siamspencer) October 9, 2023
« Si je te retrouve, je t’egorge et je t’enterre six pieds sous terre », « Je vais te tuer devant les yeux de ta fille », « Je vais enlever chaque morceau de ta peau au cutter », entrecoupés de « Je te jure que je recommencerais jamais, je t’aime reviens, tu peux pas faire ça ».
— Siam Spencer (@siamspencer) October 9, 2023
Puis un mois en foyer pour femmes battues dans le sud-ouest. On ne sortait pas, de peur de le croiser dans la rue. Il y a une salle de vie commune. Je me prends de passion pour les puzzles. On est en janvier, les bénévoles achètent des galettes des rois, chaque foisj’ai la fève.
— Siam Spencer (@siamspencer) October 9, 2023
Puis pour s’éloigner de lui, on est envoyées dans un autre département, on y passe quelques mois. Je suis en CM1, la maitresse me puni systématiquement parce que je vis en foyer pour femmes battues (« les cas sociaux comme toi on connait »).
— Siam Spencer (@siamspencer) October 9, 2023
Dans le foyer, des larves dans la douche, les murs recouverts de cafards, pas de chauffage en plein hiver. On vit avec d’autres femmes, traumatisées. Certaines battues aux fils barbelés pendant des années. Mais on est déjà un peu plus en sécurité, un peu plus loin de lui.
— Siam Spencer (@siamspencer) October 9, 2023
On fini par partir du foyer, avoir un vrai appartement. Puis maman se trouve un boulot de journaliste dans une radio associative. On déménage. À partir de là, on n’a fait que déménager. Vivre dans la peur qu’il nous retrouve.
— Siam Spencer (@siamspencer) October 9, 2023
Aucune confiance en la justice ni en la police, qui l’avait mal protégée auparavant. Manquerait plus qu’il ait le droit à des visites avec ma soeur. Alors on fuit aussi un peu ça. Il continue de planer sur ma vie pendant des années.
— Siam Spencer (@siamspencer) October 9, 2023
Lorsqu’on parle de violences conjugales, on parle d’étranglements, de cheveux tirés, de corps tirés par le cheveux, de coups de points et de pieds, de claques, d’yeux qui se révulsent, de bleus, de côtes, poignets et de nez cassés. Mais aussi d’insultes, d’emprise.
— Siam Spencer (@siamspencer) October 9, 2023
Cette emprise ne s’arrête pas lorsque la violence s’arrête, ne s’arrête pas à ma mère et sa vie. Je fais toujours des cauchemars de cet homme. J’ai dû renoncer à certains postes où on refusait que j’utilise un pseudo. En extérieur, je suis en hypervigilence permanente.
— Siam Spencer (@siamspencer) October 9, 2023
Sous pseudo pour éviter qu’il me retrouve, et par la même occasion ma mère. Pseudo qu’il a fallu expliquer à chaque employeur, pour lequel j’ai parfois dû me battre. Me battre pour faire supprimer des articles en lignes avec mon nom, mon prénom et ma ville de résidence.
— Siam Spencer (@siamspencer) October 9, 2023
Aujourd’hui j’ai 25 ans, il y a encore quelques mois, il harcelait mes grands-parents en menaçant de tuer ma mère au téléphone. Il ne nous a jamais retrouvées.
— Siam Spencer (@siamspencer) October 9, 2023
Pour la première fois de ma vie, si ma mère ne me répond pas au téléphone, je penserai qu’elle n’a juste plus de batterie. Pas qu’il est venu la tuer.
Pour la première fois de ma vie, si mon nom civil sort sur internet, ce n’est pas si grave.
— Siam Spencer (@siamspencer) October 9, 2023
Ces violences font partie de moi que je le veuille ou non. J’ai eu longtemps honte, parce qu’on nous fait comprendre qu’il faut avoir honte. Mais ce n’est plus le cas, aujourd’hui je suis juste heureuse qu’il soit mort et j’ai besoin de le crier sur tous les toits.
— Siam Spencer (@siamspencer) October 9, 2023
Ce soir, je vais m’endormir et je pourrais peut-être couper mon téléphone. Sans avoir peur d’un appel au milieu de la nuit de ma mère (« Il nous a retrouvées »), de la police, des urgences.
Il est mort, c’est fini, ça fait du bien
— Siam Spencer (@siamspencer) October 9, 2023