La douleur ce n’est pas « dans la tête »
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La douleur est une expérience complexe qui engage plusieurs systèmes de notre corps, elle ne peut pas être considérée comme juste « dans la tête ».
Les malades psys chroniques le savent très bien : leurs maux physiques sont toujours analysés à travers le prisme de leur maladie. Cela peut paraître normal à condition que cela ne vienne pas remettre en question la qualité du diagnostic. Malheureusement c’est encore trop souvent le cas et cela pousse des personnes à ne pas parler de leurs maladies psychiatriques ou de leurs traitements ce qui est pourtant essentiel pour être soigné correctement. Comme l’explique très bien ce médecin dans ce thread, si un praticien ou une praticienne vous dit que la douleur « c’est dans votre tête », changez de médecin.
Un thread de @DrJeanLefebvre
Hier (en 2023 donc), j'ai vu une patiente pour le motif de consultation le plus fréquent au monde mais qui a le malheur d'être invisible. La douleur. Et hier (toujours en 2023 donc), cette même patiente m'a dit que son médecin lui avait bien dit de NE PAS me prévenir d'un truc👇
— Jean Lefebvre (@DrJeanLefebvre) July 5, 2023
Ce médecin est psychiatre. Cette dame est bipolaire. Et elle a mal donc. Et ce n'est pas marqué sur son front. Elle ne geint pas. Elle ne crie pas. Elle ne pleure pas. Parce que c'est une douleur chronique et que ça ne se voit pas. Sauf qu'elle souffre et ne va pas bien.
— Jean Lefebvre (@DrJeanLefebvre) July 5, 2023
Scanner : deux vertèbres lombaires totalement décalées (qué s'appelerio un "spondylolisthésis", Google is your friend). Si ca ne vous parle pas, imaginez que votre fémur et que votre tibia sont déboîtés mais que vous continuez à marcher dessus. Tous les jours. Ambiance.
— Jean Lefebvre (@DrJeanLefebvre) July 5, 2023
Avant donc de connaître son antécédent psychiatrique, je vois qu'elle coche toutes les cases pour une chirurgie d'arthrodèse (Google is toujours your friend) et qui a des chances de bien se passer et qu'elle aille mieux. Et là… j'apprend.
— Jean Lefebvre (@DrJeanLefebvre) July 5, 2023
Eh bien on s'en fout. Ca change rien. Enfin presque : il faut juste éviter certains médicaments qui peuvent (et encore…) faire décompenser sa maladie psychiatrique. Et qu'en post op, elle peut avoir un sacré coup de mou au moral. Mais transitoire. donc ça va, on y arrivera.
— Jean Lefebvre (@DrJeanLefebvre) July 5, 2023
Elle va réfléchir. Normal. Mais alors où est le problème ? LES problèmes en l'occurrence.
— Jean Lefebvre (@DrJeanLefebvre) July 5, 2023
1. Je suis le 3e chirurgien qu'elle voit : 2 autres l'ont "éconduite" (on va rester très poli) avant de savoir pourquoi elle était là. Bah oui : elle est "psy"'.
— Jean Lefebvre (@DrJeanLefebvre) July 5, 2023
2. Sa douleur, c'est dans la tête puisqu'elle est "psy". NB : si vous la croisez et discutez avec elle, au pire vous pouvez la prendre pour une fan de Francis Lalanne mais pas beaucoup plus, on a vu pire (je parle de la patiente, pas de Lalanne).
— Jean Lefebvre (@DrJeanLefebvre) July 5, 2023
3. Il a donc fallu me cacher ça pour avoir un entretien "normal" d'après elle et son psy.
— Jean Lefebvre (@DrJeanLefebvre) July 5, 2023
La douleur, ce n'est pas "dans la tête". Quand la tête va mal, on se défend moins bien contre la douleur physique. C'est tout. Et on l'exprime différemment.
— Jean Lefebvre (@DrJeanLefebvre) July 5, 2023
Et quand le corps va mal, même une tête qui va bien finit par aller mal (on appelle ça une dépression, et là, Google is not your friend : le psychiatre is your friend)
— Jean Lefebvre (@DrJeanLefebvre) July 5, 2023
Donc en 2023, si quelqu'un (a fortiori un soignant…) vous dit que votre douleur, "c'est dans la tête", allez voir quelqu'un d'autre. Mais ne cachez pas que votre tête ne va pas bien. Parlez en : ça aidera tout le monde à ce que ça aille mieux.
— Jean Lefebvre (@DrJeanLefebvre) July 5, 2023