Thread : la banalisation des termes psychiatriques
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On entend souvent, à tort, que tel ou tel politique est narcissique, psychopathe, sociopathe ou encore schyzophrène. Ces abus de langage participent à la stigmatisation des maladies psychiatriques, tout en dédouanant nos amis les politiques de leurs actes ou de leurs paroles. En effet, si la personne est malade (en l’occurence touchée par un trouble psychiatrique), elle devient moins responsable. C’est d’ailleurs ce qui se passe dans une cour d’assises : l’expertise psychiatrique permet de déterminer si l’accusé est en totale possession de ses moyens ou s’il a agi suite à une maladie mentale. L’utilisation de termes médicaux pour définir la personnalité de tel ou tel personnage public est donc profondément psychophobe, injuste et injustifiée.
Un thread de @FabienVinckier
Ces derniers temps, j'ai vu plusieurs comptes (certains que j'apprécie, d'autres moins) critiquer des discours politiques qu'ils jugent aberrants en indiquant que leurs auteurs auraient besoin de soins psychiatriques ou autres qualificatifs du même genre…
— Fabien Vinckier (@FabienVinckier) August 19, 2023
Je n'ai pas de doute sur le fait que ces commentateurs ne sont (pour la plupart) pas psychophobes.
— Fabien Vinckier (@FabienVinckier) August 19, 2023
Pourtant, à l'instar de ceux qui utilisent des termes psychiatriques à visée dégradante ou insultante, ils participent à la stigmatisation des patients souffrant de maladies psychiatriques, des aidants et des soignants…
— Fabien Vinckier (@FabienVinckier) August 19, 2023
Je soupçonne que la majorité des auteurs de ces commentaires ne croient pas, au fond, que leurs interlocuteurs "devraient consulter" mais quelques mots d'abord sur le fond…
— Fabien Vinckier (@FabienVinckier) August 19, 2023
Ces discours politiques, pour irrationnels, aberrants ou même dangereux qu'ils soient, ne relèvent (sauf peut-être rarissime exception) pas de la psychiatrie.
— Fabien Vinckier (@FabienVinckier) August 19, 2023
Je suppose que l'idée sous-jacente serait qu'il s'agit de propos délirants (au sens clinique du terme). L'une des définitions que j'apprécie du délire, c'est qu'il s'agit d'une "conviction inébranlable indépendante de la réalité"…
— Fabien Vinckier (@FabienVinckier) August 19, 2023
A cette aune, on pourrait en effet se dire que certains propos politiques sont "indépendants de la réalité", donc délirants…
— Fabien Vinckier (@FabienVinckier) August 19, 2023
C'est entre autres pour cela que le DSM (qui utilise une autre définition) ajoute que cette croyance n'est habituellement pas partagée par les autres membres du même groupe culturel. Cela évite de qualifier de délirantes certaines croyances, religieuses, superstitieuses ou autres
— Fabien Vinckier (@FabienVinckier) August 19, 2023
Au-delà de la simple définition, ces croyances ne sont pas délirantes car elles ne sont pas alimentées par les "mécanismes" qui sous-tendent les idées délirantes habituelles, ne leur ressemblent pas en termes de contenu (on parle de thématique),
— Fabien Vinckier (@FabienVinckier) August 19, 2023
n'ont pas l'importance qu'a le délire pour les patients (le caractère "vital" des idées délirantes) et ne sont pas accompagnées des autres symptômes de la psychose…
— Fabien Vinckier (@FabienVinckier) August 19, 2023
Ce que cela veut dire, c'est qu'au-delà du caractère incongru de la proposition (faire "soigner" ses opposants politiques ne rappelle pas de bons souvenirs), ces idées ne sont pas délirantes et ne seraient donc pas amendées par les traitements du délire.
— Fabien Vinckier (@FabienVinckier) August 19, 2023
Cela n'implique pas que l'on ne peut pas délirer sur des thématiques religieuses (c'est fréquent) ou politique (c'est plus rare) mais à nouveau, le délire, ce n'est pas juste une erreur de raisonnement : c'est un symptôme clinique qui a des caractéristiques bien précises…
— Fabien Vinckier (@FabienVinckier) August 19, 2023
De même, la psychose (que l'on parle de la schizophrénie ou du trouble délirante persistant), ce n'est pas juste un mode de pensée irrationnel, c'est tout un cortège de symptômes, c'est une maladie (un trouble pour les puristes) qui génère trop de souffrance pour être banalisée.
— Fabien Vinckier (@FabienVinckier) August 19, 2023
Petite parenthèse : ce n'est je pense pas ce qui est sous-entendu mais il est évidemment tout à fait possible que des politiques souffrent d'anxiété ou de dépression (aucune profession n'est épargnée).
— Fabien Vinckier (@FabienVinckier) August 19, 2023
Mais dans ce cas, autant critiquer le discours tenu sur le fond plutôt que de stigmatiser la souffrance de celui qui l'énonce…
— Fabien Vinckier (@FabienVinckier) August 19, 2023
Reste ensuite le cas que je pense le plus fréquent: l'injonction aux soins pour décrédibiliser l'adversaire politique alors même qu'on ne croit pas, sur le fond qu'il souffre vraiment d'un trouble psychiatrique…
— Fabien Vinckier (@FabienVinckier) August 19, 2023
Dans ce cas, il s'agit au pire d'une dérive totalitaire (mais je ne crois pas que beaucoup souhaitent vraiment psychiatriser l'opposition politique si ?) et au mieux d'une version un peu plus policée de ce que @FlefGraph évoquait ici…https://t.co/rMznLvBgLl
— Fabien Vinckier (@FabienVinckier) August 19, 2023
Bref, les troubles psychiatriques sont un enjeu trop grave, sont responsables de trop de souffrance humaine et d'un coût pour la société trop important pour qu'on participe à la stigmatisation en utilisant le vocabulaire psychiatrique a visée dégradante…
— Fabien Vinckier (@FabienVinckier) August 19, 2023
Ce d'autant que le vocabulaire Français est me semble-t-il suffisamment riche en sobriquets fleuris pour ne pas avoir à emprunter à la sémiologie psychiatrique…
— Fabien Vinckier (@FabienVinckier) August 19, 2023
Pour finir sur une réplique que j'aime bien, magnifiquement interprétée par André Dussolier: "C'est un asile de fous, pas un asile de cons. Il faudrait construire des asiles de cons ! Mais vous imaginez la taille des bâtiments?"
— Fabien Vinckier (@FabienVinckier) August 19, 2023