Thread : Jules César vs Vercingétorix
Il y a des histoires que l’on pense connaître par cœur comme celle de l’éléphant tueur possédé. Mais si on creuse, on se rend compte qu’il y a plein de détails qui nous avaient échappé.
Un thread de @SireGoupil
Jules César vs Vercingétorix. Un duel au sommet qui a eu lieu en 52 avant JC et dont le Romain est sorti vainqueur. Un choc des titans qui a changé la face du monde antique. Dans ce thread, je vais vous raconter cette histoire. pic.twitter.com/ZLH18akIs3
— Pierre Le Goupil
(@SireGoupil) June 21, 2022
L’image de Vercingétorix a été déformée au fil du temps, particulièrement au XIXème siècle, époque où la France se cherchait un héros à la fois antique et romantique. Encore aujourd’hui, on le voit comme le « premier français », mais la réalité est bien différente.
— Pierre Le Goupil
Déjà, il faut poser le contexte. La Guerre des Gaules est une série de campagnes de Caius Julius Caesar qui a duré de -58 à -50. Ce n’est pas une guerre Rome vs Gaule. C’est beaucoup plus complexe que ça. pic.twitter.com/04NAnpZJnZ
— Pierre Le Goupil
La Gaule n’est pas un territoire unifié, loin de là. Il s’agit d’un espace géographique habité par des dizaines et des dizaines de peuples différents qui passent leur temps à se mettre joyeusement sur la tronche. Leur seul lien est culturel, et encore. pic.twitter.com/KwI8yLucEr
— Pierre Le Goupil
La notion même de Gaule, qui définit cet espace géographique comme d’un seul tenant, est d’ailleurs une vision purement romaine. Pour un Eduen, un Sénon est aussi étranger qu’un Romain.
— Pierre Le Goupil
C’est une vaste terre assez mystérieuse pour Rome. C’est un pays aussi inconnu que sauvage, parsemé de forêts denses et de reliefs accidentés. Bref, c’est la grosse zone. Voici comment on voyait la région à l’époque. pic.twitter.com/ZtcGDANBCY
— Pierre Le Goupil
Et attention, les Gaulois ne sont pas des barbares qui vivent dans des maisons en caca. Ils composent une vraie société structurée et beaucoup de tribus sont déjà romanisées grâce aux échanges commerciaux. pic.twitter.com/lacZsKZPBZ
— Pierre Le Goupil
BREF. Après son consulat en -59 (plus haut statut politique de la République Romaine), Jules César devient proconsul de la Gaule Narbonnaise, déjà conquise depuis un moment. C’est, en gros, le grand chef de la province. pic.twitter.com/3OKegydzH6
— Pierre Le Goupil
Il entreprend alors une opération de pacification en Gaule. L’objectif est double : mener une conquête pour son prestige personnel (ça fait toujours plaisir), mais aussi neutraliser une menace gauloise éventuelle. Rome se méfie de ses voisins.
— Pierre Le Goupil
Il faut savoir que dans l’histoire romaine, le sac de la ville en -390 par les Gaulois est un traumatisme qui n’a jamais été oublié. Voir donc des barbares vivre tranquillement juste à côté, ce n’est pas vraiment rassurant.
— Pierre Le Goupil
Chaque été, César arpente donc la Gaule afin de soumettre les tribus. Certaines s’y refusent (ce qui aboutit à de la bagarre), mais beaucoup s’y plient volontiers. Il y a les pros et les anti-romains chez les Gaulois. pic.twitter.com/62NThjr4j5
— Pierre Le Goupil
César entreprend aussi des expéditions en Bretagne et en Germanie, avec plus ou moins de succès.
— Pierre Le Goupil
Au début de l’année 52, la Gaule est presque entièrement pacifiée après plus de six ans de campagnes… en apparence seulement. Un jeune Arverne, que l’on connait sous le nom de Vercingétorix, va tout faire basculer.
— Pierre Le Goupil
Qui est-il ? Nous ne savons en réalité peu de choses à son sujet. L’unique source directe que nous avons provient de César himself dans ses commentaires sur La Guerre des Gaules, sorte de journal de guerre envoyé au Sénat. pic.twitter.com/TXIc2bydOS
— Pierre Le Goupil
On sait qu’il avait entre 20 et 30 ans et que c’était le fils du chef Arverne Celtillos, noble assassiné par des opposants. Certains historiens pensent que c’était un proche de César avant qu’il devienne rebelle, peut-être un de ses lieutenants gaulois, voir un ami.
— Pierre Le Goupil
On ne sait d’ailleurs pas si Vercingétorix était son vrai nom où juste un titre qu’on lui a attribué.
— Pierre Le Goupil
On l’imagine souvent avec une énorme moustache et des cheveux longs, mais la seule représentation qu’on a de lui montre un jeune homme imberbe avec des cheveux en bataille. Impossible de dire s’il ressemblait vraiment à ça. pic.twitter.com/UwtYx5ZfwT
— Pierre Le Goupil
Début -52, certaines tribus vivent mal l’occupation Romaine. Il faut dire que c’est synonyme de soldats stationnés. Le 23 janvier, les romains résidants à Genabum (Orléans) sont massacrés. C’est l’étincelle qui provoque l’explosion.
— Pierre Le Goupil
Vercingétorix, fin politique, y voit une opportunité et prend la tête de l’insurrection naissante. Il s’empare d’abord du pouvoir dans sa ville de Gergovie contre le parti pro-romain, puis rassemble des alliés autour de lui. pic.twitter.com/SaV61I50Of
— Pierre Le Goupil
Son but n’est pas de créer une Gaule unifiée. Nous ne sommes pas face à un embryon de France comme on aimait le raconter au XIXe siècle. Il s’agit d’une alliance de circonstance, rien de plus.
— Pierre Le Goupil
Les tribus rejoignent la révolte. La situation devient incontrôlable et César, qui hivernait en Narbonnaise, est obligé de venir mater le conflit en catastrophe.
— Pierre Le Goupil
C’est le pire timing pour lui. Crassus, son ami et mentor, vient de mourir (et pas de sa belle mort) dans la guerre contre les Parthes. Sa fille Julia est décédée il y a peu et Pompée, son ancien allié et gendre, commence à se montrer hostile à son égard.
— Pierre Le Goupil
Mais César ne se démonte pas. La Gaule d’abord, Pompée ensuite. En un mois, il remonte le Rhône puis marche vers l’ouest. Il remet de l’ordre en reprenant le contrôle de Genabum (Orléans), mais aussi d’autres cités majeures comme Avaricum (Bourges). pic.twitter.com/DQ4LvzZz7j
— Pierre Le Goupil
Attention, il n’est pas seul. César peut compter sur ses troupes, mais aussi sur ses alliés gaulois qui restent nombreux, comme les Lingons ou encore des auxiliaires germains. On rappelle que la Gaule n’est pas unifiée.
— Pierre Le Goupil
Mais Vercingétorix, en plus d’être malin, connaît bien César et la tactique Romaine. Il sait que les légions sont dépendantes de la logistique et il pratique la tactique de la terre brûlée pour les paralyser. La situation devient vite compliquée pour Jules.
— Pierre Le Goupil
Pendant ce temps, c’est toute la Gaule qui s’embrase. Les Parisis, les Eduens, les Bellovaques… César est forcé de diviser ses troupes pour éteindre tous les foyers d’incendie. La domination romaine est sur le point d’être anéantie.
— Pierre Le Goupil
Nous sommes au point de rupture. César ne se démonte pas et poursuit son ennemi vers le sud, jusqu’à Gergovie (actuel Massif Central) où il s’est retranché. Il lance le siège en avril, mais est finalement obligé de se retirer rapidement. pic.twitter.com/OlMpwCSPf5
— Pierre Le Goupil
On voit souvent Gergovie comme une victoire gauloise éclatante (merci Astérix). En réalité, il s’agit plus d’une retraite tactique d’un César qui cherche à économiser ses forces.
— Pierre Le Goupil
Ses assauts n’ont rien donné. Bien qu’il y ait peu de morts dans ses troupes, ce sont des centurions pour la plupart. Il décide donc de faire machine arrière, par prudence. Il n’a ni le temps ni les moyens de prendre la cité.
— Pierre Le Goupil
César se rend alors chez les Lingons, plus au nord, qui sont ses alliés. Puis il décide de rentrer en Narbonnaise afin de chercher des renforts. C’est à ce moment précis que la guerre va prendre un tournant décisif en faveur du romain. pic.twitter.com/jx1oqfgdrr
— Pierre Le Goupil
Nous sommes au début du mois d’août. César prend la route vers le sud, vers sa province. Vercingétorix sait qu’il est au pied du mur. La tactique de la terre brûlée, ça va 5 minutes.
— Pierre Le Goupil
Laisser César rentrer chez lui, cela signifie un retour l’année suivante et avec plus de troupes. Il prend donc la décision d’attaquer le cortège romain sur la route… C’est quitte ou double.
— Pierre Le Goupil
Pas de bol pour Vercingétorix, il se prend une raclée monumentale. César peut dire merci à ses cavaliers germains qui lui sauvent la mise sur ce coup.
— Pierre Le Goupil
Devant la déroute, le chef Gaulois se réfugie à Alésia avec ses 80 000 hommes. Cet oppidum (situé dans la Côte d’Or actuelle, il n’y a plus aucun débat) est la capitale des Mandubiens. Vercingétorix n’attend qu’une chose, l’arrivée de renforts. pic.twitter.com/Ng9t8TqORQ
— Pierre Le Goupil
César ne veut pas reproduire la même erreur qu’à Gergovie. Il entame alors un siège qui s’annonce long. Il construit un mur tout autour de la colline, avec des pièges pour empêcher les insurgés de sortir. pic.twitter.com/HaDbGlMtfC
— Pierre Le Goupil
Plus encore, César fait ce qui est aujourd’hui considéré comme manœuvre tactique qui tient du génie. Il construit un deuxième mur autour du premier pour s’y enfermer avec ses légions.
— Pierre Le Goupil
IL CONSTRUIT UN PUTAIN DE DEUXIEME MUR, TU TE RENDS COMPTE ?! pic.twitter.com/X3OX2Pvpmh
— Pierre Le Goupil
Le siège est éprouvant pour les Gaulois. Vercingétorix mise sur la clémence de César et fait sortir les civils de la cité. Alors qu’ils se présentent devant les murs en bas de la colline, le chef romain refuse de les laisser passer.
— Pierre Le Goupil
Vercingétorix ne peut pas les réaccueillir et ils mourront de faim et de soif dans la plaine sous le regard des légionnaires. Une tactique de terreur qui serait aujourd’hui qualifié de crime de guerre. Il faut faire comprendre ce qu’il en coûte de se dresser face à Rome.
— Pierre Le Goupil
Le dénouement de la bataille se joue un jour de fin septembre début octobre. Les renforts Gaulois arrivent enfin et attaquent les romains par l’extérieur. Vercingétorix et ses troupes tentent eux une percée de l’intérieur. pic.twitter.com/e31AJvkRTY
— Pierre Le Goupil
A l’abri entre ses deux murs, César peut contrôler les points chauds de la bataille. Les gaulois font des percées à travers la palissade, mais les romains sont bien organisés. Ils résistent. C’est tendu du slip, mais ils résistent. pic.twitter.com/GRPFqVuC4I
— Pierre Le Goupil
Selon les chiffres de César, 350 000 Gaulois font face à 100 000 Romains (à prendre avec des pincettes). Un ratio défavorable qu’il arrive à déjouer grâce à son génie militaire. Après une dizaine d’heures de baston, les Gaulois se retirent. pic.twitter.com/UC5aWFkpMj
— Pierre Le Goupil
C’est la fin. Le jour suivant, Vercingétorix sort d’Alésia et va à la rencontre de César. Nous n’avons qu’une vision très floue de l’événement. Le chef gaulois est-il sorti de lui-même déposer les armes ? A-t-il été livré par ses pairs ? Nous ne le saurons jamais. pic.twitter.com/ousjmgEw8y
— Pierre Le Goupil
Quoi qu’il en soit, Vercingétorix est fait prisonnier de guerre et amené à Rome. Sa carrière n’aura duré que quelques mois, mais c’est assez pour rentrer dans l’histoire.
— Pierre Le Goupil
La suite est aussi très floue. La version « officielle » est qu’il ait été emmené au Tullanium, pire prison de Rome où la lumière ne pénètre jamais. Il aurait été exécuté en -46 lors du Triomphe de César sur le Forum. pic.twitter.com/mHqWfWtEA9
— Pierre Le Goupil
Cependant, plus aucun contemporain ne parle de lui après la guerre des Gaules et certains historiens estiment même qu’il aurait été bien traité, comme n’importe quel chef vaincu et qu’il aurait fini sa vie pépère sous surveillance. Tout est possible, en réalité.
— Pierre Le Goupil
Mais sa légende traversera les siècles. On le voit aujourd’hui comme le premier français, comme le premier homme à avoir unifié ce qui deviendra notre pays. Une vision totalement anachronique et surtout fausse. pic.twitter.com/sgYIvoKpot
— Pierre Le Goupil
C’est César qui rêvait d’unir la Gaule pour la première fois (sous bannière Romaine). Vercingétorix s’y opposait, se battant pour l’indépendance de toutes les tribus. L’idée même d’une Gaule unie lui était certainement étrangère, par ailleurs.
— Pierre Le Goupil
A noter que la Guerre des Gaules ne s’est pas terminée avec la prise d’Alésia. En -51, César est encore obligé d’aller mater des tribus insurgées, mais rien d’aussi dangereux que la révolte de Vercingétorix.
— Pierre Le Goupil
Ensuite, le destin de César le mènera jusqu’au sommet du monde, des marbres de Rome jusqu’aux plaines d’Anatolie en passant par les sables de l’Egypte. Il mourra 8 ans après Alésia, assassiné par des sénateurs soucieux de préserver la République. https://t.co/MMOO77jfsP
— Pierre Le Goupil
Et voilà, j’espère que cette petite histoire vous aura plu ! J’espère vous avoir appris deux ou trois trucs. A plus pour de nouveau threads historiques !
— Pierre Le Goupil
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