Pénurie de médecins : ce que la nouvelle loi ne réglera pas
Malgré l'adoption récente d'une loi visant à encadrer l'installation des médecins pour lutter contre les déserts médicaux, les professionnels de santé alertent sur l'inefficacité potentielle de cette mesure. Ils pointent du doigt des décisions politiques passées ayant conduit à une pénurie organisée de praticiens.
Le 2 avril 2025, l’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi visant à réguler l’installation des médecins afin de lutter contre les déserts médicaux. Ce texte prévoit que l’installation des médecins, généralistes ou spécialistes, soit soumise à une autorisation préalable des Agences Régionales de Santé. Si cette mesure est destinée à mieux répartir les professionnels de santé sur le territoire, elle suscite néanmoins des débats quant à son efficacité réelle. Dans ce contexte, cette médecin exprime son point de vue sur la situation actuelle du système de soins en France. Selon elle, le mal est bien plus profond. Ce n’est pas un problème de répartition, mais une pénurie organisée, conséquence de choix politiques assumés depuis des décennies. Il y a néanmoins des solutions…
Pénurie de médecins en France : une crise organisée
Cette loi ne va rien changer, ni pour les médecins, ni pour les patients.
La situation du soin est catastrophique. Elle va le rester pour des années.Non, on ne manque pas de médecins car les jeunes "hésitent".
C'est une pénurie organisée.On en parle
https://t.co/l6y41akMGX
— Docteur Zoé (@Dr_Zoe_) April 3, 2025
Forcer les médecins à s'installer dans les zones qui en manquent peut paraître une bonne idée.
Mais nous ne sommes PAS ASSEZ NOMBREUX.87% du territoire français manque de médecin. Ville, campagne, partout.
Le plus grand désert médical de France, c'est l'île de France. 96%. pic.twitter.com/HaFQ8r4pjd— Docteur Zoé (@Dr_Zoe_) April 3, 2025
Cette pénurie est le résultat de décisions politiques catastrophiques prises entre les années 70 et 90. On a décidé de ne pas former assez de médecins. Décision conjointe de la frange la + dominante et droitière de la corporation, et de politiques friands de faire des "économies" pic.twitter.com/Vpqi9g8VTk
— Docteur Zoé (@Dr_Zoe_) April 3, 2025
Un médecin met 10 ans à être formé.
Aujourd'hui nous manquons de ceux qui ont entre 45 et 60 ans qui n'ont pas pû être formés à cause du numerus clausus de ces années.
La situation est catastrophique, je pèse mes mots.
1 médecin généraliste sur 3 a plus de 60 ans.— Docteur Zoé (@Dr_Zoe_) April 3, 2025
Cela arrive au moment où les nombreuses personnes de la génération du baby-boom ont 80 ans, et ont besoin de soins.
Ça fait 30 ans qu'on sait que ça va être un cataclysme dans les années suivantes.
On y est.Article des Échos de 1994.https://t.co/9iWLJt9J6X
— Docteur Zoé (@Dr_Zoe_) April 3, 2025
Les jeunes médecins d'aujourd'hui commencent à exercer dans les pires conditions qui soient.
L'hôpital s'effondre par manque d'investissement et politiques comptables destructrices.
Des millions de gens n'ont pas de médecins traitants.
La charge de travail est monstrueuse.— Docteur Zoé (@Dr_Zoe_) April 3, 2025
Et que racontent certains confrères et syndicats?
Que la médecine n'est pas "attractive". Argument pour demander des augmentations d'honoraires alors que clairement, les problèmes, ce sont nos conditions de travail, la qualité de vie et la qualité des soins.— Docteur Zoé (@Dr_Zoe_) April 3, 2025
Si, comme le dit ma consœur, les jeunes se tournent vers des exercices salariés en centre de soin non programmé, ce n'est pas car ils n'ont ou n'auront pas le choix de leur lieu d'installation.
On manque de médecin partout.
Ils pourront aller partout.
Ils y vont pour pas crever.— Docteur Zoé (@Dr_Zoe_) April 3, 2025
Raconter aux jeunes générations que c'est la "fin de la liberté d'installation" (qui n'en est pas une, voir plus haut) qui est le plus grand de leurs problèmes actuellement, c'est au mieux contre productif, au pire mensonger.
Le problème, c'est l'état du système de soin.— Docteur Zoé (@Dr_Zoe_) April 3, 2025
Et les coupables sont une partie de notre corporation et les politiques néolibérales des 40 dernières années.
Ils ont du sang sur les mains.
Celui de nos patients qui ne peuvent pas se soigner.
Celui des soignants en burn out qui n'en peuvent plus de travailler comme ça.— Docteur Zoé (@Dr_Zoe_) April 3, 2025
Que faire, donc ?
Augmenter les places en médecine ?
C'est déjà fait, ça portera ses fruits dans 10 ans.
Et on est au max de nos capacités pour former. Nous ne sommes pas assez nombreux pour soigner, et donc pour former. La médecine s'apprend en pratiquant, encadré.— Docteur Zoé (@Dr_Zoe_) April 3, 2025
Le salariat et l'exercice en équipe avec d'autres professionnels séduit beaucoup de jeunes médecins. Car on soigne mieux, on est plus heureux au travail, et on a plus de temps pour sa vie perso.
Un investissement massif vers des centre publics de santé est primordial.— Docteur Zoé (@Dr_Zoe_) April 3, 2025
Déléguer des tâches, dans l'urgence, c'est absolument nécessaire.
Aux autres professionnels bien sûr.
Mais aussi aux patients. Qu'ils puissent s'arrêter eux même pour des arrêts courts, qu'ils soient mieux formés à auto gérer leur santé et celle de leurs proches.— Docteur Zoé (@Dr_Zoe_) April 3, 2025
Plus largement, c'est la lutte politique qu'il fait menet.
Sortir d'une politique de gestion qui pense le spin comme un coût.
Entrer dans une politique qui part des besoins, avec un 100% sécu, des caisses gérées par les cotisants.
Et prendre l'argent là où il est.
Il y en a plein pic.twitter.com/9E21dW25e5— Docteur Zoé (@Dr_Zoe_) April 3, 2025
Face à l’ampleur du problème, ce thread rappelle une chose essentielle : la pénurie n’est pas une fatalité. Il existe des solutions concrètes, déjà identifiées, déjà souhaitées par une partie du corps médical. Centres de santé publics, travail en équipe, salariat, délégation des tâches… Il ne manque pas d’idées mais d’un véritable choix politique pour remettre le soin au centre.
Pour se remonter le moral, on poursuit avec une petite sélection humoristique sur les médecins :
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