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Ces mots coloniaux qui posent encore problème aujourd’hui

Par Parlons Large 02/08/2025

La langue française utilise des mots coloniaux hérités du passé. Ces termes nous imprègnent et posent encore problème aujourd’hui. Décolonisons notre vocabulaire.

La langue française est encore imprégnée de mots coloniaux hérités de l’époque de l’empire français.
De nombreuses expressions du quotidien, tout comme certains termes administratifs, perpétuent des visions hiérarchiques.
Souvent, on les utilise sans en connaître l’origine.
Déconstruire ces reliquats linguistiques est essentiel pour décoloniser notre lexique et, par là, nos mentalités.
 

Mots coloniaux dans l’administration

 

DOM-TOM, DROM-COM et Outre-mer : un vocabulaire hérité de l’empire colonial

 

L’acronyme DOM-TOM (Départements et Territoires d’Outre-mer) s’est imposé dès 1946, quand la France transforma certains anciens territoires colonisés en départements. Aujourd’hui, le terme officiel est DROM-COM, mais “DOM-TOM” reste largement utilisé. Sa sonorité rappelle l’exotisme, les tam-tams, les tropiques — un imaginaire colonial toujours ancré. Le terme “Outre-mer”, introduit dans les années 1930, a remplacé « colonie » mais continue de suggérer une conquête lointaine. Il vient du latin ultra (“au-delà”) et mer. Il place la France hexagonale au centre du monde.
 

 

France métropolitaine : une notion remise en question

 
Le mot métropole désigne la partie d’un État liée à ses colonies. Pendant longtemps, la France a ainsi nommé l’Hexagone, en l’opposant à ses possessions d’outre-mer. Depuis mai 2023, l’Assemblée nationale a remplacé le mot par « France hexagonale » pour rompre avec cet héritage. Pourtant, « métropole » reste employé dans les discours médiatiques et politiques.
 

 

 

 

Indigène et Français de souche : des vestiges raciaux

 
Le mot indigène était central dans le régime de l’indigénat. Il servait à catégoriser les colonisés sous domination française. Jugé péjoratif, il a été remplacé par “autochtone”, terme reconnu dans le droit international. L’expression Français de souche, inventée au XIXe siècle par l’extrême droite, continue de suggérer une hiérarchie raciale. Elle renforce l’idée qu’une partie de la population serait moins française à cause de son origine.
 

 

 

 

Expressions du quotidien issues du colonialisme

 

Des mots hérités de l’armée et des colons

 
Partir en brousse signifie aujourd’hui s’enfoncer dans la nature. Mais le mot “brousse”, issu de l’occitan “brossa”, a été popularisé dans les troupes coloniales. Il désignait des zones considérées sauvages et inhospitalières, souvent en Afrique.
 

Le mot tirailleur évoque aujourd’hui les tirailleurs sénégalais, soldats d’Afrique de l’Ouest recrutés par l’armée coloniale française. Ils ont combattu lors des deux guerres mondiales, souvent en première ligne, comme à Verdun. Leurs pertes furent très lourdes, mais leur traitement restait profondément inégalitaire.
 
Leurs soldes étaient inférieures à celles des soldats français et leurs pensions furent gelées après les indépendances. Le massacre de Thiaroye, en 1944, incarne cette injustice : l’armée française tue des tirailleurs protestant pour leur solde.
 
Longtemps exclus des commémorations, ils ne furent reconnus qu’après de nombreuses luttes mémorielles en France et en Afrique. Employer le mot “tirailleur” aujourd’hui rappelle cet héritage colonial : des soldats utiles mais méprisés par l’administration qu’ils servaient.
 

 

 

 

Toponymes exotiques devenus synonymes de nulle part

 
On entend souvent : « aller à Bab-el-Oued », « à Tataouine » ou « à Tombouctou ».
Ces villes sont bien réelles : Bab-el-Oued est un quartier d’Alger, Tataouine une ville tunisienne, et Tombouctou une cité malienne classée UNESCO.
 
Utilisées comme synonymes de lieux perdus, elles perpétuent une vision hiérarchique du monde.
Le centre civilisé serait ici, et la périphérie, là-bas.
 
Pétaouchnok, expression argotique, désigne un endroit imaginaire très éloigné.
Des linguistes l’associent à l’expression raciste “aller aux îles Pataoufnof”,
une construction fantasmée du XIXe siècle censée désigner des îles « peuplées de Noirs ».
Le mot a survécu, mais ses origines demeurent ancrées dans l’imaginaire colonial.
 

Pourquoi ces mots coloniaux posent problème en 2025

 
Ces mots coloniaux perpétuent des représentations hiérarchiques issues de l’histoire coloniale.
Leur usage, même inconscient, rappelle un ordre de domination passé mais encore présent dans les têtes.
Dire “DOM-TOM” ou “aller en brousse”, ce n’est pas anodin. Cela ravive des visions héritées d’un système inégalitaire. Il ne s’agit pas de censurer la langue, mais de l’interroger.
 
L’histoire le montre : le mot “indigène” a été supprimé car jugé discriminatoire. Reconnaître la violence des mots, c’est briser cette colonisation mentale. Surtout dans une France où certain·es refusent encore de reconnaître que le mot “nègre” est raciste. Non, ce n’est malheureusement pas une blague : Michel Onfray le pense vraiment… Le député Olivier Serva l’affirme : « Pas à pas, nous allons décoloniser les mots, donc les actes et les mentalités ».
 

À lire aussi : L’Afrique a-t-elle connue un âge d’or matriarcal ?

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