Ces mots coloniaux qui posent encore problème aujourd’hui
La langue française utilise des mots coloniaux hérités du passé. Ces termes nous imprègnent et posent encore problème aujourd’hui. Décolonisons notre vocabulaire.
La langue française est encore imprégnée de mots coloniaux hérités de l’époque de l’empire français.
De nombreuses expressions du quotidien, tout comme certains termes administratifs, perpétuent des visions hiérarchiques.
Souvent, on les utilise sans en connaître l’origine.
Déconstruire ces reliquats linguistiques est essentiel pour décoloniser notre lexique et, par là, nos mentalités.
Mots coloniaux dans l’administration
DOM-TOM, DROM-COM et Outre-mer : un vocabulaire hérité de l’empire colonial
L’acronyme DOM-TOM (Départements et Territoires d’Outre-mer) s’est imposé dès 1946, quand la France transforma certains anciens territoires colonisés en départements. Aujourd’hui, le terme officiel est DROM-COM, mais “DOM-TOM” reste largement utilisé. Sa sonorité rappelle l’exotisme, les tam-tams, les tropiques — un imaginaire colonial toujours ancré. Le terme “Outre-mer”, introduit dans les années 1930, a remplacé « colonie » mais continue de suggérer une conquête lointaine. Il vient du latin ultra (“au-delà”) et mer. Il place la France hexagonale au centre du monde.
Que fait le gouvernement face à la colère contre la vie chère aux Antilles, rien, est-il normal que les produits de premières nécessités coûtent 40% plus cher dans les DOM Tom qu'en métropole ??? pic.twitter.com/OfDXqfOGsO
— Collectif Cgt Monoprix Idf (@cgt_idf) September 20, 2024
France métropolitaine : une notion remise en question
Le mot métropole désigne la partie d’un État liée à ses colonies. Pendant longtemps, la France a ainsi nommé l’Hexagone, en l’opposant à ses possessions d’outre-mer. Depuis mai 2023, l’Assemblée nationale a remplacé le mot par « France hexagonale » pour rompre avec cet héritage. Pourtant, « métropole » reste employé dans les discours médiatiques et politiques.
#Entreprises | Les différences structurelles entre les PME dans les DOM et en France métropolitaine impliquent des écarts de rentabilité financière marqués.
👉https://t.co/phCxlsCZ13pic.twitter.com/9uG0Rc8F6X— Insee (@InseeFr) July 17, 2025
#Canicule | Activation du numéro vert Canicule info service ⚠
📞 ouvert de 8H à 19H en France métropolitaine pour obtenir des conseils pour se protéger et protéger son entourage, en particulier les plus fragiles.
☎ En cas de #malaise, forte #fièvre ou propos incohérents 👉… pic.twitter.com/yPs6an7XBS— Ministère de la Santé et de l'Accès aux soins (@Sante_Gouv) June 28, 2025
🇫🇷 Du jamais vu depuis au moins trente ans: le taux de pauvreté a battu un record en 2023 en France métropolitaine où les inégalités se creusent selon l'Insee. Des chiffres loin d'être "surprenants" pour les associations, qui exhortent l'Etat à passer aux actes.
➡️… pic.twitter.com/hkXrmc0qs0— Agence France-Presse (@afpfr) July 8, 2025
Indigène et Français de souche : des vestiges raciaux
Le mot indigène était central dans le régime de l’indigénat. Il servait à catégoriser les colonisés sous domination française. Jugé péjoratif, il a été remplacé par “autochtone”, terme reconnu dans le droit international. L’expression Français de souche, inventée au XIXe siècle par l’extrême droite, continue de suggérer une hiérarchie raciale. Elle renforce l’idée qu’une partie de la population serait moins française à cause de son origine.
"L'Algérie ne peut pas offenser un pays comme la France"
🗣️Bruno Retailleau
🔴Traduction : La France est supérieure à l'Algérie, tout comme le français dit "de souche" est supérieur au français d'origine maghrébine pic.twitter.com/chpgc5VlHm— NEWS & TRUTH (@news_and_truth) January 19, 2025
Nan mais lol, la vérité c’est qu’une majorité de français dit « de souche » échouerait lamentablement à ces examens.
Assume ton racisme et ta xénophobie Bruno.pic.twitter.com/0gHNeIxvfyhttps://t.co/N9YwrBUwLq
— Maud Destangal (@destangal) May 5, 2025
Au Brésil, pendant 4 jours, des milliers d’indigènes sont descendus dans la rue pour manifester contre la déforestation qui ravage l’Amazonie et menace leurs terres.
Joe Duplantier, chanteur du groupe “Gojira” nous montre ce qu'il se passe sur place ⬇️#Quotidienpic.twitter.com/CuYjDqgeL0— Quotidien (@Qofficiel) September 2, 2021
Expressions du quotidien issues du colonialisme
Des mots hérités de l’armée et des colons
Partir en brousse signifie aujourd’hui s’enfoncer dans la nature. Mais le mot “brousse”, issu de l’occitan “brossa”, a été popularisé dans les troupes coloniales. Il désignait des zones considérées sauvages et inhospitalières, souvent en Afrique.
Le mot tirailleur évoque aujourd’hui les tirailleurs sénégalais, soldats d’Afrique de l’Ouest recrutés par l’armée coloniale française. Ils ont combattu lors des deux guerres mondiales, souvent en première ligne, comme à Verdun. Leurs pertes furent très lourdes, mais leur traitement restait profondément inégalitaire.
Leurs soldes étaient inférieures à celles des soldats français et leurs pensions furent gelées après les indépendances. Le massacre de Thiaroye, en 1944, incarne cette injustice : l’armée française tue des tirailleurs protestant pour leur solde.
Longtemps exclus des commémorations, ils ne furent reconnus qu’après de nombreuses luttes mémorielles en France et en Afrique. Employer le mot “tirailleur” aujourd’hui rappelle cet héritage colonial : des soldats utiles mais méprisés par l’administration qu’ils servaient.
Le 1er décembre 1944, les troupes coloniales françaises ont tué 70 tirailleurs sénégalais qui réclamaient le paiement de leurs indemnités liées à la guerre.
Le massacre du camp Thiaroye est un crime colonial que vous ne retrouverez pas dans le récit national.
Je n'oublie pas. pic.twitter.com/CJpbSyHVMq
— David Weichert (@Weichert_David) December 1, 2020
🇸🇳 Il y a 80 ans, l’armée française a délibérément tué à #Thiaroye plusieurs dizaines de tirailleurs sénégalais. Aujourd’hui, descendants et historiens continuent de demander à ce que toute la lumière soit faite.
🔴 France 2
🎥 N.Bertrand, F.Fougère, K. Le Bouquin, L.Dravet pic.twitter.com/QzIP5ySBLe
— France TV Afrique (@France2Afrique) November 28, 2024
•🕯️•
1er décembre 1944 : des tirailleurs sénégalais du camp de Thiaroye rapatriés de la 2ème guerre mondiale après avoir servi la France 🇨🇵, protestent contre leurs mauvaises conditions et réclament le paiement de leur solde, ils seront massacrés par l'armée française. pic.twitter.com/Y8Ws7wzzD1
— 👨🏿🚀 Ꮥ.Ꮶ. ➏ 🚀 (@SKR_250) December 1, 2021
Toponymes exotiques devenus synonymes de nulle part
On entend souvent : « aller à Bab-el-Oued », « à Tataouine » ou « à Tombouctou ».
Ces villes sont bien réelles : Bab-el-Oued est un quartier d’Alger, Tataouine une ville tunisienne, et Tombouctou une cité malienne classée UNESCO.
Utilisées comme synonymes de lieux perdus, elles perpétuent une vision hiérarchique du monde.
Le centre civilisé serait ici, et la périphérie, là-bas.
Pétaouchnok, expression argotique, désigne un endroit imaginaire très éloigné.
Des linguistes l’associent à l’expression raciste “aller aux îles Pataoufnof”,
une construction fantasmée du XIXe siècle censée désigner des îles « peuplées de Noirs ».
Le mot a survécu, mais ses origines demeurent ancrées dans l’imaginaire colonial.
Pourquoi ces mots coloniaux posent problème en 2025
Ces mots coloniaux perpétuent des représentations hiérarchiques issues de l’histoire coloniale.
Leur usage, même inconscient, rappelle un ordre de domination passé mais encore présent dans les têtes.
Dire “DOM-TOM” ou “aller en brousse”, ce n’est pas anodin. Cela ravive des visions héritées d’un système inégalitaire. Il ne s’agit pas de censurer la langue, mais de l’interroger.
L’histoire le montre : le mot “indigène” a été supprimé car jugé discriminatoire. Reconnaître la violence des mots, c’est briser cette colonisation mentale. Surtout dans une France où certain·es refusent encore de reconnaître que le mot “nègre” est raciste. Non, ce n’est malheureusement pas une blague : Michel Onfray le pense vraiment… Le député Olivier Serva l’affirme : « Pas à pas, nous allons décoloniser les mots, donc les actes et les mentalités ».
À lire aussi : L’Afrique a-t-elle connue un âge d’or matriarcal ?

Commentaires 0
Rédigez votre commentaire