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L’histoire méconnue des Engagés indiens, ces travailleurs venus d’Inde après l’abolition de l’esclavage

Par Parlons Large 16/12/2025

Redécouverte de l’histoire des Engagés indiens, ces travailleurs venus d’Inde après l’abolition de l’esclavage. Ils participent durablement à la formation des sociétés de Guadeloupe, Martinique et La Réunion. Longtemps invisibilisée, cette histoire s’appuie aujourd’hui sur archives, mémoriaux et recherches universitaires. Elle éclaire les continuités entre travail forcé, migrations contraintes et héritages contemporains.

Après l’abolition de l’esclavage, les plantations sucrières cherchent une main-d’œuvre de remplacement. Des administrations organisent alors l’arrivée de travailleurs indiens sous contrat. Entre 1853 et 1889, la France recrute 44 553 Engagés indiens. Les départs s’échelonnent sur plusieurs décennies, avec des routes maritimes longues et dangereuses. À La Réunion, la population indienne passe d’environ 11 000 en 1849 à 37 000 en 1859. Des contrats de trois à cinq ans encadrent officiellement le travail. Toutefois, le rapport de force reste total. Les employeurs contrôlent logement, déplacements, salaires et sanctions. Les Engagés se retrouvent enfermés dans une dépendance économique et administrative. La promesse de retour existe sur le papier. Dans les faits, elle reste souvent inaccessible.

 

Une violence sociale, administrative et corporelle

 

En pratique, le système impose des journées épuisantes, puis une discipline brutale. De surcroît, les carences alimentaires et les maladies frappent des travailleurs déjà fragilisés par la traversée. En outre, des violences disciplinaires s’ajoutent aux cadences. Progressivement, l’administration réduit les personnes à des dossiers, puis à des numéros d’identification. Par ailleurs, les pratiques religieuses et culturelles subissent des entraves répétées. Selon les synthèses mémorielles disponibles, la mortalité atteint environ 15 % sur plusieurs décennies. Dans certains corpus, l’âge moyen au décès tourne autour de 32 ans. Dès lors, cette histoire ne relève pas d’une simple mobilité de travail. Au contraire, elle prolonge l’exploitation sous une autre forme. Ainsi, la contrainte change de vocabulaire, mais pas de logique.

 

Les Engagés : résistances et dignité

 

Pourtant, face à l’arbitraire, les Engagés ne restent pas passifs. D’abord, des protestations surgissent, individuelles ou collectives. Ensuite, des refus de travail apparaissent, malgré les risques. Parallèlement, des demandes d’application stricte des contrats circulent. D’ailleurs, un mémorial rappelle que les Engagés « se sont battus pour le respect de leur contrat ». Or cette phrase compte, parce qu’elle casse un mythe. En effet, elle replace les travailleurs au centre de leur histoire. Certes, la résistance n’a pas toujours une forme spectaculaire. Néanmoins, elle s’inscrit aussi dans des stratégies de survie. Ainsi, les familles protègent des rites, des mots, des recettes, des gestes. Finalement, malgré la violence, l’héritage demeure vivant.

 

Mémoires des Engagés et lieux de vérité

 

Aujourd’hui, la mémoire se reconstruit dans l’espace public. Par exemple, en Guadeloupe, un mémorial à Capesterre-Belle-Eau documente les parcours et les décès. De plus, les panneaux évoquent environ 42 873 arrivants, pour près de 25 000 morts prématurées. Par ailleurs, à l’île Maurice, l’Aapravasi Ghat, classé par l’UNESCO, inscrit l’engagisme dans une histoire mondiale. En complément, l’UNESCO soutient une dynamique de “Route de l’Engagé” pour relier ces lieux. Ainsi, ces repères permettent enfin de nommer les violences. De surcroît, ils donnent des chiffres, donc une échelle. Cependant, la commémoration n’efface pas le crime social. En revanche, elle ouvre un espace pour l’enseignement. Dès lors, la reconnaissance passe par l’école, les musées et la recherche.

 

Héritages contemporains et reconnaissance nécessaire

 

Désormais, des centaines de milliers de descendants vivent dans les sociétés françaises ultramarines. Selon le ministère indien des Affaires étrangères, La Réunion compte environ 297 300 personnes d’origine indienne. Dans les Antilles françaises et à Saint-Martin, les données montrent aussi une présence importante. Par conséquent, les héritages se voient dans les cuisines, les fêtes, les musiques et certaines pratiques religieuses. Pourtant, l’invisibilisation a laissé des traces. En effet, le récit national minimise souvent l’engagisme, ou le traite comme un détail. Dès lors, cette marginalisation nourrit le mépris social et des hiérarchies raciales.

 
Ainsi, la reconnaissance doit rester politique. D’abord, elle doit nommer la contrainte, puis documenter les morts, et enfin enseigner les causes. Autrement dit, raconter les Engagés, c’est réparer un trou dans l’histoire.

 
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