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L’empire Bolloré : le danger de la concentration des médias

Par Ptolomus 17/06/2024

 
Les empires médiatiques sont un ensemble de médias n’appartenant qu’à une seule personne ou une seule famille. Si l’indépendance des rédactions et des journalistes est censée être un des principes fondateurs de la presse, la réalité est tout autre. Un propriétaire de médias ou un actionnaire peut aisément exercer son influence sur la gestion et le management d’une rédaction, notamment parce que c’est lui qui a l’argent. Ainsi, plus on détient de médias à forte diffusion, plus on a d’influence sur l’opinion publique et plus on met en danger la démocratie. Et Vincent Bolloré est la parfaite représentation.
 

Vincent Bolloré, la meilleure illustration du danger de la concentration des médias

 


 

Si les empires médiatiques sont si peu démocratiques, pourquoi sont-ils autorisés ?

 
C’est une excellente question, la réponse réside dans l’absence d’éthique des responsables politiques de droite et leur volonté de transformer la société en un immense marché libéral.
Pourtant les ordonnances de 1944 (https://fr.wikipedia.org/wiki/Ordonnances_de_1944_sur_la_libert%C3%A9_de_la_presse) interdisaient à un patron de presse de posséder plusieurs journaux de grande diffusion et d’exercer une fonction extérieure afin de lutter contre la concentration des médias et garantir la liberté de l’information. En effet, pendant l’Occupation, la quasi-totalité de la presse s’est mise à collaborer avec l’Allemagne nazie, se vautrant dans le racisme, l’antisémitisme et les attaques aux opposants politiques.
Seulement, la réforme annoncée par les ordonnances de 1944 n’a jamais abouti sous la pression d’une partie des patrons de presse. C’est la loi du marché qui gagne la bataille.
 


 
Et rebelote en 1984, les Socialistes tentent de monter un nouveau texte sur la base de ces ordonnances pour contrer l’empire médiatique de Robert Hersant (encore un mec d’extrême droite). Une loi a été votée et n’a, à nouveau, jamais pu être appliquée, laissant grande ouverte la voie à la concentration des médias. En France, onze milliardaires, dont Bolloré, se partagent 80 % de la presse quotidienne généraliste, 60 % de la part d’audience en télé et la moitié des audiences de la radio.
 

 

Une vidéo de Rhinocéros explique très bien ce problème d’indépendance de la presse en revenant sur l’histoire de Robert Hersant :
 

 

D’ailleurs, une commission d’enquête s’est tenue en 2022 sur le sujet de la concentration des médias et ses dangers. Il en est ressorti 32 propositions pour garantir la liberté et l’indépendance de la presse et des journalistes, mais pas une ne propose l’interdiction pour une personne de détenir plusieurs médias… Voir la synthèse du rapport.
 



 

Vincent Bolloré, c’est qui ?

Vincent Bolloré est un homme d’affaires controversé, il s’est construit un empire médiatique conservateur et réactionnaire, notamment avec le groupe Canal + (Canal +, C8, CNews), Prisma Media (Capital, Femme Actuelle, Télé Loisirs, GEO, Voici, Gala), une partie de Lagardère (Paris Match, Hachette Livre, le JDD, Europe 1) et la radio RFM. Il possède également le Groupe Havas, géant mondial de la communication. Tous ces rachats de médias se sont suivis d’une très nette réorientation du traitement de l’info vers des idées d’extrême droite et diffuse massivement ses thèses conservatrices, réactionnaires et complotistes.
 


 

Le voici chez Canal + :
 



 
Également I-Télé (maintenant CNews) qui a subi le départ de plus des trois quarts de ses journalistes :
 

 

Et le pluralisme de Touche pas à mon poste, on en parle ?
 


 

Au-delà des médias, Bolloré est un monstre qui exploite des enfants, fait pression sur les médias qui enquêtent sur lui, condamné pour corruption, procédure abusive… la liste est longue. Petite vidéo de Waly Dia pour se remettre dedans.
 


 

Concentration des médias : l’arme de choc pour installer massivement ses idées auprès du grand public

Vincent Bolloré est un acheteur compulsif de médias, son dernier exploit est le rachat de Lagardère avec Europe 1, Paris-Match, le JDD, 3 médias nationaux d’information, et Hachette Livres.
Sa mainmise sur ces entreprises est colossale. Europe 1 est passée d’une radio indépendante à une radio au management hyper contrôlé et anti-gauche : démissions, modification de la grille des programmes, changement d’animateurs… En un clin d’oeil, la radio signe sa plus basse performance d’audience, ses finances sont fortement déficitaires, avec des pertes s’élevant à plusieurs dizaines de millions d’euros par an.
 



 
Même chose chez Paris-Match :
 


 
Et dans les groupes d’édition Hachette Livres et Editis :
 



 

C’est le schéma habituel : Bolloré rachète un média, il place à sa tête des personnes aux idées proches des siennes, fait le ménage quand les employés ou les journalistes éthiquement responsables ne partent pas d’eux-mêmes, gère des grèves importantes à coup de dédommagements, et il a enfin le champ libre pour diffuser sa propagande d’extrême droite. Ça a même un nom : la bollorisation.
 



 

L’arrivée de Geoffroy Lejeune au JDD

Geoffroy Lejeune, ami d’enfance de Marion Maréchal-Le Pen, était directeur de la rédaction de Valeurs Actuelles, un magazine d’actualité très marqué à droite. Sous sa direction, le discours du magazine s’est considérablement durci, militant pour l’extrême droite et faisant notamment de nombreuses unes sur le succès d’Éric Zemmour. La page Wikipedia du magazine est remplie d’affaires judiciaires et de controverses racistes, de propos antisémites, diffamatoires, de fakes news, atteinte au secret des sources, antiféminisme, déni du réchauffement climatique et on en passe, et quasiment tout sous la direction de Geoffroy Lejeune (2016 à 2023). Il finit par être licencié à cause d’un bilan catastrophique : perte d’une majorité d’annonceurs et de très nombreux abonnés.
 



 
Vincent Bolloré en profite pour le récupérer et le place à la tête du Journal du dimanche (JDD) malgré une grève historique de la rédaction contre sa nomination. Le journal a, lui aussi, subi une fuite des annonceurs et d’une partie du lectorat depuis la nomination de Lejeune. Sacré palmarès à seulement 35 ans.
 

 
Une fois de plus, cette stratégie montre que Vincent Bolloré ne cherche pas à faire du business avec les médias grand public mais à influencer l’opinion, peu importent les condamnations et les pertes financières.
Et cerise sur le gâteau, le premier numéro du JDD publié sous le direction de Geoffroy Lejeune est rempli d’erreurs et de fausses informations.
 


 

Commission d’enquête sur les chaînes de la TNT, dont les médias de Bolloré

Vincent Bolloré a été auditionné récemment à l’Assemblée nationale lors de la Commission d’enquête sur la TNT, où Bolloré détient 2 chaînes : CNews et C8.
Le rapport d’enquête fait un bilan désastreux de l’offre télévisuelle : “la TNT privée est une télévision low cost entre publicité et propagande de quelques groupes industriels privés qui ont des intérêts d’influence, de défense d’intérêts privés et de convictions personnelles”. Autre point important : le régulateur n’apparaît pas en capacité ni de faire respecter les obligations aux chaînes, ni de garantir le pluralisme de la société française nécessaire à la bonne tenue du débat démocratique.
La preuve en est la séquence hallucinante où le président de la Commission d’enquête lui-même est invité sur C8 pour critiquer une émission concurrente, Quotidien avec Yann Barthès.
 



 

Si Bolloré a autant d’influence et de pouvoir au sein de ses médias, c’est parce qu’il est giga mega riche, et aussi parce que c’est un expert en procédures bâillon. Il fait taire les gens qui l’attaquent et qui ne sont pas en mesure de se défendre en un claquement de doigts, sans compter ses dépenses de justice, sans même se soucier de perdre tous ses procès – parce qu’il est évidemment en tort. Bolloré c’est un homme qui aime se défendre, beaucoup, excessivement :
 


 

Ne pourrait-on pas qualifier ces techniques d’atteintes à la liberté d’expression et de la presse ? Cela ne pourrait-il pas être condamnable ?
Cette commission a également démontré les ingérences de l’homme d’affaire au sein des médias qu’il détient pour mettre en avant son projet politique.
 




 

Influencer les opinions, oui, et pourquoi pas carrément influencer les politiques ?

Pascal Praud au courant de tout avant tout le monde, Ciotti qui discute de son alliance avec le RN directement avec Bolloré, Hanouna qui tente de rallier les extrêmes droites en direct sur une chaîne nationale. Parfaite illustration du danger de la concentration des médias.
 







 

2 heures de plus de Hanouna par jour sur Europe 1

Et là, on apprend que Bolloré joue encore avec ses médias, supprimant l’émission “Sophie & Les Copains”, diffusée en semaine de 16 à 18h sur Europe 1, pour y mettre Cyril Hanouna, son petit soldat. Cyril Hanouna est l’animateur star de TPMP (Touche pas à mon poste) extrêmement controversé et aux propos ouvertement homophobes, sexistes et globalement injurieux et humiliants. La chaîne C8 (groupe Bolloré) s’est vue infliger une cascade de condamnations en justice et de sanctions des autorités de régulation, juste à cause de cette émission. Hanouna réalisant un travail spectaculaire en faveur de l’extrême droite, il est donc normal de le placer sur Europe 1 en quotidienne pendant 2 heures à deux semaines des législatives. La pluralité de la presse est décédée depuis longtemps.
 




 

Alors cette première émission sur Europe 1 ?

La première émission “On marche sur la tête”, animée par Cyril Hanouna a donc eu lieu aujourd’hui 17 juin. Voici ce qu’on en retient.
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On termine avec ceci :

 



 

Partons sur un sujet plus drôle

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@RemiEnguehard "Eric ciotti fait alliance avec le Fn, le masque tombe" Le masque: image d'une personne avec un masque transparent
 

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