Il découvre une cave sous son salon, ce qu’il y trouve ressemble à un film d’horreur !
Le cinéma américain a déjà acheté les droits.
Dans les films d’horreur, il y a invariablement des situations que l’on a vu mille fois et qui ne font pas sens : le groupe d’amis qui décident de passer un week-end dans un lieu totalement isolé, un village où absolument tous les habitants sont bizarres, une poupée horrible achetée dans un vide-grenier glauque que l’on laisse dans la chambre d’enfant et évidemment une famille qui emménage dans une maison trop belle pour son prix sans se poser de questions. Ainsi lorsque le vidéaste Nota Bene explique qu’il y a probablement une cave sous le salon de sa maison neuve, @padrepio en profite pour imaginer ce qui pourrait se passer.
Il découvre une cave sous son salon, ce qu’il y trouve ressemble à un film d’horreur !
Meilleur début de scénario d'horreur.
À deux doigts de l'écrire."cher journal, grand jour ! Le géomètre a confirmé qu'il existait bien une ancienne cave sous le sol. J'attaque demain un premier forage test."
'21 décembre. Petite déception. L'exploration au tomographe n'a hélas rien donné de précis. Il y a bien un vide, mais quoi ? L'expert est surpris, la reconstruction des volumes est plutôt précise d'ordinaire. Quelque chose parasite peut-être les relevés, d'après lui.'
'3 janvier. L'artisan qu'on m'avait conseillé pour un sondage n'est pas venu. Il était pourtant d'accord mais il ne donne plus de nouvelles depuis que je lui ai donné l'adresse de la maison. Ça fait suer, j'aime bien l'idée de faire bosser les gens du village, ils connaissent bien le coin.'
'9 janvier. Décidément, pas moyen de trouver un professionnel pour faire ce sondage. Je vais finir par le faire moi-même… Côté archives, j'ai retourné ce que j'ai trouvé à la mairie. Rien de flagrant, mais j'ai quand même appris qu'il y avait eu un monastère sur la parcelle, au 12e siècle.'
'Pas grand, mais il accueillait apparemment les vieux moines qui bossaient au scriptorium de l'abbaye, à vingt bornes. Les sources sont plus rares après 1347.'
'7 février. Sortie au Puy du Fou pour le reste de la famille, je suis tranquille tout le weekend. Je vais en profiter pour en avoir le cœur net.'
'8 février. J'y ai passé la journée mais j'ai pu forer une ouverture et… La mèche a clairement fini dans le vide ! En reniflant, j'ai senti une odeur marrante, un peu comme le petrichor. Il est tard, mais je vais pouvoir passer une caméra demain. Je suis excité comme une puce.'
'9 février. Encore une journée frustrante. La caméra ne filme rien. J'ai vérifié quinze fois, ça fonctionne en surface mais dès qu'elle passe sous le sol, je n'ai plus que des parasites. J'ai remis le tapis sur le trou, ça m'évitera de devoir expliquer pourquoi le plancher a un peu ramassé.'
'12 février. Pas eu le temps de m'y coller mais je vais élargir ce putain de trou. Les vacances approchent, je vais trouver un prétexte genre grippe et rester ici pour être tranquille. Les autres ne comprendraient pas. Et puis l'odeur ne me gêne pas, moi. Un peu de moisi, et tout de suite ça râle.'
'13 février, trois heures du matin Je suis tellement pressé d'attaquer demain que je dors dans le salon. Enfin je dors… J'essaie. Il y a un petit bruit chiant quelque part, j'arrive pas à savoir d'où ça vient. Comme si on arrachait un truc humide.'
'14 février, 23h. J'ai pas arrêté de la journée, le salon est défoncé et j'ai intérêt à trouver une explication, mais on verra ça plus tard. Je devrais pouvoir descendre demain. Truc marrant : il y a toute une nuée de pies qui m'a regardé bosser depuis l'appui de la fenêtre'.
'15 février, 8h. C'est marrant cinq mn, les pies, mais elles piaillent dès que je m'approche du trou. J'ai le matos, plus qu'à descendre.'
15 février, 17h. J'en crois pas mes yeux. C'est incroyable. Il y a littéralement un ancien scriptorium sous la baraque. Les moines avaient dû aménager ça, mais alors pourquoi dans la cave, ça…
Mais j'ai zéro doute. Il y a tout, les tables inclinées, les parchemins encore dessus. Les étagères avec les encres, les calames. Tout. C'est une putain de capsule temporelle. Je devrais appeler les copains médiévistes. Mais demain. C'est idiot, mais j'ai envie de profiter un peu.'
Le bruit que j'entendais est plus présent en bas, je pouvais toujours chercher au rez-de-chaussée… Je ne sais pas ce que c'est, mais c'est dans le mur. Il doit y avoir un loir ou une fouine qui se fait plaisir. C'est vraiment comme si on grignotait de la viande. C'est carnivore,une fouine ?
Dernier truc pour ce soir : j'aurais sûrement pas dû mais les pies m'ont tellement saoulé que j'ai craqué, c'était plus fort que moi. J'espère que celle que j'ai déglingué fera peur aux autres. Je regrette un peu. Moins que ce que je croyais. C'est qu'une pie.'
'16 février, 7h. Quinze appels en absence, tant pis. J'ai plus urgent. Aujourd'hui, je descends pour tenter de déchiffrer un parchemin ou deux. J'ai ressorti ma grammaire latine et le gros Bailly, je suis au taquet.'
C'est un BORDEL. Du grec, du latin, il y a même des textes en arabe et tout est abîmé, rongé. Ça plus ce putain de bruit de viande humide… J'y ai passé la journée et j'ai à peine déchiffré quelques titres dans l'index que j'ai retrouvé. Apparemment, les moines tenaient une liste précise.
Pas mal de traités et de Sommes. Il y a des classiques, Albert le Grand, Gerbert d'Aurillac mais aussi des drôles de trucs. J'ai jamais entendu parler du Libellus de Vita ex Argilla ou du Codex Animationis Terrae.
Je ne sais pas qui c'était, ces moines, mais c'est pas très chrétien, leur travail. C'est marrant, c'est comme s'ils avaient cherché à compiler des traditions alchimiques juives, latines et arabes. Il y a un Codex Umbrae et Argillae avec des croquis comme je n'en ai pas souvent vu.
Faut que ce bruit s'arrête, ça me tape sur le système. L'odeur devient pesante aussi. J'ai mal au crâne. Je respire de la peau de mouton morte dans une cave, faut dire. C'est sûrement pour ça que ça me palpite dans les tempes.'
'J'entends le téléphone qui sonne non stop. Je devrais remonter mais je sens que je suis pas loin de trouver la clé de cette histoire. Qui sont ces putains de moines et ils cherchaient quoi ? Et pourquoi il y a un énorme établi dans l'angle ? Avec des courroies de cuir et des chaînes ?
[/INTERLUDE]'17 février, 16 heures. Enfin sans doute, je me sens un peu sonné. Je suis remonté pour respirer, c'est à peine tenable en dessous, surtout qu'il fait chaud. Je vais y retourner, mais cette fois, je fais gaffe.
J'ai retrouvé la réplique de masque à gaz de 14-18 qui trainait sur une étagère. J'ai un look d'enfer en calbard avec ce truc, mais au moins je vais pouvoir respirer dans toute cette fichue poussière. Le temps de fermer les volets pour ne plus voir ces foutues pies qui me regardent toujours et go.
Ah quand – même – verrouiller la porte, aussi. J'ai vaguement entendu qu'on tambourinait contre mon huis, mais : rien à foutre. J'ai coupé le téléphone. La recherche n'attend pas.
18 ou 19 février. C'est dingue ce qu'on trouve quand on ne perd pas son temps à dormir. Je commence à m'y retrouver dans ce fatras, et je commence à avoir une petite idée sur ce que cherchaient les moines, leur abbé, surtout. Hieronimus.
J'ai mis un bout de temps à l'identifier parce qu'il a cinquante surnoms, dans les rouleaux. Magister Argillae. Terrare Christophorus. Simulacri Pater et j'en passe.
Mon latin médiéval date un peu, mais je crois que je commence à comprendre un peu ce qui s'est joué ici. Les moines qui s'étaient installés dans le monastère qui a précédé ma baraque n'étaient pas du tout à la retraite, je me suis gouré. On les a isolés de force parce qu'ils pratiquaient l'alchimie.
Sauf qu'ils ont continué dans la cave, évidemment. Pas mal vu : c'est silencieux, isolé… C'est même sacrément bien isolé : sans le masque à gaz, je me serai déjà évanoui quinze fois.
Bon, comme d'habitude, je peux me brosser pour comprendre le détail des grimoires et des rouleaux mais l'abbé s'était manifestement tourné vers autre chose que le Grand Œuvre. On retrouve les symboles partout : l'Ouroboros, le Pélican, l'Hexgramme de Salomon. Mais associé à d'autres symboles.
C'est le Pélican qui me fait le plus tiquer. Il est associé au Phénix et à Saturne. J'ai le signe sous les yeux, là, ça fait un truc comme ça: ♄. Elle est bizarre, cette image.
Le Pélican qui boit son propre sang, la Renaissance, et le père du Temps ? J'ai jamais vu ça, et j'ai fait cinquante épisodes sur l'alchimie.
Et puis il y a un autre truc. Le symbole de Saturne est aussi gravé dans le bois de l'établi chelou, dans le coin de la cave, contre la paroi. Pile là où la fouine ou le bestiau qui mâchouille son bout de viande qu'on mâchouille est le plus net.
Je l'entends moins depuis que je me suis enfoncé les bouchons d'oreille que j'ai ramené du dernier concert de Gamma Ray dans les oreilles, mais quand même. Je l'oublie le plus souvent, mais c'est comme un bruit de goutte. Une fois que tu l'entends, ça obsède.
Bref, je me disperse : l'établi. Il y a le ♄ de Neptune au centre de du plateau, mais pas seulement. Toute la table est gravée, c'est cafi de signes, de la crois ansée jusqu'à ce qui ressemble à des mots arabes et hébreux.
Il n'y a pas un pouce de bois sans signes, et j'ai l'impression bizarre que les moines ne les ont pas tous tracés. Je suis prêt à parier qu'il avait déjà du vécu, ce plateau, quand ils l'ont récupéré. Ils ont juste continué les gravures.
Le signe qui a l'air le plus ancien est gravé dans l'épaisseur du plateau, avec un cartouche autour. Enfin gravé – c'est presque comme s'il était teint dans la masse du bois. J'y vois pas grand chose avec la poussière en suspension, mais on dirait que c'est de l'ocre.
J'essaie de le retracer comme je peux : גולם. Aucune idée de ce que ça veut dire, et ça fait un point d'interrogation de plus pour l'établi, parce que les attaches en cuir et en métal, je ne comprends pas ce que ça fout là.
Il est temps que je ressorte de cette cave. Masque à gaz ou pas, la sueur me flingue la cornée et les contours des lettres et des objets deviennent flous.Et puis faut que je sois en forme. J'ai encore trois jours seul.Demain j'ouvre un des bocaux qui prennent la poussière sur les étagères.
19 février. Bien dormi. J'ai fait des rêves qui pourraient payer leur piscine à toute une escouade de psy, mais j'ai bien dormi. Les pies se tiennent à distance. Elles ont compris, ces saletés. J'ai éteint mon téléphone. Même en silencieux, ça me rendait dingue de le voir clignoter en permanence.
Vraiment bizarre, ces rêves, quand même, quand j'y repense. Entre les moines qui appellent, l'abbé encapuchonné qui murmure "termine-le", heureusement que je fouille pas dans des caves médiévales tous les matins. Allez, on y retourne. J'ai des bocaux à ouvrir.
19 février, plus tard.Eh ben bon dieu, j'ai bien fait de descendre avec l'ouvre bocal de mamie, parce que c'était salement hermétique, leurs récipients. Y avait de tout. Des chevrettes, des pots à canon, des albarello. Toute la gamme du parfait petit apothicaire.
En revanche, c'était décevant. J'attendais des trucs un peu dégueulasses, du genre anatomique. Ben pas du tout. Que de la terre. DES terres, je devrais dire. 50 nuances de sables, d'argile, des sels, des oxydes, des grains de plomb, un truc qui ressemble encore à du mercure, des gommes…
C'est marrant, mais c'est classique. Le seul truc qui sort de l'ordinaire, à la limite, c'est l'énorme cruche qui prend tout un angle. Je ne l'avais pas vue dans la pénombre, mais ça fait ma taille. J'ose pas l'ouvrir, mais vu les traces sur le couvercle, c'était bourré d'argile.
Le truc, c'est que ça sonne creux. Je sais pas combien de centaines de kilos d'argile ça pouvait contenir, ce machin, mais ils ont tout utilisé.
19 février, tard. J'aurais du sortir plus vite. Je sais pas si c'est la chaleur, la poussière, ou les trucs qui trainaient dans les bocaux que j'ai ouvert, mais je flageole. Je vais pas réussir à remonter. J'ai les yeux qui piquent. Je vais aller m'allonger sur l'établi. Pas longtemps, deux minutes.
20 février. Je sais ce que cherchait Hieronymus.Comme quoi, les grandes découvertes, c'est toujours des accidents et c'est valable pour la faïence, la tarte Tatin, et ma cave.
J'ai bien fait de m'évanouir juste devant l'établi, parce que la solution du mystère était sous le nez depuis le début. Enfin sous le plateau de bois. J'ai littéralement ouvert les yeux sur le parchemin fixé en-dessous.
Un golem. Ils ont essayé de confectionner un PUTAIN DE GOLEM. Tu m'étonnes qu'on les a relégués à vingt bornes du monastère. Mais c'est pas tout. Il était du genre convaincu, Hieronymus.
Je comprends un mot sur deux et encore, je peux remercier ma vieille prof de latin, mais si je comprends bien, Hieronimus a fini par comprendre qu'il lui manquait un ingrédient.Du sang. Humain.
Et si je me goure pas complètement, Hieronimus a flingué ses petits copains. Parce que "Veniam mihi fratres mei concedant", j'aurai pas l'agreg demain, mais ça ressemble beaucoup à un aveu sur l'air du "que mes frères me padrdonnent'.
Ce que je n'arrive pas à capter, c'est le petit dessin en bas. On dirait un oiseau, mais j'arrive pas à déchiffrer la phrase à côté. "anima eorum evolet", peut-être ? Un truc sur l'âme qui s'envole ?
21 février. Café en haut. Les pies me regardent et ça commence à être vraiment relou. Et ça ne cligne jamais des yeux, ces cochonneries, elles se contentent de me regarder. Je vais redescendre juste pour ne plus voir ce reproche vivant. Tout ça parce que j'en ai flingué une.
21 février, vers midi. Je mangeais mon sandwich quand ça m'a frappé. Si j'ai bien compris le parchemin de Hieronimus, il a fini par le trouver, son ingrédient secret pour finir par animer son golem selon la Vraie Recette. Il a tué ses potes, il a mélangé du sang à son gros tas d'argile, OK. Et ?
Je l'ai retournée, la cave. Si je ne me goure pas sur les dates, tout ce que j'ai trouvé est antérieur au parchemin. Son gros tas d'argile qui suintait de raisin, il en a fait quoi, Hieronimus ? Et les corps ? Il les a quand même pas enterrés sur pl… OH PUTAIN. J'ai besoin d'une pelle.
22 février. Je n'arrive pas à comprendre ce que j'ai trouvé. Les archives que j'ai épluché parlent de trois moines, Hieronimus compris. Bon ben je les ai retrouvés. J'ai trois squelettes. Tous enterrés dans le sol de la cave. Mais par qui ?
Je suis épuisé, j'arrive plus à penser droit. La poussière m'étouffe, j'ai trois crânes qui me regardent et ce putain de bruit recommence, en plus. J'ai mes bouchons d'oreille, pourtant, mais c'est plus fort, maintenant.
Et je sais pas si c'est la sueur qui me brûle les yeux, mais j'ai l'impression que la paroi se fendille. Non je suis pas dingue. Les pierres s'effritent.
Et le son change. C'est pas juste le bruit de viande qu'on arrache. J'ai l'impression qu'on essaie d'articuler des mots. Oui, c'est sûr. Quelque chose derrière le mur veut me dire quelque chose. C'est ténu, mais si je m'approche, je vais peut-être comprendre. Je peux pas m'arrêter là, merde.
… ça y est, j'entends. C'est trois mots, toujours en boucle. "Ultima", Portio et… "Sanguinis" ? Attendez. La… la dernière mesure de sang ?

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