Les salons afro contraints de fermer à 20h sous la pression des voisins blancs
À Paris, un arrêté oblige depuis décembre 2024 les salons de coiffure afro du quartier Château d’Eau à fermer à 20h. Officiellement pour réduire « le bruit et les odeurs », cette décision menace l’économie locale. Avec près de 80 commerces concernés, les coiffeurs dénoncent une punition collective qui s’apparente à une stratégie de gentrification. Derrière le calme nocturne se cache une asphyxie économique.
Un quartier qui « dérange »
Depuis les années 1980, Château d’Eau est le cœur battant des cultures afro à Paris. Mais depuis fin 2024, la préfecture impose un couvre-feu commercial à 20h, suite aux plaintes d’associations de riverains. Celles-ci dénoncent des « nuisances sonores et olfactives » liées aux clients et aux produits capillaires. En clair, l’argument officiel reprend un vieux lexique colonial : le « bruit et l’odeur » déjà invoqués par Jacques Chirac en 1991.
“Le bruit et l’odeur” ce discours raciste et nauséabond n’a pas sa place dans le Xe, espace multiculturel qui fait la richesse de l’arrondissement.
Sous prétexte de nuisance, on veut en réalité blanchir et gentrifier les rues.
Soutien aux commerçants de Chateau d’Eau ✊🏼 https://t.co/GbKW4iXeWQ
— Enzo Antifa 🔻 (@EnzoAntifa) August 28, 2025
Un impact économique cinglant
Pour les commerçants, la fermeture anticipée détruit leur rentabilité. La plupart de leurs clients arrivent après 18h, une fois leur journée terminée. En tout, ce sont près de 80 salons afro qui sont impactés, avec des dizaines d’emplois précaires menacés. Les heures du soir représentaient leur principal pic d’activité. Interdire ce temps, c’est programmer l’échec économique. Face à ce constat, les commerçants ont tenté de faire annuler l’arrêté en justice : 27 d’entre eux, soutenus par leur avocat, dénoncent une « stratégie d’étouffement » étatique et réclament plus de présence policière ciblée contre les fauteurs de trouble, plutôt qu’un couvre-feu généralisé.
Des quartiers où personne ne voulait vivre ni s’installer. Le seul véritable “grand remplacement” c’est celui de la gentrification. https://t.co/9b96Sn7PNC
— Preta e Kimpa. (@Dayislike) August 28, 2025
Encore un effet de la gentrification. Ça commence par “le bruit après 20h”, ça va finir par “le bruit dans la journée “ et ce sera l’activité entière de ces salons qui sera en danger. Ils n’arrêteront que lorsque les “indésirables” seront effacés du paysage parisien. https://t.co/6rK4FlTrd5
— Jessy | Créative en mission 🎯 (@JessyDiandra) August 27, 2025
Un deux poids, deux mesures
Ironie cruelle : les bars, restaurants et hôtels du quartier restent ouverts bien après minuit, malgré des nuisances autrement bruyantes. Pourquoi eux ne seraient-ils pas concernés ? Pour de nombreux observateurs, ce décalage traduit une logique de gentrification sélective. On tolère les nuisances de l’alcool festif, mais on cible les commerces afro perçus comme trop visibles, trop sonores.
C'est tjs comme ça. Tu vas t'installer dans un quartier animé type Bastille ou Canal St Martin parce que ça vit, puis tu te plain que le quartier soit vivant 🤔
Mais pour chateau d'eau on connaît la motive: acheter à bas prix car quartier de noirs, puis
gentrifier = plus value https://t.co/2TaXK0ZfDm— Mademoiselle N. (@Mlle_N_75) August 27, 2025
Tu vas vivre de ton plein gré à Château d’Eau pour au final te plaindre de l’ambiance générale franchement jsp https://t.co/YpnlJvpdkH
— Covid Tennant 🍍 (@KayK0uine) August 27, 2025
Couvre-feu racial ou tranquillité publique ?
Certains urbanistes parlent de « curfew racial »: une police du temps qui frappe les commerces racisés. L’idée n’est pas nouvelle. Des chercheurs comme Xochitl Gonzalez expliquent que la gentrification ne se contente pas de transformer les murs, elle impose aussi un régime sonore et temporel. À Château d’Eau, la vitalité des salons afro, voix, musiques, attroupements est désormais assimilée à une nuisance à éradiquer. Ce silence imposé reflète une hiérarchie raciale dans la gestion de l’espace urbain.
quand c’est sur les champs élysée c’est stylé et c’est ça qui représente paris mais sur château d’eau c’est des nuisances sonores et olfactives, dites simplement que vous détestez les noirs ça ira plus vite https://t.co/C44Cb54Ga5
— 🌺🧚🏾💋 (@LANGFORDPUGH) August 27, 2025
Comme si Château d’Eau était le seul quartier bruyant, encombré et malodorant. Faut arrêter les conneries, ils disent juste aux noirs de remballer leur bordel à 20h
— Le Spice 🌶 (@spicymymy) August 27, 2025
La seule solution à la gentrification : https://t.co/lJpIHvpexwpic.twitter.com/ataX0Pajpb
— RÆVE 🔻 🧡 🔻 (@jeraeve) August 28, 2025
Un quartier en sursis
Château d’Eau risque de perdre son identité. Les salons afro ne sont pas seulement des commerces : ils constituent un lieu de sociabilité et d’ancrage pour des générations de migrant·es et de descendant·es. Détruire cette économie, c’est affaiblir un pan entier de la mémoire et de la culture afro-parisienne. Derrière la vitrine des perruques et des mèches colorées, ce sont des vies qui se jouent.
Il est temps d’agir
Ce couvre-feu ne protège pas : il détruit. Il ne régule pas : il étouffe. En réduisant au silence des dizaines de commerces afro, la préfecture inflige une punition racialisée sous couvert de tranquillité publique. Tant que ces salons resteront bâillonnés à 20h, c’est toute une communauté qu’on prive de son droit d’exister dans l’espace urbain.
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