Denis Mukwege : le chirurgien qui répare les femmes
À Bukavu, le « médecin qui répare les femmes » a bâti un modèle de soin et de justice devenu une référence mondiale. À l’affiche le 24 septembre 2025, Muganga raconte ce combat et rappelle une évidence militante : tant que les corps des femmes sont des champs de bataille, la paix reste un slogan.
Né en 1955 à Bukavu, Denis Mukwege fonde en 1999 l’hôpital de Panzi. Il y invente une prise en charge « holistique » en quatre piliers : soins médicaux, accompagnement psychosocial, aide juridique et réinsertion socio-économique. Ce modèle “One Stop Center” évite aux survivantes de courir d’un guichet à l’autre ; tout est sous le même toit. À ce jour, Panzi affirme avoir traité plus de 80 000 survivantes de violences sexuelles. Ce chiffre, vertigineux, illustre la dimension systémique de la guerre menée contre les corps des femmes en République démocratique du Congo.
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TRISTE RÉALITÉ POUR LE CONGO !Extrait du discours de Dr Denis Mukwege,Gynécologue Congolais, Prix Nobel de la Paix 2018 pour son engagement contre les mutilations génitales féminines.
Surnommé l'homme qui répare les femmes, il soignait des femmes victimes de violences..⤵️ pic.twitter.com/2qyeRn5IXX
— L'éternel Sonkiste ✊🏿🌍🇸🇳🇸🇩🇨🇩🇵🇸 (@Le_Patriote_221) March 5, 2025
Muganga : un film, une alerte
Réalisé par Marie-Hélène Roux, Muganga (2025) mélange fiction et archives pour suivre Mukwege, ses équipes et les survivantes de Panzi. Avec l’acteur Isaach de Bankolé dans un rôle central, le film sortira en France le 24 septembre 2025. Son objectif est clair : mobiliser l’opinion publique au-delà du continent africain.
Le titre « Muganga », qui signifie « médecin » ou « guérisseur » en swahili, exprime l’enjeu : soigner les corps mais aussi réparer une société entière, fracturée par des décennies de conflits. Le film fait écho à la reconnaissance internationale du combat de Mukwege, lauréat du prix Nobel de la paix en 2018 aux côtés de Nadia Murad. Cette mise en récit n’est pas anodine : c’est un outil politique, un appel à regarder en face l’impunité des crimes de guerre commis à l’Est du Congo.
Quasiment 3 ans après l’inauguration de l’école Denis Mukwege dans ma ville natale, je revois le Dr Mukwege être incarné dans un film biographique poignant qui raconte son parcours de médecin gynécologue au sein de l’Hôpital Panzi à Bukavu 🇨🇩. Beaucoup d’émotion et de fierté 🤗👏🏾 https://t.co/yiawmrEmJhpic.twitter.com/eZoAl9Qloe
— Mukongo77 🇨🇩🇦🇴 (@Mukongo77) September 15, 2025
Les chiffres qui forcent à regarder en face
En 2022, Panzi a accueilli 6 619 survivantes de violences sexuelles, a accompagné juridiquement 4 452 dossiers et offert 24 000 soutiens psychosociaux. Ces données prouvent que la violence sexuelle n’est pas une succession de drames isolés mais une stratégie militaire récurrente. À l’échelle nationale, une étude parue dans l’American Journal of Public Health estime qu’en 2006, environ 400 000 viols ont été commis en RDC — soit plus de 48 chaque heure. Ces chiffres, souvent repris par les ONG, montrent que l’on parle d’une arme de guerre, pas de faits divers.
Pour Mukwege, la vérité est implacable : les violences sexuelles massives servent à terroriser des communautés, à provoquer des déplacements forcés et à assurer le contrôle des zones minières. Les minerais dits « de conflits » — coltan, or, cobalt — représentent jusqu’à 70 % des revenus des groupes armés. La guerre économique se fait sur le dos des femmes. C’est pourquoi son slogan, répété inlassablement, prend tout son sens : « guérir les femmes, c’est guérir le Congo ».
Il faut qu’on se mobilise pour aller voir le film du Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la paix. Il a pris l’engagement de soigner les femmes victimes de violences sexuelles à l’Est du Congo.
Le film sort le 24 septembre au CINÉMA.— jenni (@Jennimbb) August 27, 2025
Soigner, mais aussi obtenir justice
Le modèle Panzi ne se limite pas aux soins chirurgicaux. Les patientes reçoivent aussi une assistance juridique, notamment grâce aux « cliniques juridiques » et aux audiences foraines organisées dans les villages. En 2022, Panzi en a conduit 38, permettant de juger des affaires là où la justice reste inaccessible. À cela s’ajoutent des ateliers de formation professionnelle, des coopératives économiques et des caisses de solidarité. L’idée est claire : la réparation doit être complète et passer par l’autonomie.
Ce travail se fait sous pression constante. En octobre 2012, le domicile de Mukwege est attaqué par des hommes armés. Son garde du corps est tué, mais lui échappe à la mort. Depuis, il vit sous escorte, preuve que dénoncer ces crimes revient à s’exposer. Le prix Nobel l’a mis sous les projecteurs mais n’a pas réduit les menaces.
🔟 Faits marquants sur Denis Mukwege 🇨🇩
1️⃣ Médecin engagé 🏥 – Spécialiste du traitement des survivantes de violences sexuelles.
2️⃣ Fondateur de Panzi 🏨 – Son hôpital soigne des milliers de femmes en RDC.
3️⃣ Défenseur des droits humains ✊ – Il lutte contre le viol comme arme… pic.twitter.com/MXJzM7UxCC— Benjamin Umba (@benjimk) February 10, 2025
Du bloc opératoire à la tribune : un combat politique
Mukwege est médecin, mais il est aussi militant. Son discours d’Oslo en 2018 a résonné comme une dénonciation frontale : « le monde a fermé les yeux sur des décennies de viols massifs ». Depuis, il réclame la mise en place de tribunaux internationaux pour juger les crimes commis en RDC. Il rappelle que la paix sans justice n’est qu’un mot creux.
Muganga illustre cette double bataille. Montrer les patientes opérées, mais aussi dénoncer les mécanismes internationaux qui alimentent les conflits congolais. C’est un film qui, à travers une trajectoire personnelle, éclaire un système global — et interpelle directement les spectateurs européens sur leur propre responsabilité.
À partager !
Écouter le prix Nobel de la paix Denis Mukwege en 2018 à Oslo (Norvège)🔥🔥 pic.twitter.com/XMjCCvMmOn— charasava (@CharlesPelayo9) June 13, 2023
Repères rapides
- 1999 : ouverture de l’hôpital de Panzi.
- 2012 : attaque armée contre Mukwege, son garde du corps assassiné.
- 2018 : prix Nobel de la paix avec Nadia Murad.
- 2022 : 6 619 survivantes soignées, plus de 80 000 depuis 1999.
- 24 septembre 2025 : sortie du film Muganga en France.
Pourquoi c’est aussi notre affaire
Le viol comme arme de guerre n’est pas un problème « éloigné ». Nos téléphones, nos batteries, nos ordinateurs contiennent du coltan congolais. La mondialisation des minerais connecte nos vies aux conflits de l’Est. Exiger justice, soutenir Panzi, protéger les défenseurs et rappeler la responsabilité internationale est une urgence politique.
Muganga n’est pas un simple film biographique : c’est une alerte et une interpellation. Il rappelle que la dignité des Congolaises et des Congolais ne se négocie pas. Le message est simple : guérir les femmes, c’est guérir le Congo. Guérir le Congo, c’est aussi affirmer une humanité commune.
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