Sargasses aux Antilles : un envahisseur toxique et silencieux
Depuis plus de dix ans, les plages de Martinique et de Guadeloupe subissent chaque été une invasion massive d’algues brunes appelées sargasses. Ce phénomène, lié aux courants tropicaux et au changement climatique, dégrade l’environnement côtier et la santé des habitants en libérant des gaz nauséabonds et corrosifs. Les autorités locales et scientifiques multiplient programmes de recherche et opérations de nettoyage pour endiguer le fléau, soulignant un déséquilibre de traitement entre Antilles et Héxagone.
Les sargasses sont des algues brunes flottantes originaires de la mer des Sargasses (Atlantique Nord). Mais depuis 2011, d’immenses radeaux s’étirent jusqu’aux Caraïbes sous l’effet des vents d’ouest et de la circulation océanique. La détection satellite de 2020 a même révélé un tapis colossal : environ 8 millions de tonnes d’algues, entre le Golfe du Mexique et l’Afrique. Transporté par le courant équatorial, ce bloom géant menace désormais chaque été les côtes antillaises.
Pas mon fils qui persiste à prononcer sargasses: « Salgarce »
— Succube (@PetiiteKoala) July 20, 2025
La ou je constate qu’on s’en fout royalement des Antilles avec les problématiques de l’eau ou des sargasses c’est quand on voit les investissements d’environ 300 millions tandis que pour rendre la Seine baignable (un fiasco) ils sont prêts à mettre 1 milliard
— Joy boy (@ManPrf) June 25, 2025
Impacts environnementaux et sanitaires
Ainsi, les sargasses aux Antilles échouées forment de véritables nappes nauséabondes sur les plages. Leur décomposition produit du sulfure d’hydrogène et de l’ammoniac, gaz toxiques qui irritent les yeux et les voies respiratoires. Des campagnes de mesure aux Antilles ont montré que ces concentrations peuvent provoquer conjonctivites, toux et étourdissements, surtout chez les enfants, les femmes enceintes et les personnes asthmatiques. Face à cette menace, les autorités ferment régulièrement les plages de baignade les plus touchées pour protéger les populations. Ce qui est bien insuffisant pour endiguer cette forte concentration de sargasses.

#Sargasses en #Guadeloupe : Le seuil d'alerte au sulfure d'hydrogène dépassé à Capesterre de Marie-Galante, plages et boulevard maritime fermés
➡️ Pour la première fois, les capteurs de Gwad’Air ont relevé un taux alarmant de 7,17 ppm de sulfure… pic.twitter.com/fgqF28O84Q
— Outremers360 (@outremers360) August 22, 2025
#Sargasses🔴🔴🔴
7,17 ppm de sulfure d’hydrogène (H2S) en moyenne pendant 24 heures.
Nouveau record à Capesterre de Marie-Galante.
Aucune évacuation de la population…
Allô @Prefet971 ?@guadeloupela1e@ars_guadeloupe@outremer_gouv@SargaMonitoringpic.twitter.com/31FQJK7NvS— Eric Stimpfling (@StimpflingEric) August 21, 2025
Réponses et innovations locales
Face à l’urgence, les zones touchées multiplient les solutions : barrières flottantes en mer, bateaux spécialisés, valorisation. Ainsi, l’entreprise Sargcoop transforme les sargasses en briques écologiques pour le secteur du bâtiment.
Ces briques biodégradables réduisent l’impact environnemental et valorisent un déchet envahissant. En Guadeloupe, le Sargator 3, navire-cureur catamaran, collecte jusqu’à 80 tonnes d’algues par heure grâce à son système de ramassage centralisé. Plusieurs projets locaux expérimentent aussi la valorisation de ces algues envahissantes en ressources utiles. Par exemple, le projet martiniquais GARAS vise à transformer les sargasses en bioplastiques et en compost. Les chercheurs rappellent cependant que le sel et les métaux lourds présents dans ces algues constituent un verrou majeur à leur exploitation immédiate.
Un déséquilibre Antilles / Hexagone
Pourtant, la mobilisation de l’État français illustre un double standard. En hexagone, la Bretagne a lancé dès 2010 un plan national anti-marée verte, finançant le ramassage d’urgence et la réduction des sources polluantes agricoles. À l’inverse, aucun plan officiel contre les sargasses n’existait aux Antilles avant 2019 : ce sont des appels à projets de recherche (financés par l’ANR et les collectivités) qui ont débloqué des fonds pour étudier le phénomène. Ce retard de l’État, alors même que les crises partagent des causes similaires, souligne un écart de considération politique entre les régions.
En somme, l’invasion des sargasses aux Antilles, comme la prolifération des algues vertes en Bretagne, traduit un même déséquilibre environnemental. Les experts insistent sur le fait qu’il faille traiter les causes profondes : réchauffement climatique, déforestation, ruissellements agricoles… Les sargasses sont le reflet de nos déséquilibres planétaires. Sans actions coordonnées pour réduire ces pressions (décarbonation, transformation des pratiques agricoles, etc.), le fléau tropical continuera de marquer durablement le littoral antillais.
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