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La France reconnaîtra-t-elle un jour la dette coloniale imposée à Haïti ?

Par Parlons Large 18/08/2025

Haïti proclame son indépendance en 1804 au terme d’une révolte d’esclaves contre les colons français. Vingt-et-un ans plus tard, Paris reconnaît cette liberté à son avantage et impose à la jeune république noire le paiement d’une somme astronomique pour compenser les propriétés des anciens colons. Ce tribut imposé « jusqu’au-boutiste » a freiné durablement le développement du pays. Aujourd’hui encore, cette dette reste au cœur des discussions sur les réparations historiques.

Suite à une révolte d’esclaves contre les colons français, Haïti proclame son indépendance en 1804. Pendant 21 ans, la France tente de récupérer ce territoire sans y parvenir.
 

Un ultimatum colonial en 1825

 

En avril 1825, le roi Charles X envoie une escadre au large de Port-au-Prince. L’ultimatum est clair : Haïti ne sera reconnue indépendante qu’en versant 150 millions de francs-or aux anciens colons. Contrainte par la menace militaire, la jeune république accepte. Pour réunir cette somme colossale, le président Jean-Pierre Boyer contracte des prêts auprès de banques françaises. La rançon est officiellement soldée en 1883, mais les intérêts liés aux emprunts continuent à peser lourdement sur l’économie nationale bien après cette date.

 

 

Une « double dette » qui asphyxie l’économie

 

Par la suite, Haïti paie non seulement cette indemnité, mais contracte aussi de nouveaux emprunts pour la rembourser. Cette spirale créant une « double dette » est soulignée par les historiens. En effet, selon la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, la charge de la dette a plongé Haïti sous domination financière française pendant un siècle. Au total, Haïti a versé environ 560 millions de dollars actuels (525 millions d’euros), en tenant compte des intérêts et commissions. Cette somme astronomique représente un manque à gagner économique de plusieurs dizaines de milliards de dollars, puisque les fonds versés n’ont jamais profité au pays. De fait, des économistes comme Thomas Piketty parlent de « néocolonialisme par la dette », pour décrire comment ces transferts massifs ont siphonné l’économie haïtienne

 

En 1911, même si l’indemnité avait été soldée, Haïti restait étranglée par les dettes contractées pour l’honorer. Selon l’Assemblée nationale, sur les 3 dollars de recettes perçus par l’État haïtien, 2,53 étaient alors consacrés au remboursement de la dette. Autrement dit, plus de 80 % du budget public servait encore à financer cette rançon imposée deux siècles plus tôt. Les archives nationales confirment que même l’excédent versé se retrouve finalement reversé au Trésor français, révélant l’ampleur du mécanisme financier néocolonial mis en place.

 

 

Enjeux contemporains et appels aux réparations

 

Aujourd’hui, cet héritage colonial alimente les revendications de justice. Dès 2003, le président haïtien Jean-Bertrand Aristide demandait publiquement des « réparations financières » à la France pour cette « dette coloniale ». En avril 2025, à l’occasion du bicentenaire de l’ordonnance, Emmanuel Macron a annoncé la création d’une commission franco-haïtienne d’historiens pour étudier ce passé douloureux, sans toutefois s’engager à une réparation directe. Plus récemment, selon Reuters, plus de soixante organisations de la société civile ont adressé en juillet 2025 une lettre ouverte au président Macron pour lui demander de reconnaître et de réparer cette injustice historique.

 

En France également, le débat fait rage. Le 5 juin 2025, l’Assemblée nationale a adopté une résolution non contraignante reconnaissant l’« injustice » de cette « double dette » et appelant à étudier des voies de réparation symbolique. Pour de nombreux historiens et militants, il est temps que l’État français reconnaisse ses responsabilités et envisage des compensations, ou au minimum un geste politique fort, face à ce que certains appellent la plus coûteuse des « colonisations par la dette ». L’exigence de réparation d’Haïti est désormais portée par la communauté internationale, alors que la mémoire de cette rançon imposée mobilise toujours les esprits.

 
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