Lumumba, l’homme que l’Occident voulait faire taire
Patrice Lumumba symbolise la lutte anticoloniale dans le monde entier. Après avoir arraché l'indépendance du Congo en unifiant son pays en 1960, il devient son premier chef de gouvernement à seulement 34 ans. Son assassinat brutal reste une blessure vive de l'histoire coloniale.
Tout commence en 1925, année de naissance de Patrice Lumumba dans une colonie belge : le Congo.
Lumumba grandit au milieu des inégalités d’un régime colonial qui traite les siens en sujets et non en citoyens. Employé de poste puis journaliste, il s’impose comme un orateur anticolonialiste redoutable, dénonçant le mythe d’une colonisation « civilisatrice » et le racisme quotidien du pouvoir blanc. Il rêve d’un Congo libre et maître de son destin.
"Le Congo a besoin de tous ses fils pour assurer son unité et sa grandeur.",
Patrice Émery Lumumba.#RDCpic.twitter.com/G5SK5ZWJYb
— BID (@BIDieumerci) August 9, 2025
Vers l’indépendance : l’ascension de Patrice Lumumba
Dans les années 1950, Lumumba s’impose comme un leader du nationalisme congolais. En 1958, il fonde le Mouvement national congolais (MNC) pour fédérer les ethnies dans la lutte pour l’indépendance, et son charisme rallie de nombreux partisans. Malgré les manœuvres de la puissance coloniale, son alliance remporte les élections de mai 1960. Le 23 juin 1960, Lumumba devient Premier ministre du Congo indépendant, incarnant les espoirs d’une nation libérée.
⭕️ Centenaire du panafricaniste, héros de l'indépendance congolaise Patrice Lumumba, né le 2 juillet 1925
👉 "Sans dignité il n'y a pas de liberté, sans justice il n'y a pas de dignité, et sans indépendance il n'y a pas d'hommes libres." pic.twitter.com/l1GStmNF2t— Chronik (@Chronikfr) July 2, 2025
Le discours historique du 30 juin 1960
Le 30 juin 1960, lors de la cérémonie d’indépendance, Lumumba fait face au discours paternaliste du roi Baudouin, qui présente la colonisation comme une œuvre civilisatrice et l’indépendance comme un cadeau de la Belgique. Le Premier ministre congolais improvise une réponse cinglante, rendant hommage aux « combattants de l’indépendance » et dénonçant « l’humiliant esclavage » du régime colonial. « Nous avons connu les insultes et les coups que nous devions subir parce que nous étions des nègres », lance-t-il, sous les yeux médusés des officiels belges.
Ce discours électrise la population congolaise en affirmant que l’indépendance n’est pas un don, mais le fruit de la lutte. Lumumba s’impose comme un héros panafricain, mais aussi comme un homme à abattre pour les puissances coloniales.
Le 30 juin 1960, lors de la cérémonie de l’indépendance du Congo, Patrice Lumumba prononce un discours qui va marquer l'Histoire. Dans cet extrait, il encourage une nouvelle lutte nécessaire après l'indépendance. Hommage aux combattants de la liberté nationale 🇨🇩 ! pic.twitter.com/yMh1kOVpEs
— AMECAS (Sorbonne) (@AmecasP1) June 30, 2020
Une jeune république plongée dans la tourmente
La jeune République sombre rapidement dans le désordre : en juillet 1960, l’armée se mutine et la riche province minière du Katanga fait sécession avec l’appui de la Belgique. Impuissant face à cette crise, Lumumba fait appel à l’ONU, puis, devant l’inaction des Casques bleus, se tourne vers l’URSS. Ce choix en pleine guerre froide, lui colle directement une cible sur la tête. Des archives déclassifiées de la CIA dévoilent même un plan d’assassinat de Lumumba par empoisonnement.
« Dès le 1er juillet 1960, l’opération Katanga était lancée. Bien sûr, sauvegarder l’Union minière.
« On nous révèle aujourd’hui que des fonctionnaires civils de l’ONU avaient en fait mis en place un nouveau gouvernement le 3e jour de l’investiture de Lumumba. »
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— McsLionel (@Mcslionel) April 1, 2024
7. Mais Lumumba est isolé. L’ONU refuse de lui fournir l’aide militaire nécessaire. Le président américain Eisenhower rejette également ses demandes. Confronté à l’urgence, Lumumba se tourne vers l'Union soviétique pour obtenir du soutien. pic.twitter.com/HykL4P4Qpf
— Ketch Arol (@arol_ketch) November 7, 2024
Lumumba, cible de l’Occident
Après quelques semaines, l’armée livre Lumumba à ses ennemis sécessionnistes. Le 17 janvier 1961, il est transféré au Katanga, aux mains des hommes de Tshombé et de mercenaires belges. Ce soir-là, Patrice Lumumba et deux de ses compagnons (Mpolo et Okito) sont exécutés par un peloton katangais. L’assassinat se déroule en présence d’officiers belges, sous le regard complice d’agents de la CIA. Avant de mourir, Lumumba reste fidèle à ses idéaux. Il écrit une dernière lettre déchirante à sa femme Pauline. Il affirme : « Ni brutalités ni tortures ne m’ont jamais fait demander grâce, car je préfère mourir la tête haute, la foi inébranlable… plutôt que vivre dans la soumission ». Ses bourreaux font disparaître les corps dans l’acide, ne conservant qu’une dent comme trophée macabre.
17 janvier 1961. 62 ans que Joseph Okito, Maurice Mpolo et Patrice Lumumba ont été assassinés.
Ces mots extraits de la dernière lettre de Patrice Lumumba à sa femme résonnent plus fort que jamais au face à la situation actuelle de la RDCongo 🇨🇩.#LumumbaDay2023pic.twitter.com/pn22cSil5G— MémoireColoniale/BE (@mmoirecoloniale) January 17, 2023
Un héritage panafricain indélébile
La mort de Lumumba provoque une onde de choc planétaire. Il devient une icône panafricaine de la lutte anti-impérialiste. Partout en Afrique, des avenues portent son nom, et Malcolm X le qualifie de « plus grand Noir ayant jamais foulé le sol africain ». Dans de nombreux pays, Lumumba est célébré comme un héros national, martyr de l’indépendance. Son rêve d’une Afrique unie et souveraine a inspiré des figures telles que Thomas Sankara ou Nelson Mandela. Bien que réduit au silence, Patrice Lumumba a semé dans les consciences l’idée que la vraie liberté politique n’existe pas sans la maîtrise des richesses et la dignité des peuples. Son nom reste un cri de ralliement pour tous ceux qui combattent le néocolonialisme.
« La Vérité Enterrée : La Mort de Patrice Lumumba et le Silence du Katanga »
Entre propagande, trahison et mémoire effacée.
Le 17 janvier 1961, Patrice Lumumba, Premier ministre du Congo indépendant, est assassiné au Katanga. Ce documentaire explore les documents internes, les… pic.twitter.com/6fENvlruke
— Christian Nyamabo (@ChrisNyamabo) August 10, 2025
Mémoire et justice : la reconnaissance tardive
Pendant la dictature de Mobutu, la mémoire de Lumumba est étouffée, malgré la récupération du régime en 1966 le proclamant « héros national ». Il faudra attendre 2002 pour que la Belgique présente des excuses officielles pour son « rôle moral » dans l’assassinat. En 2022, Bruxelles restitue à la famille de Lumumba une dent du héros, seul vestige de son corps, lors d’une cérémonie symbolique. 60 ans après sa disparition, le Congo honore enfin son héros national et l’ancien colonisateur admet tardivement ses torts.
🇧🇪 🇨🇩 La Belgique a restitué à la République démocratique du Congo une dent du héros de l'indépendance congolaise Patrice Lumumba, dont la dépouille va rejoindre un mémorial à son nom à Kinshasa #AFPpic.twitter.com/mZB8DTaB3G
— Agence France-Presse (@afpfr) June 21, 2022
#RDC: Après les discours de De Croo et Sama, la fille de Lumumba lance:
« Père, comment es-tu mort ? On ne sait pas.
Quand es-tu mort ? On ne sait pas
Où as-tu été assassiné ? On ne sait pas non plus
Qui t'ont assassiné et pourquoi ? On cherche encore » pic.twitter.com/l1kiV8NkFi
— Stanis Bujakera Tshiamala (@StanysBujakera) June 20, 2022
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