Pourquoi les néonicotinoïdes ne causent-ils pas (encore) le cancer ?
Tout dépend de comment sont menées les études.
La loi Duplomb cristallise les débats. Malgré une pétition de plus d’un million de signatures contre elle, le gouvernement annonce qu’il ne reculera pas. Le débat porte essentiellement sur le principe de précaution : aucune étude épidémiologique de grande ampleur chez l’humain ne permet de conclure à un lien avec le cancer concernant l’acétamipride. Cependant, des lien entre l’exposition aux pesticides et certains cancers sont connus. Sur Bluesky, @valentin nous éclaire un peu dans ce débat.
Pourquoi les néonicotinoïdes ne causent-ils pas (encore) le cancer ?
1/ Pourquoi les #néonicotinoïdes ne causent-ils pas (encore) le cancer ?
— Valentin Thomas (@valentin-socio.bsky.social)2025-07-23T15:03:43.254Z
2/ Associations de malades, fondations de recherche et scientifiques alertent contre les risques d’augmentation de cancers si les néonicotinoïdes sont réintroduits sur le marché. Les défenseurs de la #loiDuplomb rétorquent que l’état des connaissances ne soutient pas cette idée
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3/ Comment savoir ? Prouver le caractère cancérogène d’une exposition est difficile. Mais en ce domaine l’avis de certaines institutions compte plus que d’autres, comme ceux rendus par le Centre international de recherche sur le cancer ( #CIRC / #IARC)
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4/ Depuis les 1970s le CIRC agrège les études disponibles pour répertorier les causes du cancer. Il a entre autres classé l’amiante, la viande rouge, le #glyphosate, les fumées de diesel. Il s’est construit une réputation d’organisation scientifiquement indépendante et préventive
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5/ A-t-il classé les néonicotinoïdes ? Non. Cela signifie-t-il qu’ils ne causent pas le cancer ? Non plus
— Valentin Thomas (@valentin-socio.bsky.social)2025-07-23T15:03:43.258Z
6/ En fait il existe un ensemble de mécaniques sociales et institutionnelles qui produisent du non-savoir ou qui permettent de ne jamais acter qu’une substance est cancérogène, et ceci pendant très longtemps. C’est moins une question de débats savants que de rapports de force
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7/ D’abord les organisations d’expertise comme le CIRC (ou l’ #ANSES, l’ #ECHA…) sont saturées, submergées par les milliers de produits chimiques mis sur le marché chaque année. À l’inverse le temps d’évaluation des dossiers a augmenté du fait des exigences scientifiques et des volumes de données
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8/ Résultat : les populations sont exposées à de plus en plus de produits, mais de moins en moins de ces produits sont évalués. La plupart des ajouts à la liste du CIRC ont été faits avant les années 1990. Environ 1100 évaluations en 50 ans, pour des dizaines de milliers de composés en circulation
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9/ Pire, une organisation comme le CIRC passe un temps considérable à réévaluer d’anciens dossiers pour les mettre à jour, plutôt que d’ajouter de nouveaux produits à sa liste. Les vieilles molécules les plus documentées sont aussi les plus étudiées, c’est l’effet Matthieu appliqué à la science
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9/ Le CIRC prévoit toutefois d’évaluer les néonicotinoïdes d’ici 2029. Mais va-t-il les classer ensemble ou séparément, comme c’est l’usage dans ces organisations ? monographs.iarc.who.int/wp-content/u…
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10/ S’il les classe ensemble, il acterait leur similarité et cela permettrait de contourner le manque de données dont souffrent certains. Mais il est fort probable que la classification se fasse composé par composé, ce qui ferait perdurer les controverses sur chacun d’entre eux
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11/ Pour l’instant aucune étude sur les humains n’a été identifiée par le CIRC, seulement des études sur les animaux. S’il classe sur cette base, des controverses pourraient ensuite s’ouvrir sur la pertinence d’une extrapolation de ces résultats animaux aux humains
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12/ C’est ce que des industriels ont commencé à anticiper
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13/ Des scientifiques de Syngenta ou Dow Chemical ont produit des études qui suggèrent un effet cancérogène sur les rats et souris, mais présenté comme spécifique à ces espèces et donc comme une preuve d’innocuité chez l’humain> pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/15716476/ ; www.tandfonline.com/doi/full/10….
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14/ L’autre voie de controverse est celle des doses légales d’exposition. Car même en cas de cancérogénicité avérée, les autorités sanitaires n’interdisent que très rarement un produit. Elle préfèrent gouverner par les seuils
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15/ C’est là que des distinctions sémantiques sont mises en avant, comme celle entre le « danger » intrinsèque d’un composé et le « risque » que ce danger advienne réellement. Des distinctions fruits de conflits institutionnels, mais qui se présentent avec la force de l’évidence
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15/ Or la pertinence des seuils est controversée, surtout pour le cancer. Le cas de l’amiante a par exemple montré que la fixation de ces doses acceptables permettait avant tout de repousser le moment d’une interdiction en prolongeant le compromis social productiviste
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16/ Bref, il existe tout un art de ne pas savoir si un produit est cancérogène, dont les différents groupes sociaux peuvent tirer profit ou subir les effets. La #loiDuplomb est presque un cas d’école
— Valentin Thomas (@valentin-socio.bsky.social)2025-07-23T15:03:43.271Z
17/ Si tout cela vous intéresse, je vous renvoie à mon ouvrage « Classé cancérogène. Enquête sur un processus entravé » (Presses de Sciences Po) 📖. Disponible en version papier mais aussi en numérique ici shs.cairn.info/classe-cance… Merci pour la lecture! FIN
— Valentin Thomas (@valentin-socio.bsky.social)2025-07-23T15:03:43.272Z
Bonus :
Vos réactions sur la loi Duplomb dans ce comptwoir (entre autres nouvelles) :

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