Visite guidée dans la pire prison de la Stasi
Après la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne fut séparée en deux États distincts. L’Est devint une zone d’occupation de l’URSS. La ville de Berlin fut également séparée en deux. En 1961, l’URSS décide de construire un mur pour empêcher les habitants de Berlin-Est de se rendre à l’Ouest. Dès lors, une véritable dictature va s’abattre sur le territoire occupée par l’Armée rouge. Un ministère de la Sécurité d’État est créé : ce sera la Stasi. Service de police mais également de renseignement, d’espionnage et de contre-espionnage, il marquera durablement les esprits par sa fermeté et sa cruauté. Généralement on connaît apprend cette période via le film La Vie des autres. Mais on peut également en apprendre plus avec le Mémorial de Berlin-Hohenschönhausen, beaucoup moins romantique.
Un thread de @mariebayle77
L’univers de David Lynch est fascinant. Depuis que j’ai découvert la série "Twin Peaks" à 14 ans, je vis avec ses films, personnages, musiques, sons, décors.A travers une série de fils j’espère vous faire découvrir ou vous remémorer ce qui est si percutant et unique chez cet artiste essentiel.⬇️
— Marie Bayle-Normand (@mariebayle77.bsky.social)2025-02-16T17:00:15.107Z
Commençons par l’histoire du site. Utilisé jusqu’à la fin de la 2de guerre mondiale comme cuisine industrielle, ce lieu fut transformé en un camp d’internement par les Soviétiques qui y emprisonnèrent de nombreuses personnes dans des conditions absolument atroces en 1945-46.⬇️
— Marie Bayle-Normand (@mariebayle77.bsky.social)2025-03-09T18:19:11.823Z
En 1951, le ministère de la Sécurité d’État de la RDA (Stasi) prit le contrôle du site et en fit un centre de détention pour *prisonniers politiques*. Et c’est là que le récit de l’horreur commence et que Hohenschönhausen devint un lieu emblématique de la répression sous le régime soviétique.⬇️
— Marie Bayle-Normand (@mariebayle77.bsky.social)2025-03-09T18:19:11.824Z
Le site est composé de 2 bâtiments:1- la prison “classique”, avec des cellules humides et non isolées, petites, sans meubles ou juste un lit et une bassine. Inhumaine, froide et rigide.⬇️
— Marie Bayle-Normand (@mariebayle77.bsky.social)2025-03-09T18:19:11.825Z
2- le lieu d’internement avec des cellules plus grandes, plus *humaines* (a priori, j'y reviens plus loin dans ce fil) avec qq meubles, et pas loin les salles d’interrogation. Soviétique, rectiligne et austère. ⬇️
— Marie Bayle-Normand (@mariebayle77.bsky.social)2025-03-09T18:19:11.826Z
Les détenus étaient des soit-disant (et c’est un énorme soit-disant) opposants politiques, journalistes critiques, personnes soupçonnées de vouloir fuir à l’Ouest. En grande majorité des honnêtes gens comme vous, comme moi, dénoncés par des informateurs.⬇️
— Marie Bayle-Normand (@mariebayle77.bsky.social)2025-03-09T18:19:11.827Z
On est au début des années 50: le monde découvre les tortures physiques de la guerre. La Stasi privilégie la torture psychologique qui brise les opposants sans laisser de traces ou preuves concrètes une fois le détenu libéré. ⬇️
— Marie Bayle-Normand (@mariebayle77.bsky.social)2025-03-09T18:19:11.828Z
Parmi ces méthodes, on trouve les tortures “classiques”: + de 10 détenus par cellule, sans meuble ou peu, dans l’humidité & la moisissure, lumière constamment allumée. Les gardiens faisaient du bruit, empêchant toute possibilité de repos. Fin 40's, on meurt de faim, de maladie, de froid, de chaud.⬇️
— Marie Bayle-Normand (@mariebayle77.bsky.social)2025-03-09T18:19:11.829Z
Les conditions s’améliorent un peu dans les années 50-60 mais restent inhumaines. Les prisonniers ne changeaient jamais de vêtements, n’avaient ni de quoi se laver, ni brosse à dent, ni papier WC. ⬇️
— Marie Bayle-Normand (@mariebayle77.bsky.social)2025-03-09T18:19:11.830Z
Ils partagaient une bassine WC pour 5 et un des prisonniers avait droit à 10 min/jour à l’extérieur pour la nettoyer. Bien entendu ils se battaient pour ces 10 min car c'était une occasion unique de sortir de la cellule.⬇️
— Marie Bayle-Normand (@mariebayle77.bsky.social)2025-03-09T18:19:11.831Z
Ils avaient droit à 1 douche tous les 15 jours. Ou plutôt ils avaient le droit de se mouiller, de se savonner avant que les gardiens n’arrêtent l’eau. Systématiquement.Ils retournaient en cellule avec le savon qui grattait la peau.⬇️
— Marie Bayle-Normand (@mariebayle77.bsky.social)2025-03-09T18:19:11.832Z
On leur confisquait cravate, ceinture, lacets et boutons. Lors des déplacements ils perdaient donc leur pantalon et tombaient avec leurs chaussures ouvertes. Humiliation permanente.Aussi les boutons auraient pu leur servir à jouer à des jeux.Aucune évasion, même mentale.⬇️
— Marie Bayle-Normand (@mariebayle77.bsky.social)2025-03-09T18:19:11.833Z
C’est dans les années 70, lorsque la RDA s’engage à respecter les Droits de l’Homme, que les choses vont évoluer. Le régime était alors bien installé, fondé sur une surveillance de masse paranoïaque extrêmement organisée.⬇️
— Marie Bayle-Normand (@mariebayle77.bsky.social)2025-03-09T18:19:11.834Z
Il devint impossible de laisser les prisonniers dans de telles conditions et c’est la seconde partie du bâtiment qui va à présent nous intéresser: une prison avec des cellules plus grandes, meublées, contenant au plus 3 personnes. Et là, vous allez voir comment la cruauté humaine est sans limite.⬇️
— Marie Bayle-Normand (@mariebayle77.bsky.social)2025-03-09T18:19:11.835Z
Déjà, il faut noter que la prison se trouvait dans une zone restreinte de Berlin, interdite d'accès aux citoyens, et qui n'avait d'ailleurs pas d'existence officielle: elle ne figurait pas sur les cartes de la ville et très peu de gens la connaissaient. ⬇️
— Marie Bayle-Normand (@mariebayle77.bsky.social)2025-03-09T18:19:11.836Z
Lors de son arrivée en prison, le détenu, yeux bandés ne devait rencontrer personne. Il était mis à nu, fouillé. Il n’avait en général aucune idée d’où il était et pourquoi il avait été arrêté. Je précise que j’utilise le pronom “il” car 75% des détenus étaient des hommes.⬇️
— Marie Bayle-Normand (@mariebayle77.bsky.social)2025-03-09T18:19:11.837Z
On ne lui disait pas qu’il pouvait garder ses vêtements s’il le voulait et on lui proposait un uniforme. Evidemment il le prenait. Cet uniforme était systématiquement trop petit, ou trop grand. Systématiquement.⬇️
— Marie Bayle-Normand (@mariebayle77.bsky.social)2025-03-09T18:19:11.838Z
Le futur prisonnier était interrogé pendant des heures. Un des exemples qui nous a été donné est 41 heures d’affilée. Sans boire ou manger, ni dormir.⬇️
— Marie Bayle-Normand (@mariebayle77.bsky.social)2025-03-09T18:19:11.839Z
L’interrogatoire commençait par 1 discussion cordiale voire sympathique. Puis l’interrogateur demandait pq cette arrestation. Quand le détenu disait qu’il ne savait pas, l’interrogateur devenait extrêmement agressif et violent. Suivaient menaces, intimidations et interruptions. Pendant des heures.⬇️
— Marie Bayle-Normand (@mariebayle77.bsky.social)2025-03-09T18:19:11.840Z
Puis le détenu était amené à sa cellule, avec 10 min pour apprendre le réglement. Il y restait seul pendant 1 durée pouvant durer des semaines, sans aucun contact. Sa fenêtre laissait passer la lumière mais ne permettait pas de voir à l’extérieur. Une ampoule très forte était constamment allumée. ⬇️
— Marie Bayle-Normand (@mariebayle77.bsky.social)2025-03-09T18:19:11.841Z
Le détenu n’avait pas le droit de faire de sport. Il n’avait pas le droit de s’asseoir. Enfin, si, il avait un petit tabouret (voir photo plus haut). Mais ce tabouret était fixé entre la table et le mur de telle façon que s’y asseoir était trop inconfortable.⬇️
— Marie Bayle-Normand (@mariebayle77.bsky.social)2025-03-09T18:19:11.842Z
Le prisonnier vivait dans un isolement total, sans aucune notion du jour, de la nuit, du temps qui passe, d’où il se trouve. Il y avait bien un code pour communiquer en tapant sur les murs. 1=A, 2=B… Mais c’était long et complexe de faire une phrase. ⬇️
— Marie Bayle-Normand (@mariebayle77.bsky.social)2025-03-09T18:19:11.843Z
Et comment être sûr que ce n’était pas un gardien ou un informateur de l’autre côté? Impossibilité perpétuelle de sécurité.Certains détenus demandaient à être interrogés, pour pouvoir parler à quelqu’un.Imaginer un tel niveau de déshumanisation semble impossible. ⬇️
— Marie Bayle-Normand (@mariebayle77.bsky.social)2025-03-09T18:19:11.844Z
D’ailleurs, un *bon* emprisonnement était un emprisonnement unique. Si le détenu devait revenir, c’était considéré comme un échec car la démolition mentale n'avait pas été suffisante.⬇️
— Marie Bayle-Normand (@mariebayle77.bsky.social)2025-03-09T18:19:11.845Z
Plus incroyable encore, certains individus espéraient se faire arrêter car ils savaient que la RFA voisine faisait souvent passer d’anciens prisonniers à l’Ouest contre de l’argent. C’était donc un moyen de s’évader!⬇️
— Marie Bayle-Normand (@mariebayle77.bsky.social)2025-03-09T18:19:11.846Z
En tout, plus de 40 000 personnes ont été détenues. La prison a été fermée en 1990 dans le cadre de la réunification de l'Allemagne. Certains anciens prisonniers ont alors réalisés que c’était ici qu’ils avaient été enfermés, en reconnaissant les lieux ou en consultant leur fiche qui s’y trouvait.⬇️
— Marie Bayle-Normand (@mariebayle77.bsky.social)2025-03-09T18:19:11.847Z
C’est à présent un mémorial, et de nombreux guides sont d’anciens détenus, les autres des historiens. Les visites sont guidées, en allemand, anglais et russe.⬇️www.stiftung-hsh.de/en/themen/ge…
— Marie Bayle-Normand (@mariebayle77.bsky.social)2025-03-09T18:19:11.848Z
Ne vous attendez pas à passer un bon moment, le lieu est très oppressant. N'emmenez pas de jeunes enfants ou des personnes sensibles.J'avoue: j'étais profondément bouleversée.Et c'est ce qui rend cette visite essentielle.Merci de m'avoir lue. N'hésitez pas à partager.☑️
— Marie Bayle-Normand (@mariebayle77.bsky.social)2025-03-09T18:19:11.849Z
Bonus :
On reste sur le thème de la prison avec un thread sur quelques idées reçues :
Commentaires 0
Rédigez votre commentaire