Récit d’une rupture d’anévrisme cérébral évitée de justesse
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Une rupture d’anévrisme cérébral est une déchirure dans la paroi d’un vaisseau sanguin du cerveau qui provoque une fuite de sang. Cela peut causer des dommages graves au cerveau et entraîner des symptômes brutaux comme une douleur intense à la tête, des vomissements ou une perte de conscience. « Lorsqu’un anévrisme dans une artère du cerveau présente une rupture, il cause un accident vasculaire cérébral (AVC) hémorragique. Une personne sur deux décède dans le mois qui suit la rupture d’anévrisme cérébral. » (source). C’est donc une urgence vitale qui plus tôt elle est prise en charge, moins les séquelles seront lourdes. Par chance, c’est le cas dans ce récit.
Le récit d’une rupture d’anévrisme cérébral évitée de justesse par une médecin anesthésiste-réanimateur :
Un thread de @campiche_sarah
🧠 Cas de neuro réanimation 🧠
Patiente de 37 ans en bonne santé se présente vers 13h aux urgences pour des fortes douleurs à la tête, frontales, apparues très brutalement depuis 2h de temps et des vomissements. pic.twitter.com/dQzTGGQk0A
— Sarah Campiche MD (@campiche_sarah) September 10, 2024
Les collègues urgentistes reconnaissent immédiatement les signes d’appels : un CT scan cérébral est réalisé en priorité et révèle un anévrisme de sur l’artère communicante antérieure. pic.twitter.com/CXT3liAl0d
— Sarah Campiche MD (@campiche_sarah) September 10, 2024
L’artère communicante antérieure est une branche des artères carotides (pour les initiés: partie antérieure du polygone de Willis). pic.twitter.com/uP5m7F9uLs
— Sarah Campiche MD (@campiche_sarah) September 10, 2024
L’alarme STROKE est lancée. Plusieurs équipes spécialisées sont mobilisées: neurologues, neurochirurgiens, neuroradiologues, anesthésistes (Bibi), intensivistes.
La patiente présente un léger saignement cérébral, l’anévrisme est en voie de rupture.
Il faut faire très vite!
— Sarah Campiche MD (@campiche_sarah) September 10, 2024
Cliniquement, la patiente est consciente, très légèrement confuse, le score du coma (Glasgow Coma Score) est de 15/15.
Sans aucun délai, la prise en charge se fait en salle de neuroradiologie sous anesthésie générale.
— Sarah Campiche MD (@campiche_sarah) September 10, 2024
C’est à mon équipe de jouer : il est question de mettre la patiente dans les meilleures conditions pour que l’intervention puisse se faire rapidement et en sécurité pour elle. Sans oublier son confort. pic.twitter.com/fQexnVUl8T
— Sarah Campiche MD (@campiche_sarah) September 10, 2024
La patiente a mangé. Il faut utiliser des anesthésiants à action très rapide pour l’intuber avant que le contenu de son estomac ne finisse dans ses poumons (bronchoaspiration = cauchemar de l’anesthésiste).
On appelle cela induction à séquence rapide ou “crush” pour les intimes.— Sarah Campiche MD (@campiche_sarah) September 10, 2024
Dans le même temps et pour toute la procédure, nous devons contrôler la pression artérielle très précisément. Elle doit être suffisante pour que le cerveau soit irrigué et pas trop haute pour limiter le risque que l’anévrisme rompe. Surtout éviter les à-coups.
— Sarah Campiche MD (@campiche_sarah) September 10, 2024
Avec tout cela, il faut absolument que notre patiente soit complètement immobile pour permettre au neuroradiologue de travailler avec le plus de précision possible.
— Sarah Campiche MD (@campiche_sarah) September 10, 2024
Le neuroradiologue intruduit un cathéter dans l’artère fémorale, le remonte jusque dans la carotide interne et injecte un produit de contraste pour opacifier les vaisseaux: c’est l’artériographie.
Voilà ce que ça donne: pic.twitter.com/adfYgmzGaz— Sarah Campiche MD (@campiche_sarah) September 10, 2024
J’ai entouré en bleu le truc qui ne va pas: sur l‘artère communicante antérieure il y a une petite boule. C’est l’anévrisme. Il saigne un tout petit peu.
La paroi de l’artère s’est distendue, a formé un petit sac dont les parois sont très fragiles, ici elles fuient légèrement.— Sarah Campiche MD (@campiche_sarah) September 10, 2024
On a fait un scanner sur la table de neuroradiologie, on a fait la reconstitution en 3D et voilà ce que ça donne… pic.twitter.com/O10JaRGwrm
— Sarah Campiche MD (@campiche_sarah) September 10, 2024
On voit une espèce de truc polylobé: c’est ça. Ça fait environ 1 centimètre et si ça rompt, ça saigne abondamment et ça crée un AVC hémorragique: le sang s’accumule, crée un œdème cérébral, augmente la pression et c’est très grave.
— Sarah Campiche MD (@campiche_sarah) September 10, 2024
La rupture d’anévrisme cérébral est relativement peu fréquent, atteint typiquement des gens entre 40 et 60 ans, 10 par 100’000 personnes. L’hypertension,le tabac et l’alcool sont des facteurs de risques.
— Sarah Campiche MD (@campiche_sarah) September 10, 2024
Les symptômes sont typiques: apparition très brutale de maux de tête important (“coup de tonnerre”), qui peuvent être associés ou pas à des nausées et vomissements. Les douleurs sont généralement dans toute la tête, irradient parfois dans le cou et le dos.
— Sarah Campiche MD (@campiche_sarah) September 10, 2024
Les cas graves sont accompagnés de crises d’épilepsie et/ou de coma lorsque l’anévrisme est rompu, mais souvent, l’apparition des maux de tête précèdent et laissent le temps de poser le diagnostic et d’intervenir avant.
— Sarah Campiche MD (@campiche_sarah) September 10, 2024
Et notre patiente alors?
Et bien dans son malheur elle a eu de la chance. On a pu intervenir et éviter le pire. Elle a été prise en urgence au bloc opératoire et les neurochirurgiens ont pu clipper son anévrisme.
Elle est sortie de l’hôpital sans séquelles.
— Sarah Campiche MD (@campiche_sarah) September 10, 2024
Nous avons beaucoup de chance, les techniques diagnostiques et interventionnelles permettent souvent d’éviter le pire ou de le minimiser.
Alors chers tous, soyez heureux, aimez-vous et prenez soin de vous! pic.twitter.com/W5ltaJuM2H
— Sarah Campiche MD (@campiche_sarah) September 10, 2024
Précision: l’illustration de l’induction de l’anesthésie est bien évidemment un autre patient (barbu, vous êtes nombreux à l’avoir remarqué). Lors d’une prise en charge en urgence vitale immédiate, on n’a pas le temps de prendre des photos.
— Sarah Campiche MD (@campiche_sarah) September 12, 2024