La partie la plus difficile de mon métier :

L'annonce d'une mauvaise nouvelle pour un enfant.

Pour une fois, je voudrais vous raconter ma toute première annonce en tant que chef ⤵️

— Toubib 🩺 | Just A Word 📚 (@NightHaunter) December 14, 2023

Lors d'une garde, un enfant de 7 ans avec perte de poids et vomissements matinaux quotidiens depuis plus de 2 semaines.
Peu d'autres symptômes cliniquement.
Bref, nous passons à l'imagerie cérébrale.
Le diagnostic tombe : Tumeur Cérébrale.

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Dans ce cas, il faut aller voir les parents et leur expliquer.

Mais on n'a pas le droit d'annoncer direct que c'est un cancer/tumeur car pour ça il fait une preuve histologique (en allant prendre un bout de la tumeur pour la confirmer au laboratoire)

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Je me présente donc à la porte, le processus pour avoir l'imagerie, l'interprétation, la conduite à tenir etc…a été long. Plusieurs heures d'attente pour ces parents.
Ils ne savent pas à quoi s'attendre et me voient revenir dans la chambre.
Je leur demande de me suivre.

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L'annonce, à cet âge, je préfère la faire juste avec les parents pendant qu'un de mes collègues auxiliaires reste avec l'enfant pour l'accompagner.

J'emmène donc les parents dans la salle à côté et je ferme la porte.
Je commence par repasser rapidement sur le processus.

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Puis vient rapidement la sentence :

« Une masse a été retrouvée dans le cerveau de votre enfant, volumineuse, environ de la taille d'une balle de golf. »

Silence.
Sidération.

À partir de là, les deux parents ont eu une réaction bien différente.

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La mère se met à pleurer, se prenant la tête dans les mains, prostrée.
Le père, presque en colère, me demande ce que c'est, il veut savoir.

Je ne peux lui dire que ce dont je suis sûr : une masse, il faut un prélèvement/biopsie pour savoir, je ne peux pas trancher.

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Je ne peux pas dire « C'est un cancer »
Mais lorsqu'il me demande « est-ce que ça peut être un cancer ? », je peux lui répondre oui, c'est une possibilité.

Il me faut bien maintenir : « C'est quelque chose de grave, sérieux »
Pour marquer l'urgence et ne pas induire en erreur.

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Le père me pose plein de questions, sur le traitement, le pronostic tout ça.
Beaucoup auxquelles je ne peux pas répondre.
La mère, restera prostrée pendant tout mon entretien

Je laisse un silence, pour les laisser s'exprimer de nouveau s'ils le veulent…

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Ensuite, je leur dis que c'est une nouvelle difficile, que je vais les laisser un peu seuls d'abord, qu'ils pourront me poser des questions par la suite s'ils le veulent, qu'ils peuvent même noter des questions pour ne pas oublier s'ils le veulent.

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Viens ensuite la dernière tâche : « Est-ce que vous préférez l'annoncer à votre enfant ou est-ce que je le fais moi-même ? »

Après quelques secondes de réflexion, ils préfèrent que je le fasse.
Je vais donc voir le gamin seul et je lui explique.

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Avec des mots adaptés à son âge, en essayant d'être simple et précis et, comme pour les parents, de laisser des silence pour la réflexion et de répondre aux questions.
La réaction n'est pas aussi brutale mais la compréhension n'est pas la même. Reste que le choc est là.

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Puis, je sors.
Tout est déjà fait, l'enfant va être transféré à notre CHU.

Je repars en salle de pause, abasourdi moi-même, c'est alors ma toute première annonce.
C'était difficile, extrêmement difficile.

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Avant l'annonce, j'avais des palpitations, j'ai presque eu une bouffée d'angoisse avant de frapper à la porte pour aller voir les parents.
Puis, le sérieux reprend le dessus, la peur, c'est de ne pas être à la hauteur du moment pour ces gens et ce gamin.

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Après l'annonce, une seule infirmière me demandera « Et toi, ça va ? »
Et moi de répondre que j'ai connu des jours meilleurs.
Puis, discrètement, je suis parti aux toilettes pour pleurer un bon coup.
Et j'y repense toujours, des années plus tard, régulièrement.

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Voilà la partie la plus dure de mon métier.
La plus délicate, qui se gère mieux petit à petit avec l'expérience et plus on le fait, malheureusement.

Avant-hier, j'ai eu une autre annonce, un autre enfant, d'autres parents.
Et je crois que je ne m'y ferai jamais vraiment.

— Toubib 🩺 | Just A Word 📚 (@NightHaunter) December 14, 2023