Thread : pourquoi il ne faut pas aborder une femme en pleine rue
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Suite à un thread de @Clemalysse sur la réalité du harcèlement de rue, des centaines de femmes ont témoigné sur Twitter pour raconter leur histoire de harcèlement de rue. Malgré cela, de nombreux hommes ne comprennent toujours pas quel est le problème d’aborder une femme dans la rue. Explication.
Un thread de @CharlesGros76
Pour mes 5 abonnés, je peux pas m'en empêcher :
THREAD de "prof de philo chiant" inspiré par la lecture de ce tweet de @MaudLeRest et par les réactions qu'il suscite (notamment hommes et femmes qui nous disent qu'on peut bien "dire à une femme qu'elle est belle quand même") ⬇️ https://t.co/dS3NUZuhGk
— Charles Gros (@CharlesGros76) June 20, 2022
Voilà typiquement le nœud du problème. On fait comme s’il y avait une espèce de symétrie, d’égalité, qui serait déjà acquise et une neutralité des rapports sociaux. Alors qu’en fait, ben non. Les rapports entre les genres ne sont pas neutres du tout. ⬇️
— Charles Gros (@CharlesGros76) June 20, 2022
L’astuce d’un système de domination comme le patriarcat, c’est qu’il repose sur l’intériorisation des normes de domination par les dominés et l’inconscience de l’exercice de la domination chez une partie plus ou moins importante des dominants. Traduction : ⬇️
— Charles Gros (@CharlesGros76) June 20, 2022
on peut trouver ça « flatteur » ou « très agréable » d’être complimentée ou draguée dans la rue ; on peut croire être juste sympa et « séducteur » en faisant un compliment à une inconnue dans la rue. L’astuce c’est précisément qu’on le perçoit comme ça car c’est inscrit en nous⬇️
— Charles Gros (@CharlesGros76) June 20, 2022
dès le plus jeune âge, grâce à l’éducation. Et pas la peine d’aller engueuler vos parents, souvenez-vous simplement qu’ils ont eu aussi des parents, qu’ils vivent comme vous en société. ⬇️
— Charles Gros (@CharlesGros76) June 20, 2022
Si vous êtes encore là, suivez moi, et relisons ensemble Simone de Beauvoir, un texte que je fais souvent lire aux élèves de terminale : pic.twitter.com/ILW68fJ7aI
— Charles Gros (@CharlesGros76) June 20, 2022
Vous avez dès 1949, l’explication de l’argument « ça va, si on le dit gentiment et pour faire un compliment, ça passe ». Ça ne passe que parce qu’on part du principe, lorsqu’on est un homme, qu’il est normal de porter un jugement de valeur sur une femme dans l’espace public ⬇️
— Charles Gros (@CharlesGros76) June 20, 2022
et qu’elle doit être flattée puisqu’elle existe essentiellement afin d’être un objet de désir. Il suffit d’avoir été une femme ou même d’avoir eu des enfants pour savoir que tout ça se met en place dès la socialisation primaire. ⬇️
— Charles Gros (@CharlesGros76) June 20, 2022
« L’immense chance du garçon » c’est que son éducation coïncide avec l’affirmation (virile) presque illimitée de soi dans l’espace public. Cela le place d’emblée du bon côté des rapports de force en société. ⬇️
— Charles Gros (@CharlesGros76) June 20, 2022
Voilà pourquoi on s’indigne lorsqu’une femme ose dire « foutez-nous la paix, ne nous parlez pas ». On fait alors comme s’il y avait symétrie des positions et on lui répond : « ça va, on peut aussi faire un compliment ou vous demandez l’heure ». ⬇️
— Charles Gros (@CharlesGros76) June 20, 2022
Mais complimentez une femme qu’on ne connait pas dans la rue, c’est rappeler les rapports de forces qui existent toujours déjà et conditionnent très largement les interactions entre les genres. ⬇️
— Charles Gros (@CharlesGros76) June 20, 2022
On comprend aussi pourquoi les milliers de témoignages sur Twitter et ailleurs convergent majoritairement vers le même dénouement : ce qui était un « compliment », quand on lui répond poliment se transforme en harcèlement et, si on lui oppose un refus, devient une agression ⬇️
— Charles Gros (@CharlesGros76) June 20, 2022
Car derrière un compliment dans l’espace public il se joue toujours plus, c’est l’affirmation d’un pouvoir et un pouvoir n’aime pas être contrarié dans son exercice même s’il affiche les meilleures intentions. ⬇️
— Charles Gros (@CharlesGros76) June 20, 2022
Même remarque pour les réactions du genre « t’es jalouse que personne te drague », « en fait tu veux juste qu’on s’intéresse à toi » ou même l’inénarrable « une petite levr**te et ça ira mieux » Clairement, derrière l’affirmation du droit à « complimenter », « draguer », il y a⬇️
— Charles Gros (@CharlesGros76) June 20, 2022
toujours la même logique : la culture du viol propre aux sociétés patriarcales. Évidemment celle-ci s’exerce et infuse les comportements et les mentalités à des degrés divers. C’est pourtant la même structure qu’on voit inlassablement se reproduire. ⬇️
— Charles Gros (@CharlesGros76) June 20, 2022
On ne naît pas mascu toxique mais on le devient très tôt et c’est pas évident de déconstruire quoi que ce soit. Les idées dominantes se présentent à nous comme des normes et ne dévoilent jamais les rapports de dominations sociaux et économiques dont elles émergent. ⬇️
— Charles Gros (@CharlesGros76) June 20, 2022
Donc, arrêtez de croire que tout vous est dû bordel et que ce que vous faites est plaisant. On ne domine pas gentiment ou avec politesse. Juste on domine. Et je dis "on" car j'ai pas la prétention débile d'échapper totalement à des ordres de domination si puissants.
Au revoir.
— Charles Gros (@CharlesGros76) June 20, 2022