L'autre jour, ma grande-tante de 93 ans m'a dit : "Vous les jeunes, vous râlez tout le temps. Quand j'étais jeune, on se taisait et on respectait le gouvernement. Vos grèves là, pfff… Ça ne serait pas arrivé de mon temps."
Donc je lui ai demandé de quel "temps" elle parlait :— Marie (@emojifeu) December 8, 2019
Est-ce qu'elle parlait de quand elle avait une dizaine d'année, en 1936 – au moment des grandes grèves suite à l'élection du Front Populaire pour, notamment, les congés payés et la hausse des salaires ?
Ou bien quand elle avait 20 ans, les grèves ouvrières de 47 chez Renault ?— Marie (@emojifeu) December 8, 2019
Ou peut-être l'année suivante, les grèves minières de 48 ? A moins qu'elle n'ait parlé de quand elle avait presque 30 ans, les grèves du secteur public de 1953 pour protester contre une coupe drastique de moyen dans le secteur public, notamment l'enseignement ?
— Marie (@emojifeu) December 8, 2019
Ou alors elle me parlait de ses 40 ans, en 1968, les grandes grèves nationales que je ne présenterai pas, vous savez.
Ou elle me parlait peut-être de ses 45 ans et de la grève générale des PTT de 1974, contre les 1er mouvements de privatisation de ce secteur alors public 🤔— Marie (@emojifeu) December 8, 2019
Mais en y réfléchissant, elle parlait peut-être de quand elle approchait ses 50 ans et de la grève historique des mineurs de 1981, durant laquelle les mineurs ont occupé pendant 13 MOIS CONSÉCUTIFS leur mine, en faisait la plus grand grève d'Europe à l'heure actuelle.
— Marie (@emojifeu) December 8, 2019
Cependant, elle était infirmière, donc elle parlait peut-être de la fin de sa carrière et des grèves du secteur hospitalier, qui ont duré du 29 sept. au 24 oct. 1988, soient les premières grèves qui ont permis la coordination institutionnel des syndiqués et non-syndiqués.
— Marie (@emojifeu) December 8, 2019
Mais ces grèves, je m'en souviens, j'y étais (bon, trop jeune pour être gréviste hein, mais mes parents y étaient), donc ça ne devait pas être ça. Ça n'était déjà plus "son temps", peut-être, mais dans cet amas de dates, j'ai du mal à voir le temps dont elle me parlait.
— Marie (@emojifeu) December 8, 2019
Le temps du "respect" du gouvernement, le temps "sans grève".
J'aurai pu citer d'autres dates :
2006, grève contre le contrat première embauche ;
2009, 3 millions de personnes sur 4 jours de grève ;
2010, grève contre la réforme des retraites ;— Marie (@emojifeu) December 8, 2019
2016, les grèves contre la "Loi Travail", dans lesquelles je m'étais engagée même si sans emploi à l'époque ;
2018, les premiers mouvements des Gilets Jaunes…
Mais je suis certaine que là, ce n'était définitivement plus "son temps".— Marie (@emojifeu) December 8, 2019
Quand on a raccroché, j'ai senti que je ne serai pas invitée à déjeuner de sitôt.
J'aurai compris qu'elle me dise "La grève m'isole, je n'aurai pas le moyen de me déplacer", ce qui est une réalité. Pas qu'elle me dise "Vous êtes des feignasses qui ne voulez pas travailler".— Marie (@emojifeu) December 8, 2019