Thread : pourquoi les vendeuses vous sautent-elles dessus dès l’entrée du magasin ?
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On en a tous fait la désagréable expérience : à peine un pied posé dans le magasin de vêtements, une vendeuse déboule comme un taureau face à un chiffon rouge pour nous conseiller. Même pas le temps de flairer l’ambiance ou de se rappeler le but de notre visite que nous voilà alpagué·e. La séance de shopping est avant tout un moment où l’on souhaite se faire plaisir et déambuler de longues heures dans les rayons à la recherche du parfait ensemble en fait partie. Alors quand une vendeuse nous intercepte dès l’entrée, on a qu’une envie c’est de repartir et de se remettre aux achats en ligne. Sauf que si elles le font c’est que côté chiffre d’affaire ça fonctionne. Et que côté employé, c’est une obligation.
Un thread signé @Const_vila
Pourquoi les vendeuses vous "sautent" dessus dès que vous entrez dans une boutique de vêtements et pourquoi n'ont-elles absolument pas le choix ? Un thread qui va calmer votre haine. pic.twitter.com/G4Jy8IaVn0
— Constance Vilanova (@Const_vila) April 6, 2021
Avant toutes choses, j'ai été vendeuse en temps partiel (sorry "conseillère de vente") de mes 18 à mes 24 ans pour deux marques de vêtements, de celles bien chères qui s'adressent aux femmes et qui vous vendent un t-shirt blanc Made in China à 85 euros.
— Constance Vilanova (@Const_vila) April 6, 2021
Chaque marque à sa boîte à outils pour vendre, chaque responsables ses conseils qu'elle distillent "aux filles". Perso : j'étais une machine de guerre, je pouvais vendre tout et n'importe quoi à n'importe qui. Passons. pic.twitter.com/rSmyZIrqda
— Constance Vilanova (@Const_vila) April 6, 2021
Les conseiller.e.s de vente sont obligé.e.s de vous dire "BONJOUR". Ca s'appelle la politesse. Par ailleurs, les marques utilisent désormais des "clientes mystère" qui travaillent pour l'entreprise, payées à tester le service de la boutique. Ne pas dire "bonjour-han" = blâme.
— Constance Vilanova (@Const_vila) April 6, 2021
On nous apprend ensuite à poser une question fermée (ou la réponse n'est pas oui ou non), ou à inviter au conseil. Mais, vraie conseillère attend une minute trente que la cliente soit entrée. Moi c'était "N'hésitez pas si besoin est, toutes les couleurs de sont pas exposées-han"
— Constance Vilanova (@Const_vila) April 6, 2021
"Mais qu'est-ce que ça change que j'achète ou non" Et bien : tout.
Chaque vendeuse a un chiffre à faire. Les entrées sont comptées grâce à un capteur qui permet de calculer le T.T, le taux de transformation : c'est-à-dire notre façon de transformer ces entrées en vente. pic.twitter.com/DfEZLn6F84— Constance Vilanova (@Const_vila) April 6, 2021
Il y a aussi l'IV, l'indice de vente : le nombre de pièces vendues à une cliente en moyenne. Un bon IV, c'est 2. C'est pour ça que " Cette robe est vraiment sympa ceinturée" revient souvent et que je vous calais une ceinture à 180 euros à la taille sans vous demander votre avis.
— Constance Vilanova (@Const_vila) April 6, 2021
Ces marques exploitent "la concurrence féminine" créée de toutes pièces par le patriarcat pour que les vendeuses se défoncent. Les chiffres des autres boutiques de la même marque sont diffusés en direct sur l'ordi. La journée commence par un "On va battre rue XX". Ambiance
— Constance Vilanova (@Const_vila) April 6, 2021
Pas de miroir dans les cabines ? Tout simplement pour que vous en sortiez avec les vêtements à l'essai, et qu'une vendeuse vous intercepte et vous conseille. Se mettre derrière vous, réajuster les coutures sur les épaules montre qu'on connaît notre came. C'est désagréable ? Oui.
— Constance Vilanova (@Const_vila) April 6, 2021
Ca marche ? Oh que oui si vous saviez le nombre d'ourlets que j'ai faits à des manches de chemise pour "mettre en confiance ma cliente et lui faire vivre une expérience personnalisée".
— Constance Vilanova (@Const_vila) April 6, 2021
Autres exemples : ne jamais dire "ca vous va bien". Ce n'est pas "objectif", il faut dire "ça vous fait une belle silhouette" (oui, c'est odieux).
Il faut donner le sac avec le vêtement directement à la cliente en faisant le tour de la caisse et pas par-dessus la caisse.— Constance Vilanova (@Const_vila) April 6, 2021
Tout ça pour vous dire qu'elles n'ont pas le choix, mais alors pas du tout, que ce sont des consignes marketing et qu'un sourire pour celles qui restent debout 8 heures par jour avec interdiction de s'asseoir ça ne serait pas de trop.
— Constance Vilanova (@Const_vila) April 6, 2021
C'est souvent des super meufs qu'on forme à se bouffer entre elles, à se dénoncer. C'est une ambiance nauséabonde volontairement mise en place par la direction.
— Constance Vilanova (@Const_vila) April 6, 2021
Et oui, je faisais partie de celles qui disaient "Avec UNE bottine, ou UNE Stan Smith pour casser le look, ça sera super". Oui.
— Constance Vilanova (@Const_vila) April 6, 2021
Retrouvez moi bientôt dans la saison 2 : "Pourquoi certaines ouvreuses refusent le pourboire et pourquoi les directeurs de théâtres sont des enflures".
— Constance Vilanova (@Const_vila) April 6, 2021
Ah et je me souviendrai toujours de cette cliente qui parlait d'une expo avec sa copine en cabine et qui m'a répondu ' vous connaissez ça, vous ?' quand je lui ai dit que j'étais allée la voir moi aussi. Plus on fait des débiles, plus elles achètent. C'est super.
— Constance Vilanova (@Const_vila) April 6, 2021
Elles ont le dos en mille morceaux à force de piétiner, portent parfois des bas de contention pour les varices derrière les genoux (mes jambes) … J'ai de la chance d'avoir fait ça quelques temps mais je reste admirative de mes collègues pour l'éternité, des warriors 💕
— Constance Vilanova (@Const_vila) April 6, 2021
A noter qu'il n'est pas question de syndicat.
Sauf en grands magasins. C'est d'ailleurs là que la solidarité entre "corners" et entre vendeuses s'exprime le plus. Ça fait partie de l'histoire d'ailleurs.— Constance Vilanova (@Const_vila) April 6, 2021